Si l'intérêt de la section « Sur le Principe de Primauté du Droit de l'Union Européenne » est d'une brûlante actualité, c'est parce que Gérard Cornu, dans son Vocabulaire juridique (Association H. Capitant, PUF, coll. Quadrige, 2007), pose la primauté comme le « pouvoir de faire prévaloir sa décision en cas de conflit » : dès lors, serait-ce à dire que la Constitution Française est inconditionnellement sous la férule du droit communautaire, et dans ce cas il est clair que la souveraineté consubstantielle à l'État français est en partie élaguée ? Ainsi, se perçoit clairement le problème sous-jacent au texte : si selon Michel Troper la souveraineté est « la qualité d'un État, qui n'est soumis à aucune puissance extérieure ou intérieure », alors comment justifier ce transfert de compétences de la France à l'Union européenne ?
Si, conformément à l'article 54 de la Constitution, ces compétences ne peuvent être transférées qu'après révision de la Constitution, c'est parce que ces compétences ne doivent pas toucher les « conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ». Pourtant, comme le souligne Michel Troper, si la révision de la Constitution s'opère, alors dans le même temps qu'elle pose comme principe que « la souveraineté nationale appartient au peuple », elle porte atteinte à l'une de ses « conditions essentielles d'exercice ». L'enjeu est clair : quels sont les interférences et les points d'achoppement entre les deux textes ? La Constitution française doit-elle, au nom du droit communautaire, se plier aux ordres juridiques supranationaux sans que le principe de la souveraineté de l'État soit bafoué ?
[...] Mais alors, serait-ce à dire que la Constitution Française doit se plier au droit européen, ou n'est-ce pas là la marque d'une prise en compte plus juridique de sa nature normative ? Le considérant 10 semble éclairant à cet égard : si la Constitution doit se soumettre au droit communautaire, du moins est-elle prise en compte dans l'entérinement du Traité. En effet, l'article relatif aux relations entre l'Union et les Etats membres n'abroge en aucun cas la Constitution Française, et, surtout, la dénomination du Traité en Constitution pour l'Europe n'a en rien de répercussions sur l'existence de la Constitution Française La terminologie usitée est intéressante à plus d'un titre : s'il est fait allusion à l' existence de la Constitution, c'est parce qu'elle n'est pas vouée à ‘mourir', mais plutôt à être révisée, à être modulée en fonction du Traité Européen. [...]
[...] Les citoyens seraient donc eux aussi des législateurs, ou du moins seraient-ils ceux qui ont impulsé la création d'une telle Constitution d'après les dispositions de l'article précité. L'idée de communauté est réitérée à maintes reprises, pour rappeler que la primauté d'un tel droit communautaire œuvre pour tous, et qu'elle est le fruit de la volonté tant de la population que des Etats signataires, qui défèrent les compétences qui ne porteraient pas atteinte à leur souveraineté à l'Union. La portée de l'article I-6 est dès lors plus nette : c'est notamment le processus de transfert de compétences qui est cause que le droit communautaire jouit d'une primauté par rapport au droit des Etats membres. [...]
[...] Mais une lecture précise des différents considérants qui composent la section étudiée pose la question de l'appréciation de la conformité du Traité vis-à-vis de la Constitution de 1958. En effet, vouloir réviser la Constitution, c'est admettre que certaines dispositions entre les deux textes ne sont pas en adéquation. Ainsi, si les dispositions et les attributs de la Constitution Française sont rappelés ils nous permettront de remarquer les points d'achoppement entre les deux textes Les dispositions de la Constitution Française Au fil des considérants, nombreuses sont les dispositions de la Constitution qui sont déclinées, afin de les mettre en parallèle avec celles du Traité, pour dégager la conformité du Traité à l'égard de la Constitution Française. [...]
[...] Sa mission est ici de juger si le Traité relatif à l'entérinement d'une Constitution Européenne prime par rapport à la Constitution gaullienne. Son avis n'est ici pas seulement consultatif, mais indispensable, car la charge que lui assigne le Président de la République consiste à contrôler la constitutionnalité du Traité par rapport à la Constitution de 1958, en sa qualité d'instance juridique impartiale et non partisane. Un tel Traité, prodrome de la ratification d'une Constitution Européenne, concourt à substituer les autres traités en vigueur dans l'UE à son profit, notamment afin de faciliter le fonctionnement des institutions communautaires et de renforcer les pouvoirs du Parlement Européen. [...]
[...] Appréciation de la révision de la Constitution A la lumière de la décision du Conseil Constitutionnel, il faut tout d'abord noter qu'un seul article, l'article n'appelle pas de révision de la Constitution, ce qui signifie que l'adoption du Traité relatif à une Constitution pour l'Europe demande à ce que soient repensés fondamentalement les articles de la Constitution Française, ce qui révèle l'écart, le fossé normatif profond avec le Traité communautaire. Or, tout l'enjeu est de savoir comment adopter un texte dont les références normatives sont parfois aux antipodes ou du moins ne correspondent pas aux règles de droit positif en vigueur en France. [...]
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