Le Conseil d'Etat, se fondant sur une conception positiviste des droits fondamentaux, rejette la fondamentalité du droit au logement dans le cadre du référé-liberté dès lors qu'il ne constitue qu'un simple objectif à valeur constitutionnel, justifiant ainsi la qualité lui ayant été attribuée par Louis Favoreu de « droit-créance non reconnu ».
L'association de réinsertion sociale du Limousin, appuyée par d'autres associations, engage une procédure de référé-liberté devant le Tribunal administratif en vue d'enjoindre au préfet de Haute-Vienne de prendre les mesures nécessaires au logement immédiat de familles de réfugiés que l'association ne peut, pour diverses raisons, héberger Un suivi sanitaire et social par la préfecture est également demandé. Le tribunal de première instance rejette sa demande, l'association interjette appel devant le Conseil d'Etat, juge d'appel en matière de référé-liberté.
Les moyens soulevés par le requérant devant le Conseil d'Etat sont fondés sur une supposée atteinte grave et manifestement illégale du droit à un logement décent, estimé fondamental par les requérants. Une telle illégalité serait justifiée dès lors que, les associations ne pouvant prendre en charge l'hébergement de ces familles dans de bonnes conditions, il reviendrait au préfet de l'assurer. Son inaction en l'espèce, méconnaîtrait les principes de « continuité, d'adaptabilité » du service public et les exigences de « salubrité et d'ordre public ». Il nous semble particulièrement important de remarquer que la fondamentalité du droit à un logement décent est justifiée autour de deux axes par les requérants ; D'une part, c'est le fait qu'il soit le corollaire du droit fondamental de mener une vie familiale normale et du droit au regroupement familial qui justifie son propre caractère fondamental. D'autre part, c'est sa reconnaissance par certaines conventions internationales auxquelles la France est partie qui atteste de sa fondamentalité.
L'article 521-2 du code de justice administrative dispose que dans le cadre du référé-liberté le juge peut prendre « toute mesure nécessaire à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale ». C'est par conséquent la fondamentalité du droit auquel il serait porté atteinte qui constitue la légitimité de cette procédure.
Dès lors c'est cette question que doit résoudre le conseil d'Etat : le droit au logement décent présente-t-il le caractère une liberté fondamentale au sens de l'article L.521-2 du code de justice administrative ? C'est seulement si le Conseil répond par l'affirmative que sera étudiée l'atteinte qui lui est portée.
Le Conseil d'Etat rejette la fondamentalité du droit au logement en ce qu'il ne constitue qu'un objectif à valeur constitutionnel. De plus, le caractère grave et manifestement illégal de l'atteinte au droit fondamental à mener une vie familiale normale, seul invocable en l'espèce, n'est pas reconnu par le Conseil d'Etat qui rejette ainsi la demande des associations.
Le conseil récuse la fondamentalité du droit au logement, dont un fondement aurait pu probablement être trouvé dans le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, en raisonnant à partir d'une conception positiviste des droits fondamentaux.
[...] La question mérite d'être posée au regard des conséquences qu'une telle reconnaissance pourrait avoir sur le contentieux du référé- liberté. [...]
[...] Les requérants ont invoqué certaines conventions internationales (notamment la convention de Genève de 1951) reconnaissant la fondamentalité du droit à un logement décent pour justifier son application en droit interne. Le Conseil Etat rejette d'emblée ce moyen en rappelant que les conventions internationales ne sont génératrices de droits et d'obligations qu'à l'égard des Etats qui en sont membres. Elles n'ont aucune applicabilité directe à l'égard des personnes privées. La décision classique au regard de la jurisprudence du Conseil d'Etat, est de ce point de vue également parfaitement justifiée. [...]
[...] Une décision discutable en ce qu'elle ne distingue pas les conventions internationales entre elles. En ce qu'il vise indistinctement les conventions internationales reconnaissant le droit au logement, le Conseil d'Etat fait preuve, ainsi que le souligne Emmanuelle Deschamps, d'une certaine légèreté. Certaines conventions internationales ou européennes sont en effet, directement invoquées par le justiciable en droit interne. Il est possible particulièrement de penser à la convention européenne des droits de l'Homme dont les requérants invoquent régulièrement la violation en droit interne sans que le Conseil d'Etat rejette de tels moyens sans les examiner. [...]
[...] La décision parait logique de prime abord dès lors que le terme objectif n'implique pas une obligation de résultat, mais une obligation de moyens. La doctrine va dans ce sens rejette de la même façon l'impérativité d'un objectif à valeur constitutionnel. Françoise Zitouni notamment considère que : si les autorités publiques doivent tendre à la réalisation de cet objectif, sans être soumises à une obligation de résultat, mais sans pouvoir supprimer les garanties existantes, les bénéficiaires de ces prérogatives ne pourraient faire valoir pour autant un droit subjectif à obtenir un logement Mais la décision perd subitement de sa logique dès lors que l'on constate que le Conseil d'Etat avait, dans une ordonnance de 2005 Tiberi qualifié de liberté fondamentale un simple objectif de valeur constitutionnelle, en l'espèce le principe du pluralisme de l'expression des courants de pensée et d'opinion La décision ne trouve ainsi finalement une cohérence qu'au regard de l'approche positiviste des droits fondamentaux utilisée par le Conseil d'Etat en l'espèce. [...]
[...] Le Conseil d'Etat ayant rejeté le moyen qui justifiait la fondamentalité du droit au logement par sa reconnaissance en droit international, examine son caractère fondamental au regard du droit interne, pour finalement lui refuser aussi à cet égard. Le droit au logement : un simple objectif à valeur constitutionnel dépourvu de force impérative. Le conseil d'Etat légitime la non-impérativité du simple objectif à valeur constitutionnel que constitue le droit à un logement décent par une conception positiviste des droits fondamentaux Un objectif à valeur constitutionnel dépourvu d'impérativité. [...]
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