Les nationalisations et les privatisations sont des outils classiques d'interventionnisme économique. Dans un premier temps, suite aux ravages réalisés par la Seconde Guerre mondiale dans le paysage économique européen et français, il est apparu nécessaire de relancer l'économie. Or face à la puissance de certaines entreprises privées, l'État a décidé de protéger les citoyens face aux puissances économiques et financières non encadrées par l'État, en nationalisant ces entreprises.
Mais le constituant de 1946 a jugé fondamental de soumettre ces pratiques à certaines conditions. Ces exigences sont ainsi retrouvées dans l'alinéa 9 du préambule de 1946 qui dispose que « tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ». Depuis sa célèbre décision dite « Liberté d'association » du 16 juillet 1971, le conseil constitutionnel intègre au bloc de constitutionnalité le préambule de 1946 donnant ainsi valeur constitutionnelle en droit positif à cet alinéa 9.
De nos jours, et malgré les récents évènements économiques internationaux, la France ainsi que ses voisins européens depuis 1986 était dans une période de privatisation soutenue du secteur public. En effet, la France devait faire face à différents enjeux tels que la réduction de la dette ou encore le développement du droit de la concurrence européen. Ainsi de quelle façon les différentes lois de privatisation ont-elles pu être jugées constitutionnellement conformes à l'alinéa 9 du Préambule de la Constitution de 1946 ?
[...] Ainsi, si la loi supprimait la qualification de national à un service public confié à une personne morale de droit privée, il serait possible de privatiser de tels services publics. Mais le juge précise aussi que l'activité de service public doit elle-même l'objet d'un transfert au secteur privé, si le législateur veut pouvoir privatiser une entreprise publique qui gère un service public national. Le Conseil constitutionnel apporte une autre précision dans sa décision du 23 juillet 1996, où il explique qu'il ne faut plus considérer la notion de service public national comme une activité mais la qualité d'une entreprise nationale, dont le législateur a lui-même confié la gestion d'un tel service public. [...]
[...] Enfin, dans la décision du 30 novembre 2006, le Conseil constitutionnel précise de manière encore plus approfondie la notion de service public national en estimant que l'organisation au niveau national et le fait de confier la mission de service public à une seule entreprise sont les conditions nécessaires afin qu'un service public soit qualifié de national. Par conséquent, un service public pourra être privatisé si l'une ou les deux conditions ne sont pas remplies. Le transfert est donc possible lorsque le législateur ôte l'une de ces caractéristiques à l'entreprise publique qu'il souhaite privatiser. Ainsi, cette nouvelle interprétation de la notion par le conseil constitutionnel peut amener à des remarques de différents ordres. B. [...]
[...] Le Conseil constitutionnel a eu l'occasion à travers différentes saisines, portant sur la constitutionnalité de loi de nationalisation ou de privatisation, de préciser la portée de cet alinéa. Il s'est notamment attaché préciser la notion de monopole de fait et celle de service public national en mettant en valeur leur force actuelle. I. Le monopole de fait, un fondement de nationalisation progressivement écarté La notion de monopole de fait, comportait initialement une volonté protectrice mais s'est révélée rapidement difficile à caractériser A. [...]
[...] Or ce n'est qu'à travers les décisions du conseil constitutionnel du 25 et 26 juin 1986, que le juge précise cette notion de monopole de fait, laquelle de prime abord semble claire mais qui néanmoins mérite des précisions. Le conseil constitutionnel indique donc dans sa décision que la notion de monopole de fait visé dans l'alinéa 9 du Préambule de la Constitution de 1946 doit s'entendre compte tenu de l'ensemble du marché à l'intérieur duquel s'exercent les activités des entreprises ainsi que de la concurrence qu'elles affrontent dans ce marché de la part des autres entreprises ; qu'on ne saurait prendre en compte les positions privilégiées que telle ou telle entreprise détient momentanément ou à l'égard d'une production qui ne représente qu'une partie des activités Il pose ainsi le principe selon lesquelles seules les entreprises économiquement puissantes au regard de l'économie nationale et non sur un marché de référence au sens du droit de la concurrence, pourront être nationalisé. [...]
[...] Le service public national face aux politiques de concurrence et de privatisation des secteurs du service public La conception de la notion de service public national a subi une évolution conséquente à travers la jurisprudence du conseil constitutionnel qui a donné lieu à une interprétation révisionniste A. L'évolution de la notion de service public national Toujours d'après Gérad Quiot, les constituants considéraient le service public nation comme une activité qui tient son caractère de ce qu'elle est d'intérêt public pour l'ensemble de la collectivité nationale et qui, à la différence de celle ayant le caractère d'un monopole de fait, est susceptible à un moment donné d'être exercée par plusieurs voir par de très nombreuses entreprises. [...]
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