La carrière politique de Charles de Gaulle (1890-1970) est jalonnée par un corpus de discours fondamentaux, le plus célèbre étant l'appel du 18 juin 1940. Le discours de Bayeux date également de « juin, la plus gaullienne des saisons » (Jean Lacouture).
Le discours de Bayeux a une double importance politique et institutionnelle. Il marque le retour du général de Gaulle, discret depuis sa démission le 20 janvier 1946, sur la scène politique : il intervient, suite au rejet référendaire du premier projet constitutionnel de 1946, pour peser dans le débat constitutionnel. Il expose sa « conception de ce que doit être la Constitution », de ce que devrait être les « nouvelles institutions françaises » (en bleu, extraits du discours de Bayeux) afin d'encadrer la « vieille propension gauloise aux divisions et aux querelles » et la « perpétuelle effervescence politique ».
La question de la postérité de ce discours est ainsi essentielle : quelle fut l'influence de ce discours dans le débat constitutionnel français d'après-guerre : le discours de Bayeux est-il un avant projet de la constitution de 1946 et/ou de la constitution de 1958?
Si le discours de Bayeux, en 1946, (I) n'a pas exercé une influence déterminante sur la constitution de la IVème République (A) en raison d'un contexte défavorable (B), « la constitution de Bayeux » (II) a eu un rôle décisif sur la constitution de 1958 (A), rôle qu'il convient toutefois de relativiser étant donné l'existence d'un processus de mythification a posteriori (B).
[...] Berstein explique que sur toute la ligne, l'échec est complet et illustre la divergence des conceptions du Général par rapport à la culture politique des Français de l'immédiat après guerre C'est parce que ce texte est prophétique, en avance sur les considérations de son époque qu'il n'influence pas la constitution de 1946, sur les constituants et l'opinion publique. Transition: en 1946, le discours de Bayeux a une faible audience car il affirme le renforcement du pouvoir de l'exécutif dans l'immédiat après guerre, âge d'or du parlementarisme. En 1958, c'est à l'aune du parlementarisme de la IVe République que le discours de Bayeux est reconsidéré. [...]
[...] Filiation entre Bayeux et la const. de 58 à propos du pouvoir exécutif: un chef de l'Etat fort pour un Etat fort». De Gaulle soutient que le c'est du chef de l'Etat, placé au-dessus des partis [ ] que doit procéder le pouvoir exécutif Sous l'influence de Bayeux, l'exécutif devient une puissance armée pour l'action [G. Burdeau]. La constitution de 1958 consacre les prérogatives présidentielles de la constitution de Bayeux (titre II sur le président de la République), notamment l'article 5 (le président est un arbitre au-dessus des contingences politiques, garant de la continuité de l'indépendance nationale et des traités Comme annoncé à Bayeux, le Président nomme le premier ministre (art. [...]
[...] Ce discours, entendu comme un discours politique en 46, a été relu comme un texte juridique à partir de 1958. Cette mise en légende cette fétichisation du discours, souhaitée par De Gaulle pour cautionner la nouvelle République, explique que ce discours est devenu une référence obligée, pierre de fondation de la Cinquième République [J. Gicquel]. Selon B. Gaïti, ce n'est pas le discours de Bayeux qui prédit les transformations institutionnelles de 1958, mais bien le retour du général de Gaulle au pouvoir en 1958 qui permet la recréation d'un discours de Bayeux, qui en fait l'énoncé d'une prophétie juridique tenu pour évident aujourd'hui A l'aide de ce retournement prophétique le discours apparaît comme une réussite quelque peu différée [J. [...]
[...] Toutefois, la postérité influente du discours n'est pas entièrement naturelle : il s'opère une véritable mise en légende a posteriori qui élève ce discours au rang de mythe constitutionnel fondateur de la Vème République. Nonobstant le fait que d'aucuns parlent de VIe République, le caractère prophétique du discours de Bayeux est ainsi illustré par la longévité de la Vème République qui a su surmonter la disparition de son fondateur, l'alternance et la cohabitation. Bibliographie Ouvrages généraux ANDRIEU Claire, BRAUD Philippe, PIKETTY Guillaume, Dictionnaire de Gaulle. [...]
[...] C'est pourquoi de Gaulle rejette la constitution de 1946: Un tiers des Français s'y étaient résignés, un tiers l'avaient repoussée, un tiers l'avaient ignorée La faible portée du discours de Bayeux s'explique par une incompréhension des partis et le contexte postVichy Le faible écho politique du discours de Bayeux : l'incompréhension des partis et des constituants. Le discours de Bayeux n'a pas pesé sur la rédaction de la constitution de 1946 car il a été reçu dans l'indifférence des partis : c'était tellement étranger que l'on voyait mal des parlementaires se référer à ce discours mystérieux et déconcertant [P. avril]. La problématique du discours de Bayeux est tout à fait extérieure à celle de la classe politique française [JL Quermonne]. [...]
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