C'est l'alinéa premier de l'article 3 de la Constitution de 1946 (« La souveraineté nationale appartient au peuple français ») qui a pour la première fois combiné dans un texte constitutionnel la théorie de la souveraineté nationale et celle de la souveraineté populaire. Ainsi étaient réconciliées les deux traditions opposées de l'histoire constitutionnelle française. L'expression de cette réconciliation va être renouvelée et renforcée par l'article 3 de la Constitution de 1958.
La souveraineté est un attribut d'un être, d'une nation ou du peuple. Elle fonde l'autorité des organes suprêmes de l'Etat. C'est en son nom qu'est exercée par ceux-ci en dernière instance la puissance publique. La souveraineté légitime l'exercice du pouvoir politique par un Etat sur un peuple et dans un territoire donné.
En faisant coexister un régime représentatif et des éléments propres à la souveraineté populaire (référendum, élection du Président de la République au suffrage universel direct à partir de 1962), la Constitution de la Ve République mêle les deux sources de souveraineté. Mais cette réconciliation permet-elle un véritable équilibre ou se fait-elle au profit de l'une des traditions ?
L'article 3 de la Constitution de 1958 apparait comme un compromis réconciliant les deux traditions. Mais l'équilibre initialement défini s'est déplacé.
[...] L'article 27 de la Constitution énonce même que tout mandat impératif est nul ce qui limite l'expression du peuple dans la prise des décisions. Le référendum, qui avait été un outil pour légitimer le pouvoir du général de Gaulle, n'a été utilisé que cinq fois par l'ensemble de ses successeurs, qui n'avaient ni son aura ni son poids historique. Après son départ, le référendum n'a plus jamais été utilisé pour mettre en jeu la responsabilité politique du Président. En outre l'idée de réviser la Constitution via l'article 11 n'a pas été reprise depuis 1969, même si l'on peut estimer qu'une coutume constitutionnelle s'est établie au bénéfice de cet usage. [...]
[...] Il n'en reste pas moins que la stabilité gouvernementale a été assurée, grâce au soutien d'une majorité parlementaire. Le Président, qui n'avait plus la confiance du peuple pour conduire la politique économique et sociale, est resté en fonctions et a conservé sa prééminence pour les affaires européennes, la diplomatie et les armées. Les pouvoirs ont alors été séparés (d'un côté, le gouvernement et l'Assemblée Nationale et de l'autre, le Président de la République, seul ou avec le Sénat). Le respect de la volonté populaire s'est donc opéré dans le cadre d'une séparation des pouvoirs renouvelés qui l'a tempérée. [...]
[...] La théorie de la souveraineté nationale a été construite pour servir de digue à la revendication du suffrage universel. Au début de l'histoire constitutionnelle, la nation, représentée par la bourgeoisie éclairée et une partie de l'aristocratie, craint le peuple. On peut le comprendre, car le suffrage universel, à ses débuts, a souvent servi un pouvoir autoritaire (pour Napoléon Bonaparte et Napoléon III notamment). Dans notre histoire, la souveraineté populaire a d'abord favorisé les régimes autoritaires, tandis que la souveraineté nationale a permis l'affirmation progressive du régime parlementaire. [...]
[...] Née pour assurer l'équilibre des pouvoirs en régime parlementaire, la dissolution est devenue une arme, d'un maniement d'ailleurs incertain, aux mains du Président pour tenter de conforter ou de retrouver son autorité politique en s'appuyant sur le Peuple (cf en particulier la dissolution réussie de 1968). Si l'équilibre initial s'est ainsi déplacé vers un système de souveraineté populaire au service de l'Exécutif, un léger retour de balancier s'est opéré ensuite La conservation d'une place importante de la souveraineté nationale dans le régime Le régime instauré par la Constitution de la Vème République reste représentatif. Par le biais de l'élection, le peuple choisit ses représentants. [...]
[...] L'article 3 de la Constitution de 1958 a pris pour base de départ l'article 3 de la Constitution de 1946 et l'a fait évoluer en tirant des conséquences plus nettes de la coexistence des deux sources de souveraineté. Le Sénat est réhabilité, il participe à l'exercice de la souveraineté nationale. Symétriquement, le référendum est étendu au domaine législatif (contre le seul domaine constitutionnel en 1946). L'exercice de la souveraineté nationale est donné aux représentants du peuple. Ces représentants ne sont plus les seuls députés, comme en 1946, mais aussi les sénateurs. [...]
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