« C'est l'Assemblée nationale de 1875 qui s'est partagée entre un Sénat et une Chambre des députés, renouvelant le geste de la convention nationale de 1795 (…). Les deux fois c'est l'assemblée unique qui, corrigée par l'expérience s'est rendue à la nécessité des deux chambres » (Maurice Hauriou, Précis de droit constitutionnel). Raymond Carré de Malberg est un auteur, fervent républicain, et juriste positiviste français dont l'œuvre majeure, Contribution à la théorie générale de l'État occupe une place importante dans la théorie constitutionnelle. Carré de Malberg se fait dans cet ouvrage l'interprète des institutions consacrées par les lois constitutionnelles de 1875 à la lumière de la première constitution de la France, celle de 1791. Cet extrait s'inscrit dans la section relative au pouvoir constituant et constitue une réflexion sur les raisons théoriques menant à l'instauration du monocamérisme ou du bicamérisme. En conséquence, Carré de Malberg est amené à réfléchir a posteriori sur l'instauration du bicamérisme en France par les lois constitutionnelles de 1875 (publié en 1922, son ouvrage a été rédigé avant l'éclatement de la Première Guerre mondiale), ce qui lui permet de s'affranchir des passions soulevées par le retour du bicamérisme en France en 1875, bicamérisme qui n'avait existé qu'en 1795 avec la constitution de l'an III et qui avait été créé pour empêcher tout débordement comme il y avait pu avoir lors de la Terreur.
[...] L'adoption en France avec les lois constitutionnelles de 1875 d'un modèle bicaméral relève d'un choix politique pur. Les échecs du monocamérisme, non pas liés à la nature même du monocamérisme, mais plutôt à un contexte politique troublé, ont conduit à l'adoption du bicamérisme en 1875. Le parlement bicaméral français de 1875 conserve un aspect unitaire puisque chacune des deux chambres, quoiqu'élues de façon différente, représente la nation. Les deux chambres ne se complètent pas, mais se doublent avec un objectif de stabilité et d'enracinement politique. [...]
[...] Pour autant, la France ne relève d'aucun de ces deux cas et a pourtant fait ce choix en 1875. Si la constitution consacre ce système (reprenons ici le terme de Carré de Malberg qui montre bien, avec le recul qu'il avait lors de la rédaction de son livre, que le bicamérisme est dorénavant ancré dans l'esprit français, que ce soit des monarchistes comme des républicains comme Gambetta ou Clémenceau), ce n'est pas pour les raisons théoriques avancées par Carré de Malberg pour justifier le bicamérisme dans les États complexes, mais bien pour des raisons politiques qui en font un cas intéressant à cette époque, d'où l'étude de Carré de Malberg. [...]
[...] Il existait un lien institutionnalisé entre la monarchie et l'aristocratie qui siégeait dans la chambre haute d'où la crainte du bicamérisme en 1848 et la mise en place du monocamérisme, comme sous la révolution. Ce modèle bicaméral aristocratique tend à évoluer de nos jours, à l'image de l'évolution de la population (nous en revenons ainsi à l'idée d'un parlement reflet de la nation). La modernisation de la chambre haute au Royaume-Uni est passée par le Parliament Acts de 1911 et le Life Peerages Act de 1958 par lesquels le principe héréditaire tend à disparaitre. En ce qui concerne les États fédéraux, la dualité des chambres représente la structure duale de l'État. [...]
[...] Les évènements m'ont appris qu'il fallait donner au peuple le temps de la réflexion. Le temps de la réflexion, c'est le Sénat Il est clair que le bicamérisme français ne s'imposait pas au point de vue purement théorique au regard de la composition de l'Etat et de l'unité de la nation, mais que le contexte et la maturation politiques des constituants en 1875 ont amené à l'adoption unanime du bicamérisme. Le système français des deux chambres n'est donc point imposé par une nécessité d'ordre juridique, il a été établi simplement en raison de ses avantages politiques l.12- 14). [...]
[...] La convention de Philadelphie de 1787 est l'acte fondateur du bicamérisme fédéral. La question de la nature et de la composition du parlement a soulevé des remous entre les petits États et les grands États. Les grands États penchaient pour la représentation proportionnelle ce qui risquait de noyer les petits États. Le compromis du Connecticut sort de l'impasse en créant les deux chambres (une chambre des représentants et une chambre des États fédérés). En conséquence, les États fédéraux et les États complexes (aristocratiques ou corporatistes) adoptent aujourd'hui le bicamérisme. [...]
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