Avec l'entrée en vigueur au 1er décembre 2009 du Traité de Lisbonne il apparaît clairement que l'ordre communautaire exerce une influence croissante sur les droits nationaux, influence conduisant certains comme le professeur Roussillon à douter de l'hégémonie constitutionnelle en lui préférant une suprématie conventionnelle. Dès lors dans l'optique de garantir la suprématie de la Constitution française conformément à une jurisprudence unanime du Conseil d'Etat (Sarran Levacher du 30 octobre 1998), de la Cour de cassation (Fraisse du 2 juin 2000) et du Conseil Constitutionnel (2004-505 DC du 19 novembre 2004), le constituant a introduit un contrôle de constitutionnalité des lois a posteriori par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.
L'un des objectifs principaux de ce contrôle de constitutionnalité a posteriori est de rétablir la place de la Constitution à la tête de la pyramide des normes chère à l'Autrichien Hans Kelsen. Pour ce faire, le constituant vient redorer le blason d'une Constitution qui manquait jusque alors de légitimité du fait de sa non-invocabilité par le justiciable. Ainsi l'article 61-1 de la Constitution complété par la loi organique du 10 décembre 2010 (déclarée conforme à la Constitution dans la 2009-595 DC du 3 décembre 2009) vient-il instaurer la possibilité pour le justiciable de se prévaloir de l'inconstitutionnalité d'une loi en vigueur portant atteinte à une liberté fondamentale et de demander son abrogation par le Conseil Constitutionnel. Dès lors, il convient de s'intéresser à ce nouveau mécanisme qualifié de « révolution juridique » par Michel Verpeaux afin de savoir quelle sera son influence sur la pyramide des normes.
[...] Il résulte de ce constat que le justiciable pourra selon son bon vouloir utiliser le contrôle de conventionalité et non le contrôle de constitutionnalité a posteriori. De même les recours ne s'excluant pas l'un l'autre ils pourront parfaitement être exercés en parallèle et le juge pourra refuser une question prioritaire de constitutionnalité, mais admettre un contrôle de conventionalité. Cette possibilité est d'autant plus pertinente que la protection des droits et libertés fondamentales exercée au niveau constitutionnel et international peut varier. [...]
[...] En effet le Conseil d'État saisit d'une demande d'annulation d'un décret découlant d'une loi dont le requérant avançait l'inconstitutionnalité s'est déclaré incompétent, car la loi faisait écran entre l'acte réglementaire attaqué et la Constitution. Ainsi l'article 61-1 de la Constitution instaurant le contrôle de constitutionnalité a posteriori des lois va-t-il permettre de remettre en cause cette théorie. Néanmoins, il faut noter que cette remise en cause ne sera que partielle dans la mesure où l'article 61-1 de la Constitution ne porte que sur les atteintes aux droits et libertés fondamentales, l'écran législatif demeurant en vigueur dans les autres hypothèses. [...]
[...] Ce dernier a même précisé dans sa décision relative à la loi organique portant application de l'article 61-1 de la Constitution (2009-595 DC du 3 décembre 2009) que la primauté de l'étude de la question prioritaire de constitutionnalité ne portait pas préjudice au contrôle de conventionalité exercé par les juridictions ordinaires et devait être entendue comme ayant «pour seul effet d'imposer, en tout état de cause, l'ordre d'examen des moyens soulevés devant la juridiction saisie Ainsi, il est important de constater que pour le Conseil Constitutionnel la revalorisation de la Constitution s'opère sans préjudice pour le droit international et que ce dernier conserve sa pleine efficience. En outre, les compétences entre juge ordinaire et juge constitutionnel sont rationalisées en ce que chacun dispose d'un champ de compétence précis. Dès lors, une répartition efficace des compétences entre les différents juges semble de nature à préserver l'essence du droit international. [...]
[...] S'opèrerait donc une inversion des niveaux dans la hiérarchie des normes puisque le droit international primerait sur le droit constitutionnel national. De plus, le législateur en favorisant la primauté du contrôle de constitutionnalité a posteriori entend permettre que l'objectif d'épurer l'ordre juridique interne des dispositions ayant échappé au contrôle a priori soit pleinement réalisé. En effet, s'il résulte que les décisions de non-conformité à la Constitution rendues par les sages de la rue Montpensier ont un effet erga omnes et abrogent en conséquence les lois non conformes à la Constitution, le contrôle de conventionalité lui n'a qu'un effet inter partes ainsi une loi contraire au droit international ne sera qu'écartée dans le cadre du procès, mais demeurerait en vigueur. [...]
[...] Ainsi l'article 61-1 de la Constitution semble-t-il être la pierre angulaire d'une évolution tendant à rendre sa suprématie à la Constitution. En effet en privilégiant l'étude de la question prioritaire de constitutionnalité la loi organique garantit la suprématie de la Constitution sur le droit international En outre, ce mécanisme amorce la chute de la théorie de l'écran législatif La primauté de la question prioritaire de constitutionnalité À la lettre de la loi organique du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution (article le juge ordinaire doit traiter le moyen issu de la question prioritaire de constitutionnalité avant de s'intéresser aux moyens issus de l'inconventionnalité d'une loi par rapport aux engagements internationaux auxquels la France est partie. [...]
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