L'autorité des décisions et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel
« Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ». C'est en ces termes généraux que l'article 62 alinéa 3 de la Constitution du 4 octobre 1958 pose l'étendue de l'autorité juridique attachée aux décisions du Conseil constitutionnel, l'objectif de cette autorité étant de rendre le droit cohérent et d'apporter de la sécurité juridique. Aussi, le dispositif des décisions du Conseil constitutionnel, les réserves d'interprétations qui y sont attachées ainsi que les motifs ont un effet erga omnes, ils produisent un effet à l'égard de tous et pas seulement à l'égard des personnes concernées. Pour que cette autorité juridique des décisions du Conseil constitutionnel puisse correctement fonctionner, il a fallu que les juridictions ordinaires réceptionnent ce principe, cela a été le cas pour le Conseil d'Etat qui l'a fait notamment au travers son arrêt « SA La Cinq » qu'il a rendu en assemblée plénière, le 2 mars 1994. En l'espèce, la société La Cinq, titulaire d'une autorisation d'exploitation d'un service de communication audiovisuelle, a diffusé les oeuvres audiovisuelles « Videomania » le 27 juin 1989 de 16h30 à 17h, ainsi que « Les voix de la nuit », le 10 juillet 1989 de 20h40 à 22h25. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) - autorité administrative indépendante de régulation de l'audiovisuel - par une décision du 21 décembre 1989, a condamné la société à verser au trésor la somme de 5 millions de francs pour avoir diffusé ces films à des heures de grandes écoutes, du fait qu'ils comporteraient de nombreuses scènes de violence, notamment de violence sexuelle, qui seraient de nature à heurter gravement la sensibilité des enfants et des adolescents. Aussi, la société La Cinq a déféré la décision du CSA au Conseil d'Etat pour en demander l'annulation.
Il appartiendra alors aux juges du Conseil d'Etat, dans un plein contentieux, de statuer afin de savoir dans quelles mesures le pouvoir de sanction dévolu au CSA peut - il s'exercer ?
[...] Le CSA, anciennement commission nationale de la communication et des libertés (CNCL), a adressé, le 18 octobre 1988, une lettre à la SA La Cinq l'enjoignant de renoncer à la diffusion de films à caractère érotiques aux heures de grandes écoutes, soit de 20h à 22h30. Pour le Conseil d'Etat cette lettre constitue bien une mise en demeure préalable à la décision de sanction pécuniaire intervenue en date du 21 décembre 1989. Le fait pour le CSA d'avoir respecté la condition de constitutionnalité de mise en œuvre de son pouvoir posée par le Conseil constitutionnel : la mise en demeure préalable, rend la procédure régulière pour le Conseil d'Etat. [...]
[...] Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) – autorité administrative indépendante de régulation de l'audiovisuel – par une décision du 21 décembre 1989, a condamné la société à verser au trésor la somme de 5 millions de francs pour avoir diffusé ces films à des heures de grandes écoutes, du fait qu'ils comporteraient de nombreuses scènes de violence, notamment de violence sexuelle, qui seraient de nature à heurter gravement la sensibilité des enfants et des adolescents. Aussi, la société La Cinq a déféré la décision du CSA au Conseil d'Etat pour en demander l'annulation. [...]
[...] Le Conseil d'Etat rappelle la décision précédemment citée du Conseil constitutionnel, ce qui lui permet de reprendre cette réserve interprétative. II – La réception évidente de l'autorité des décisions du Conseil constitutionnel par le Conseil d'Etat, un contrôle au regard de la réserve interprétative La réception par le Conseil d'Etat de la réserve interprétative formulée par le Conseil constitutionnel lui permet de considérer la sanction prononcée pour la diffusion de l'œuvre audiovisuelle « Les voix de la nuit » comme régulière ( A ) et celle pour la diffusion de « Videomania » comme irrégulière ( B Une procédure de sanction régulière pour la diffusion du film « Les voix de la nuit », application claire de la réserve interprétative posée par le Conseil constitutionnel Le Conseil d'Etat fait un contrôle de la procédure mise en œuvre par le CSA au regard de la réserve interprétative formulée par le Conseil constitutionnel. [...]
[...] Cet article forme une obligation de contrôle à la charge du CSA, et par extension une obligation pour les titulaires d'autorisation d'exploitation d'un service de communication audiovisuelle de ne pas diffuser de programmes pouvant heurter des enfants ou adolescents, sous peine de sanction. Les œuvres audiovisuelles diffusées, à des heures de grandes écoutes, par La Cinq sont de nature à heurter la sensibilité d'enfants ou d'adolescents du fait de leurs caractères violent et érotique, cela constitue une violation de l'article 15 précédemment cité. En ce fondant sur ce dernier, il appartient au CSA de prendre une sanction entre autres pécuniaire à l'égard de la société La Cinq. La décision n'est pas dépourvue de base légale. [...]
[...] Le film « Videomania » a été diffusé sur La Cinq de 16h30 à 17h, cette diffusion s'est donc effectuée en dehors des heures de grandes écoutes pour lesquelles la société avait été mise en demeure. L'absence de mise en demeure préalable à l'exercice du pouvoir de sanction du fait de la diffusion de « Videomania » est de nature à vicier la procédure mise en œuvre par le CSA qui viole l'article 8 de la DDHC et l'article 34 de la Constitution. [...]
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