La Constitution du 4 octobre 1958 - les sources intellectuelles

Résumé du document

S'interroger sur les sources intellectuelles de la Constitution du 4 octobre 1958 suppose bien évidemment de s'intéresser aux sources du discours de Bayeux de 1946 prononcé par le Général de Gaulle, tant ce discours servira de matrice aux travaux préparatoires de la Constitution de 1958.
La Constitution de la Ve République est d'abord élaborée en réaction à l'histoire récente.

Les constituants font le constat de l'inefficacité politique de la III et IVe République, qui ont vu le déséquilibre des pouvoirs entre exécutif et législatif connaître de graves déviances, dégénérant dans les deux cas en régime d'assemblée, dans l'incapacité de prendre des décisions politiques, et confisquant d'une certaine manière la souveraineté du peuple, pour reprendre les idées chères à René Capitant.

Cependant, par delà la réaction aux déviances historiques, la Constitution de 1958 est aussi l'œuvre de deux grandes figures, dont il importe de s'intéresser à leurs convictions profondes : les influences du Général de Gaulle et du légiste Michel Debré. Les circonstances en 1958 confirment que le retour au pouvoir du Général de Gaulle prendra la forme d'un changement de Constitution.

Extraits

[...] On retrouve l'élection par un large collège électoral et non plus par le parlement ; aux ministres, on interdit de cumuler un mandat parlementaire On note dans cette constitution une influence américaine, avec notamment l'institutionnalisation d'un poste de vice-président, mais dans un cadre parlementaire, avec la possibilité pour l'Assemblée de mettre le cabinet en minorité, en contrepartie de quoi le président dispose d'un droit de dissolution . Le projet du comité général d'études de Debré écarte régime d'Assemblée et système présidentiel. [...]

[...] En somme, de Gaulle a une vision claire de la France, et ce que cela suppose en terme d'Etat et de pouvoir : le juridique n'est alors pour lui qu'un instrument pour atteindre ces grands objectifs. b. La vision de Debré : un pouvoir fort comme condition nécessaire à la garantie de la liberté Debré, en juriste de convictions libérales, part du postulat que l'autorité de l'Etat est nécessaire à l'existence de la nation, elle-même cadre vital de la liberté. Il s'agit alors de garantir l'indépendance nationale pour défendre la liberté de chacun. [...]

[...] Il prend un rôle d'« initiative de recours en situation de circonstances exceptionnelles. Ce rôle sera à l'origine de l'article 16 de la Constitution de 1958. De Gaulle veut un chef de l'Etat qui assure le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'Etat. L'arbitrage à travers le droit de signature solitaire : il devient alors le recours, empêchant le blocage, dénouant les crises par la dissolution ou l'appel au référendum et jouant un rôle actif dans les jours graves. [...]

[...] Partant de cette logique, il définit alors les règles d'organisation du pouvoir, et se propose de rédiger la constitution d'un gouvernement de la liberté. Michel Debré se situe dans la plus pure tradition républicaine, née avec l'affaire Dreyfus. Ce courant de pensée consiste à mettre le droit et la justice au service de l'individu. Sa pensée libérale puise ses sources chez Constant et Prévost-Paradol. Le souverain doit accorder l'exercice du pouvoir à une autre autorité. Debré se pose d'emblée en opposition avec le principe de la souveraineté populaire à la Rousseau. [...]

[...] L'activité de celui-ci devra être rationalisée, selon la vision de Joseph Barthélémy, qui sera cependant gravement compromis dans le régime de Vichy. Du point de vue des relations entre exécutif et législatif, le courant de la réforme de l'Etat se montre favorable à une réhabilitation du droit de dissolution, défendu pendant longtemps Tardieu, lequel admiré fut admiré par De Gaulle, que ce dernier a rencontré lorsqu'il travaillait au secrétariat général de la défense nationale. Tardieu prône également la rationalisation parlementaire, la personnalisation de l'exécutif et le recours au suffrage universel comme arbitrage suprême. [...]