Deux mois à peine après avoir été élu en mai 2007, le nouveau président de la République Nicolas Sarkozy a souhaité engager une réforme des institutions de la Ve République. Afin d'en définir les modalités, il a demandé à Edouard Balladur de réunir un comité d'experts chargé de lui faire des propositions. Candidat à la Présidence de la République en 1995, et battu au premier tour par Jacques Chirac, Edouard Balladur avait alors bénéficié du soutien actif de Nicolas Sarkozy, ce qui avait ensuite valu à ce dernier une longue période de mise à l'écart, dont il était progressivement sorti à partir de 2002.
Quant à Edouard Balladur, il s'est toujours passionné pour les questions institutionnelles. C'est lui qui, avant 1986, avait « théorisé » pour Jacques Chirac la notion de cohabitation. Plus récemment, il a engagé une réflexion approfondie sur les institutions de la Ve République, qu'il souhaiterait orienter dans le sens du régime présidentiel. C'est tout à la fois sa proximité politique avec le Président, et sa connaissance pratique des institutions, qui lui ont valu d'être désigné pour présider le « Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions ». Remis au Président de la République début novembre, le rapport du Comité s'attache, comme son intitulé l'indique, à « moderniser » et vue de les « rééquilibrer » les institutions de la Ve République.
On pourrait s'étonner de voir figurer dans un rapport consacré au fonctionnement des pouvoirs publics et à l'équilibre de leurs rapports des préconisations concernant la procédure de révision constitutionnelle. Mais ainsi qu'on le voit en lisant l'article 89, la révision de la Constitution fait intervenir tout à la fois l'exécutif (Premier ministre et Président) et les parlementaires. Aucune révision constitutionnelle n'est donc possible sans le concours actif des uns et des autres. En revanche l'approbation de la révision par le peuple constituant est comme on le verra loin d'être systématique. Autrement dit bien qu'elle réhabilite dans sa lettre le référendum (constituant et législatif), la Constitution de 1958 n'a guère bouleversé la tradition républicaine ultra représentative qui voit dans l'expression populaire une forme incontrôlée -et au fond régressive- de la démocratie. Au reste les propositions du Comité ne changent rien sur ce point, ce qui atteste du caractère formel des modifications proposées (...)
[...] Depuis 1969, l'hypothèse d'une révision de la Constitution par la voie de l'article 11 n'est plus guère évoquée. Mais elle n'a jamais été complètement évacuée, car l'article 11 apparaît dans l'état actuel des choses comme un moyen de contourner le veto des chambres. Dès lors que la rédaction de l'article 89 proposée par la commission permettrait désormais de contourner le veto d'une des assemblées, par le vote aux 3/5e dans l'autre assemblée, le recours à l'article 11 ne se justifie plus. [...]
[...] Les invariants de l'article 89 Pour que la Constitution puisse être révisée, il faut que les circonstances le permettent. Il est exclu en effet que puissent être remis en cause les principes républicains dont elle est porteuse Quant à la procédure proprement dite, elle comprend plusieurs étapes, de l'initiative à l'approbation du texte de la révision La révision interdite Depuis 1884, c'est un principe fondamental de la tradition républicaine (IIIe, IVe et Ve Républiques) que la forme républicaine du gouvernement ne peut faire l'objet d'une révision Votée en même temps que la proscription des membres des familles ayant régné sur la France, cette disposition visait à interdire le rétablissement de la monarchie, ou du bonapartisme. [...]
[...] L'obligation pour le Président d'organiser un référendum Une fois le texte de la révision adopté par les assemblées, l'article 89 n'impose aucun délai au Président pour organiser le référendum, ou pour réunir le congrès. En 1963, la révision relative au début des sessions parlementaires était intervenue 3 ans après que le texte ait été voté par les deux assemblées. En 1973, Pompidou avait fait voter par les deux assemblées une révision ramenant de 7 à 5 ans la durée du mandat présidentiel, et le texte n'a jamais été présenté au Congrès, ni proposé au référendum. [...]
[...] De plus il y a un certain paradoxe dans un rapport consacré au rééquilibrage des institutions et qui s'attache à renforcer les prérogatives du Parlement, à vouloir dans le même temps les priver de celui qu'elles tiennent de l'article 89, et qui est sans doute l'un des plus importants dont elles disposent chacune, même si elles n'ont pas tous les jours l'occasion de l'exercer. [...]
[...] La révision proposée de l'article 89 prévoit que lorsque le projet ou la proposition de révision n'a pas été voté en termes identiques après deux lectures dans chaque assemblée mais que l'une d'elles l'a adopté à la majorité des 3/5e des suffrages exprimés le Président peut (c'est une simple faculté, il n'est pas tenu de le faire) soumettre le texte au référendum. On notera que cette disposition n'a pas été reprise dans l'avant projet de loi de révision constitutionnelle que l'Elysée a fait connaître fin décembre. On le comprend aisément, car les chances qu'elle soit adoptée sont très réduites. Il faudrait en effet que chaque assemblée accepte de renoncer à son propre droit de veto. Or comme on l'a dit elles ne sont guère disposées à abandonner spontanément leurs prérogatives. [...]
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