Contrôle par voie d'action- Transposition d'une directive- Charte de l'environnement- Aménagement dans le temps d'une décision d'inconstitutionnalité
Dès les années 1990, la Commission européenne avait autorisé la production de légumes génétiquement modifiés, ce qui avait immédiatement provoqué de vives réactions de la part d'associations ayant pour mission la défense de l'environnement, celles- ci invoquant les risques de contamination et de sécurité sanitaires posés par la culture d'OGM.
À- partir de là, la France devait adopter une position tenant compte à la fois de ses engagements communautaires (Article 88- 1 de la Constitution) et de l'effectivité reconnue au Droit de l'environnement (depuis la Loi Constitutionnelle de 2005), à un moment où se développait une nouvelle génération de droits fondamentaux.
C'est justement de cette recherche d'équilibre entre deux intérêts distincts mais tout aussi importants dont témoigne la décision du Conseil Constitutionnel du 19 juin 2008.
En l'espèce, sur le fondement de l'Article 61 de la Constitution dans sa rédaction issue de la révision constitutionnelle du 29 octobre 1974, un groupe de plus de 60 sénateurs avait soumis à l'appréciation du Conseil une Loi de transposition des Directives européennes relatives aux OGM parce qu'ils considéraient notamment que la procédure d'adoption de ce texte n'avait pas respecté la Constitution. Les parlementaires s'interrogeaient en outre sur la valeur reconnue à la Charte de l'environnement et donc sur l'éventuelle violation de droits constitutionnellement garantis tels que le principe de précaution (Article 5 de la Charte) et le Droit à l'information du public (Article 7 de la Charte) ; ainsi que sur la compétence réelle du législateur.
En effet, si depuis longtemps, et notamment depuis 2005, le Conseil Constitutionnel s'est progressivement imposé comme un acteur majeur de la défense de l'environnement, avant 2008, certains praticiens continuaient de contester la valeur de ladite Charte en Droit positif français dans laquelle ils ne voyaient qu'une série d'Objectifs à Valeur Constitutionnelle. Dans un considérant de principe, repris d'ailleurs peu de temps après par le Conseil d'État dans un Arrêt Commune d'Annecy du 3 octobre 2008, le Conseil a ainsi rappelé la valeur constitutionnelle de la Charte, ce qui justifiait la demande des requérants.
Néanmoins, au- delà de ces griefs pris au sens strict, ce qui fut le plus surprenant dans cette décision et qui renforce la légitimité de son inscription parmi les Grandes Décisions du Conseil Constitutionnel, réside dans le fait que les juges ont ici aménagé dans le temps les effets d'une déclaration d'inconstitutionnalité (S. BRONDEL, Le Conseil Constitutionnel module dans le temps les effets de ses censures, AJDA 2008, p 1232).
Les Sages ont en effet stipulé que certaines dispositions, et notamment le renvoi trop large aux Décrets d'application, seraient déclarées contraires à la Constitution « à- compter du 1er janvier 2009 » soit plus de six mois après la parution de la décision...
Dès lors, il apparaît nettement que si cette solution est originale dans ses effets (I), d'un point de vue purement juridique, elle n'en reste pas moins critiquable (II).
[...] À cette occasion, dans un souci de protection de l'intérêt général et plus précisément, afin d'éviter les incertitudes des allocataires et des cotisants, ainsi que les risques de désorganisation du système d'assurance chômage, le juge administratif avait conféré une portée particulière et originale à sa décision en ce sens qu'il avait précisé qu' « à titre exceptionnel, les effets d'une annulation contentieuse peuvent faire l'objet d'une modulation dans le temps ». Quatre ans plus tard, le Conseil Constitutionnel a donc bel et bien transposé cette jurisprudence (O. [...]
[...] BRONDEL, Le Conseil Constitutionnel module dans le temps les effets de ses censures, AJDA 2008, p 1232). Les Sages ont en effet stipulé que certaines dispositions, et notamment le renvoi trop large aux Décrets d'application, seraient déclarées contraires à la Constitution « à- compter du 1er janvier 2009 » soit plus de six mois après la parution de la décision Dès lors, il apparaît nettement que si cette solution est originale dans ses effets d'un point de vue purement juridique, elle n'en reste pas moins critiquable (II). [...]
[...] Toutefois, il n'en reste pas moins que cette procédure n'a pas été des plus aisées et des plus logiques sur le terrain du Droit et demeure donc à cet égard critiquable, d'autant qu'elle n'est prévue par aucun texte Une faculté non prévue par les textes En effet, si elle s'inspire directement de la jurisprudence du Conseil d'État, cette « censure différée » (F. BARQUE, Le Conseil Constitutionnel et la censure différée, LPA n°242, n'est prévue par aucun texte. Outre les arguments liés au délai de transposition développés ci- dessus, un autre argument d'opportunité peut donc peut- être venir expliquer cette position exceptionnelle. En l'espèce, le Conseil savait en effet que la décision intervenait peu de temps avant le vote de la réforme qui conduira à l'adoption de la Loi Constitutionnelle du 23 juillet 2008. [...]
[...] Les conseillers constitutionnels se sont donc probablement dits qu'il n'y avait pas de raison pour que cette future possibilité soit réservée aux seules décisions QPC et l'ont ainsi étendue, aux décisions rendues par voie d'action, alors que le texte de base lui- même n'était pas encore entré en vigueur. À ce titre, il convient enfin de noter que si au début surtout de la Vème République, la majorité des révisions constitutionnelles n'avaient pour seule motivation que de contourner une jurisprudence constitutionnelle, certaines, comme ce fut le cas sur ce point pour celle de 2008, se bornent au contraire à transposer une position dégagée par le Conseil. [...]
[...] Le problème qui se posait alors était que si l'on ne la promulguait pas, on se retrouverait effectivement cette fois en situation de non- transposition. Le Conseil a donc tenté d'opérer une conciliation des intérêts en jeu en relevant les points négatifs du texte mais en en aménageant les effets afin de protéger la République contre d'éventuelles sanctions mais en même temps tout en poussant le législateur à réagir à court terme. En définitive, si dans les faits cette solution ne se justifie peut- être pas pleinement mais peut tout au moins se comprendre, sur le plan purement juridique, il en va différemment dans la mesure où là, celle- ci demeure très critiquable (II). [...]
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