Dissertation de Droit Constitutionnel: Commentaire du discours de Valéry Giscard d'Estaing (4 pages)
Dans un célèbre article, Loïc Favoreu écrivait, relativement à l'élargissement de la saisine du Conseil constitutionnel par soixante députés ou soixante sénateurs en 1974, que « la politique est saisie par le droit » pour signifier que l'opposition parlementaire pouvait désormais, par un canal juridique, déférer devant le Conseil constitutionnel une loi qu'elle cherchait à contester. De façon réversible, d'autres auteurs ont pointé que le droit était saisi par la politique, non pas seulement par cette opportunité offerte à l'opposition de saisir le Conseil constitutionnel, mais également, compte tenu de la nomination des membres de la juridiction constitutionnelle et de l'extension jurisprudentielle du contrôle de constitutionnalité que le Conseil a lui-même opérée.
Loin de ces considérations critiques, l'allocution prononcée par Valéry Giscard d'Estaing, en 1977, s'apparente davantage à une apologie du rôle du juge constitutionnel située dans le cadre de la problématique de la garantie de l'Etat de droit. La révision constitutionnelle de 1974 dont il fut l'instigateur, renforce la vigueur de l'Etat de droit ici entendu comme un contrôle juridictionnel généralisé des autorités politiques, parce qu'elle renforce l'hypothèse du contrôle de constitutionnalité de la loi en ouvrant la sollicitation du Conseil à la majorité parlementaire ou à l'opposition. Cette perspective quantitative augmentera nécessairement la fréquence du contrôle ? qui trouvera d'ailleurs à s'exercer dans cette configuration dans le cadre épineux de la loi sur l'interruption volontaire de grossesse dès janvier 1975 ? mais ne résoudra pas la question du mode de désignation des « sages » et du caractère prétorien de sa jurisprudence. Abordant l'évolution de la juridiction constitutionnelle depuis sa création en 1958 et la mission qui lui était fixée, le troisième Président de la République française, ne peut éviter, dans un discours pour le moins peu enclin à l'atténuation, de se contredire légèrement ou d'en appeler à de vagues sources de légitimation.
L'auteur entame son propos en mettant en exergue les avancées de principe qu'ont apportées les termes de la révision constitutionnelle de 1974 dont il fut le principal artisan. Renforçant l'Etat de droit et la protection des libertés, la révision s'inscrit dans une progression de la garantie de l'Etat de droit que le juge administratif a dégagée. Cependant, s'agissant de la norme législative, une carence persistait en termes de contrôle, expliquant les dérives provoquées par le dogme de la souveraineté parlementaire sous les IIIe et IVe Républiques. Tout en s'affranchissant des dangers du gouvernement des juges tournés vers le cas américain, le constituant de 1958 a érigé le juge constitutionnel en garant de la supériorité normative de la Constitution assurant ainsi l'équilibre des pouvoirs. Le juge constitutionnel a, par ses décisions, permis le règne de la Constitution, d'abord en étant cantonné à un contrôle procédural centré sur le respect, par les institutions, de la répartition constitutionnelle des compétences, puis a étendu son contrôle, tout en veillant à ne pas s'arroger de nouvelles prérogatives, en assurant le respect du Préambule de la Constitution mobilisant dès lors, l'ensemble des droits fondamentaux proclamés dans l'histoire constitutionnelle française. Ce faisant, le Conseil constitutionnel serait devenu, par une jurisprudence cohérente, le « juge et le garant de nos libertés ». Par conséquent, compte tenu de la plus grande accessibilité à la justice constitutionnelle qu'insuffle la révision de 1974, le Conseil constitutionnel soucieux de protéger les libertés des citoyens incarnerait « une sorte de tribunat populaire, au sens romain du terme », en ce sens que les neufs sages seraient des magistrats défenseurs des intérêts des citoyens, mais des magistrats qui ne sont toutefois pas élus à l'inverse de la Rome antique.
I) Un Etat de droit renforcé
II) Une protection des droits fondamentaux accrue
[...] Un élargissement fonctionnel de la saisine du Conseil constitutionnel. Un Etat de droit davantage mobilisé. Une fréquence accrue du contrôle. Une ouverture à l'opposition parlementaire. Des droits fondamentaux davantage sollicités. Une opportunité politique pour l'opposition parlementaire. La propension polémique du contrôle de constitutionnalité des lois. Document 2 : George Vedel, Le Conseil constitutionnel, gardien du droit positif ou défenseur de la transcendance des droits de l'homme. [...]
[...] Ce faisant, le Conseil constitutionnel serait devenu, par une jurisprudence cohérente, le juge et le garant de nos libertés Par conséquent, compte tenu de la plus grande accessibilité à la justice constitutionnelle qu'insuffle la révision de 1974, le Conseil constitutionnel soucieux de protéger les libertés des citoyens incarnerait une sorte de tribunat populaire, au sens romain du terme en ce sens que les neufs sages seraient des magistrats défenseurs des intérêts des citoyens, mais des magistrats qui ne sont toutefois pas élus à l'inverse de la Rome antique. Le propos de Valéry Giscard d'Estaing comporte une dimension apologétique peu contestable et qu'il convient de nuancer à certains égards. S'adressant aux membres du Conseil constitutionnel, il ne fait guère de doute que le Président voulait promouvoir les implications positives selon son point de vue de la réforme dont il était porteur, ce qui impliquait d'asseoir le statut du Conseil dans son œuvre jurisprudentielle. Une contradiction essentielle est toutefois notable dans le texte de l'auteur. [...]
[...] Au demeurant, il est envisageable de retenir deux axes assez clairement distinguables dans l'allocution du Président Giscard d'Estaing en dépit de l'aspect général de promotion et de galvanisation du Conseil constitutionnel. Se centrant sur la révision constitutionnelle de 1974, l'auteur estime que cette plus grande accessibilité du Conseil participe à une progression plus ample de l'Etat de droit ce qui, de façon concomitante avec l'évolution de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, accroît la protection des droits fondamentaux (II). Un Etat de droit renforcé. Le développement jurisprudentiel de l'Etat de droit en France. La définition préalable de l'Etat de droit : un contrôle juridictionnel étendu à toutes les autorités politiques. [...]
[...] Dans ce cadre, la justice constitutionnelle est justifiée dans sa défense, sous des apparences procédurales, de gardienne de la souveraineté nationale. Le second aspect de ce double discours, dans son attention à un autre auditoire, se centre sur la perception par les citoyens de la protection constitutionnelle des droits et libertés assurée par le Conseil constitutionnel et sa caractérisation. Or, l'image populaire du Conseil constitutionnel l'érige, notamment suite à la révision de 1962, en institution juridique assurant le triomphe des droits de l'homme contre les éventuelles atteintes que pourrait exercer le législateur : alors que le premier discours se centre sur la technique juridique du point de vue normativiste pour montrer que le juge constitutionnel ne fait qu'assurer le respect du principe de la souveraineté nationale en garantissant la suprématie de la Constitution, le second discours le place sur un terrain jusnaturaliste de défenseur absolu de la transcendance des droits de l'homme. [...]
[...] Une opposition frontale à l'Etat de police. Une notion fondée sur le principe du respect par les autorités politiques de règles sanctionnées par les juridictions. La généralisation du contrôle par la jurisprudence administrative. L'établissement progressif du principe de légalité. L'attribution progressive de voies de recours aux justiciables. La contribution du Conseil constitutionnel à l'essor de l'Etat de droit. L'absence préalable d'un maillon essentiel au respect de la Constitution. La longue prédominance du dogme de la souveraineté parlementaire en France. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture