« Donne-moi le fait, je te donnerai le droit » dit le vieil adage romain, résumant ainsi la conception de la procédure civile d'Henri Motulsky, théoricien du droit. Sa philosophie est illustrée par cette citation, tirée du tome 1 de ses Ecrits : « La grande scission qui préside à la répartition des tâches procédurales, s'amorce ici : le fait est le domaine exclusif des parties, le droit celui du juge ». Motulsky attribue donc aux parties –l'une et l'autre des personnes engagées dans un procès civil- le rôle d'apporter les faits, c'est-à-dire les évènements qui entraînent des conséquences juridiques ; et au juge –professionnel exerçant la fonction judiciaire- le rôle d'y appliquer la règle de droit adéquate, en exerçant sur celle-ci un pouvoir très étendu.
Cette doctrine de la procédure civile est de type accusatoire (les parties ont la maîtrise du procès et le juge est un arbitre qui applique mécaniquement le droit), et repose sur le syllogisme judiciaire qui veut qu'à une mineure (le fait) l'on applique une majeure (le droit) pour aboutir à une conclusion (la résolution du conflit). Motulsky répartit donc clairement les rôles dans le cadre de ce syllogisme, qu'il présente comme le support le plus général de toute application du droit.
[...] L'article 12 précise en effet qu'il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ; cette dernière ne peut en effet contraindre le juge, qui doit juger en équité et ne pas s'éloigner de la règle de droit. Cette mesure permet ainsi d'écarter une qualification juridique non adaptée, ou mal interprétée par les parties, au fait dont il est question. Le juge a donc pour fonction principale de contrôler la qualification des faits par les parties, en l'écartant au besoin pour répondre à des impératifs de justice. [...]
[...] Martin, au contraire, il faut pour qu'un procès soit juste que les avocats puissent développer librement leur argumentation en fait et en droit, les deux éléments étant indissolublement unis, et que les moyens ainsi soulevés lient le juge Mais peut-on réellement soutenir que c'est dans l'intérêt du justiciable que le juge doit forcément appliquer la règle suggérée par les parties, sachant que celles-ci peuvent être incompétentes et motivées par leurs propres intérêts Ainsi, comme le résume Jean-Louis Bergel, si l'on admet que le procès a pour seule fonction de régler un litige entre les parties, le juge n'est qu'un simple arbitre et le procès n'est que la chose des parties. Si, en revanche, on considère le procès comme l'instrument d'une application juste et socialement utile du droit positif, le juge doit avoir des pouvoirs étendus H. MOTULSY, Ecrits, études et notes de procédure civile, Dalloz H. [...]
[...] La maîtrise du droit : la nécessaire qualification du fait en droit par les parties, sous le contrôle du juge Cette première relativisation de la distinction établie par H. Motulsky se retrouve également dans le domaine du droit : à première vue, celui-ci semble être l'apanage du juge, qui tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables (al de l'article 12 du NCPC). Cependant, si le juge a une marge d'initiative dans la maîtrise du fait, les parties ont à l'inverse un rôle à jouer dans la qualification juridique des faits, devenue systématique et nécessaire au bon déroulement du procès ; mais le juge continue d'avoir le dernier mot en matière de droit, bien que la question de l'étendue de son pouvoir demeure sujette à débat A. [...]
[...] Ainsi, l'article 6 du NCPC dispose qu' à l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder Elles introduisent donc les faits dans le débat ; c'est plus précisément au demandeur (celui qui a engagé la procédure) de motiver l'introduction de l'instance en apportant les faits qui la justifient, et le défendeur (celui contre qui a été engagé le procès) doit à son tour apporter une motivation en faits. L'alinéa 1 de l'article 7 confirme la maîtrise des parties sur le fait, étant donné que le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat ; il doit donc s'en tenir aux faits présentés par les parties, et tout élément qu'il obtiendrait par ses propres connaissances en dehors de la procédure ne peut être pris en considération. Les parties maîtrisent donc la matière litigieuse. c. [...]
[...] La maîtrise du fait par les parties : le principe dispositif et ses limites Selon Motulsky, le fait est le domaine exclusif des parties ce qui signifie qu'il leur incombe d'apporter les faits devant le juge et les preuves qui les justifient, déclenchant ainsi l'instance qu'elles ont seules le pouvoir d'introduire. En effet, le Nouveau Code de Procédure Civile (NCPC) pose le principe dispositif, selon lequel les parties maîtrisent les faits traités pendant l'instance mais il donne également au juge une certaine marge d'appréciation et d'initiative en matière des faits et de leurs preuves A. [...]
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