Droit, Conseil d'Etat, 5 novembre 1982, « Société Propétrol », état d'imprévision, cas de force majeure
Si la reconnaissance de la théorie de l'imprévision semble constituer une fierté de la doctrine administrativiste, notamment vis à vis du droit commun, celle-ci ne s'est pas constituée ex nihilo, et l'arrêt du Conseil d'Etat du 30 mars 1916, Compagnie générale d'éclairage de Bordeaux, ne fait qu'en établir les fondations. Assez imprécis à l'origine, l'état d'imprévision semble pouvoir être la manifestation d'un cas de force majeure, ce que reconnaît le Conseil d'Etat dans un arrêt d'assemblée du 9 décembre 1932, Cie des tramways de Cherbourg, dans certaines hypothèses. L'arrêt Société Propétrol du 5 novembre 1982 vient préciser la distinction faite entre état d'imprévision et cas de force majeure, de manière opportune.
[...] Au final, il aurait néanmoins été difficile de ne pas sanctionner un tel comportement du cocontractant, qui s'il subit un véritable fait constitutif d'imprévision, viole tout de même le principe d'intangibilité des conventions. [...]
[...] Le Conseil d'Etat prend tout de même la peine de distinguer ces deux premiers critères, sur le modèle de sa jurisprudence antérieure. Enfin, il déduit de ces deux éléments que l'événement a entrainé un déficit d'exploitation de nature à entrainer un bouleversement de l'économie du contrat En effet, en l'espèce, l'augmentation sensible du prix du pétrole entrainait un réel déficit d'exploitation pour le fournisseur cocontractant de l'Administration, du fait de la fixation des prix à l'avance, devenus extrêmement bas. Le contrat se voit donc logiquement déséquilibré. [...]
[...] Pourtant, en l'espèce, le Conseil d'Etat va séparer autant sur le terrain des conditions et des effets imprévision et force majeure, cette dernière n'étant que très subsidiaire et attachée à des conditions d'existence très strictement étudiées par le juge. II. Une imprévision non constitutive de force majeure Contrairement à l'imprévision, la force majeure a un réel effet exonératoire, et permet au contractant qui la subit de cesser d'exécuter son obligation : ainsi, l'utilisation d'un tel moyen pour le fournisseur de l'Administration semble cohérent. [...]
[...] L'arrêt Société Propétrol du 5 novembre 1982 vient préciser la distinction faite entre état d'imprévision et cas de force majeure, de manière opportune. En l'espèce, la société Propétrol, fournisseur, s'était engagée par contrat à fournir du fuel à l'office public d'habitations à loyer modéré de la communauté urbaine de Strasbourg (l'Administration), moyennant un prix déterminé à l'avance par le contrat conclu le 16 mai 1972. Pourtant, à la suite des conséquences du premier choc pétrolier de 1973, le fournisseur fait part de son intention de cesser les livraisons à partir du 23 août 1973, et exécute cette menace à partir du 28 septembre 1973. [...]
[...] L'arrêt Société Propétrol pose les bases de la distinction entre force majeure et imprévision : en effet, le Conseil d'Etat y affirme que le cas de force majeure entraine nécessairement une impossibilité totale d'exécuter l'obligation prévue au contrat. Il convient d'en déduire une différence avec l'imprévision, qui ne fait que rendre plus onéreuse (ou plus difficile dans certaines hypothèses) l'exécution de cette obligation. Le lien entre ces deux faits est ainsi que l'imprévision définitive peut au final empêcher totalement le débiteur d'exécuter son obligation, et se transformer en cas de force majeure. [...]
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