Commentaire d'article, Professeur D. Turpin, L'intervention du chef de l'Etat devant le Congrès du Parlement, article 18 de la Constitution, Président de la République
« Le Président de la République peut prendre la parole devant le Parlement réuni à cet effet en Congrès » dispose depuis la révision constitutionnelle de 23 juillet 2008 l'article 18 de la Constitution française actuelle. Un Président de la République désigné par cette même Constitution comme le chef de l'État, et participant au pouvoir exécutif réputé bicéphale. Bicéphale, car à côté du Président de la République, irresponsable politiquement devant les chambres et choisi au suffrage universel direct, un Premier Ministre conduit le gouvernement en étant son chef. Le Premier Ministre aussi bien que son gouvernement demeurent responsables devant la chambre basse du Parlement, élément qui, étant donné le pouvoir de dissolution du Président après consultation du Premier Ministre, garantit un Parlementarisme rationalisé. Un Parlementarisme avec des traits Présidentialistes, car les pouvoirs du Président sont étendus et aucun contrôle politique n'est consacré à son encontre par la Constitution. Ces grands principes souvent qualifiés concomitants de la Ve République ont subi l'influence des différents éléments novateurs comme le quinquennat qui introduit un certain fait majoritaire. Depuis cette réforme on constate de plus en plus un renforcement de la Présidentialisation du régime, ce qui était renforcé jusqu'à 2002 par la personnalité de chaque Président et les conjonctures politiques.
[...] D'ailleurs si ce jeu de miroirs ne donne pas entière satisfaction il ne tranche non plus les obscurités du passé tout en introduisant des incohérences dans ce régime maintenu. D'un côté la volonté de renforcer le Parlement tout en donnant la parole au chef de l'État restant irresponsable devant une chambre muette pendant son discours et devant sa personne. Puis un Premier Ministre qui demeure à rassurer le chef du gouvernement qui représente théoriquement la majorité au Parlement, mais une majorité qui peut désormais entendre directement le Président de la République et voir celui sur lequel a le contrôle, de plus en plus à la marge du pouvoir. [...]
[...] Le Congrès à Versailles non seulement ne s'inscrivait pas dans un cadre procédural aussi lourd que sous la IIIe République, car la révision constitutionnelle de 2008 prévoyait désormais expressément dans son article 18, cette possibilité voire obligation du chef de l'État à s'exprimer au moins une fois par an devant ce Congrès, mais aussi le discours du Président de la République n'a donné lieu à aucun vote Ensuite la tradition républicaine qui veut le Président de la République irresponsable, exige sur ce motif une séparation rigide entre les deux pouvoirs, un quasi-apartheid Selon cette tradition seulement le gouvernement responsable devant la chambre prend la parole devant elle et le Président se contente à un éventuel message qui faut obtenir un contreseing ministériel Cette tradition est faite en plusieurs reprises sous la Ve République, mais pas au lendemain des élections du printemps 2007 Aucun message au Parlement pour rompre avec une procédure anachronique mais surtout pour la remplacer par la possibilité de venir en personne s'exprimer devant le Parlement Un évident revirement sur la perception de la séparation des pouvoirs qui entraine purement et simplement une rupture avec la volonté historique de lier la parole du Président devant la chambre avec une responsabilité ? Or le Président Sarkozy n'a point lié sa prise de parole avec une éventuelle responsabilité et au surplus il a gardé également le droit de message. Cela permet de nous interroger si nous sommes vers un véritable changement de régime proprement dit. B. [...]
[...] Ensuite une volonté de rééquilibrage entre les pouvoirs est tentée par la révision constitutionnelle de 23 juillet 2008 dans un souci de renforcer le Parlement, mais aussi clarifier le régime en place. Cet extrait de Politeia du Professeur Dominique TURPIN traite des questions par rapport au régime actuel de la France à l'occasion d'une prise de parole du Président Nicolas Sarkozy devant le Parlement réuni en congrès à Versailles le 22 juin 2009 en application pour première fois de la nouvelle disposition de l'article 18 de la Constitution. [...]
[...] Ceci dit, nous comprenons mieux certains qui prétendent que le nouvel article 18 est plutôt un article de l'envie ou un faux semblant parfois de l'ordre du symbolique En outre et malgré la tradition contraire à cet habitude, exceptionnellement, mais aussi symboliquement, des Présidents de la Vème république sont entrés dans les deux chambres aux différents occasions non pas pour s'exprimer, mais tout en étant présents au Parlement. D'ailleurs, que change pour la séparation des pouvoirs si le Président entre au Parlement en vertu de l'article 18 de la Constitution afin de prononcer une déclaration ne liant ni lui ni le Parlement avec une entrée tout à fait exceptionnel du Président, à l'occasion d'un évènement étranger à la vie Parlementaire actuelle ? Si cette réforme est devenue sans objet elle permet le maintien du régime. [...]
[...] Si le traits avec le régime britannique, plus ou moins étroits, ne permettent pas parler d'un rapprochement du régime vers le monisme anglais, l'article 11 de la section 3 de la Constitution de 1787 des États-Unis permet appréhender l'influence que ce régime présidentiel a effectué dans l'hexagone. Le Président de la République informera périodiquement le Congrès sur l'état de l'union et appellera son attention sur les mesures qu'il croira nécessaires et opportunes L'article 11 de la section 3 de la Constitution américaine reflète parfaitement la volonté du constituant en 2008 à donner au Président de la République française peu ou prou les mêmes pouvoirs que le Président américain. [...]
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