Pouvoirs des juges, encore et toujours. La Cour de cassation et le Conseil d'Etat poursuivent leurs transformations, sur les deux fronts liés de l'expression de leurs interprétations et du pouvoir créateur de ces interprétations, et la présente chronique continue donc, par voie de conséquence, son suivi de ces évolutions. La Cour de cassation, faute d'éclaircir la rédaction de ses arrêts, multiplie les moyens d'amortir les dommages collatéraux de sa tradition elliptique, sous l'auspice du Service de documentation et d'études. Aux modes de communication déjà rencontrés, sigles de publication, communiqués, sont venus s'ajouter deux aides précieuses, l'une renforçant la compréhension générale des arrêts de la Cour, sous la forme d'une fiche méthodologique, l'autre s'attachant à une présentation doctrinale de certains arrêts de la Cour. De son côté, le Conseil d'Etat, bien que très en avance en termes de pédagogie, parvient néanmoins à innover en lançant les conférences de presse à l'occasion de ses grandes décisions. Mais, au titre des mutations des derniers mois, il est évident, et sans comparaison autre que celle de la commodité de regrouper les actualités dans le cadre de cette chronique, que l'essentiel réside dans l'arrêt Tropic rendu par l'Assemblée du contentieux du Conseil d'Etat le 16 juillet 2007, par lequel le juge administratif accepte à son tour de moduler dans le temps un revirement de jurisprudence. La solution sera ici sommairement présentée, le thème ayant été longuement développé dans la précédente chronique, à laquelle il sera renvoyé pour les explications et les références. Pour autant, la décision n'est pas dans l'exacte droite ligne de la modulation opérée par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation le 21 décembre 2006 : au revirement de jurisprudence en deux temps retenu par cette dernière, le Conseil d'Etat préfère un revirement en trois temps.
[...] Pour autant, la décision n'est pas dans l'exacte droite ligne de la modulation opérée par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation le 21 décembre 2006 : au revirement de jurisprudence en deux temps retenu par cette dernière, le Conseil d'Etat préfère un revirement en trois temps. I. Fiche méthodologique Le BICC a récemment publié une fiche méthodologique sur le thème Interprétation et portée des arrêts de la Cour de cassation en matière civile Présentée à l'attention des justiciables et des cours d'appel de renvoi tenues d'« appréhender l'étendue et la portée de l'arrêt de cassation, l'enseignement peut être utile à tout juriste, tout particulièrement son premier développement consacré à la portée normative des arrêts de la Cour de cassation (les développement suivants étant consacrés à la portée procédurale et à la procédure de renvoi après cassation). [...]
[...] Ce précieux décryptage sera ici simplement résumé. Ainsi, exactement à bon droit/à juste titre justement exacte application n'expriment pas une simple délivrance de satisfecit à l'attention des juges du fond mais, au-delà, la marque d'un contrôle lourd alors que la formule selon laquelle les juges du fond ont pu témoigne d'un contrôle léger, laissant plus de latitude aux faits et circonstances. La fiche conteste ensuite l'idée répandue selon laquelle les arrêts de cassation auraient une portée normative supérieure à celle des arrêts de rejet : les arrêts de rejet peuvent porter un élément essentiel souligné par la possibilité d'un chapeau intérieur, c'est-à-dire l'énoncé de la doctrine de la Cour de cassation et le recours à la substitution de motif. [...]
[...] Lorsqu'un nouveau cas de recours est ainsi créé par voie prétorienne, la rétroactivité naturelle de cette source est potentiellement cause de grands désordres. Lorsque cette rétroactivité touche aux situations contractuelles, le désordre est encore amplifié, en ce qu'il heurte directe les attentes légitimes des parties et la sécurité de leurs prévisions : on le sait, en matière contractuelle, l'application immédiate de la loi est pour cette raison en principe paralysée. L'occasion était dès lors idéale pour que le Conseil d'Etat accepte à son tour de moduler la rétroactivité de sa jurisprudence, ce qu'il fait dans un considérant clair, mais moins argumenté que ce à quoi le juge administratif nous avait habitué en matière de modulation, et aux termes duquel : il appartient en principe au juge d'appliquer les règles définies ci-dessus qui, prises dans leur ensemble, n'apportent pas de limitation au droit fondamental qu'est le droit au recours ; que toutefois, eu égard à l'impératif de sécurité juridique tenant à ce qu'il ne soit pas porté une atteinte excessive aux relations contractuelles en cours et sous réserve des actions en justice ayant le même objet et déjà engagées avant la date de lecture de la présente décision, le recours ci-dessus défini ne pourra être exercé qu'à l'encontre des contrats dont la procédure de passation a été engagée postérieurement à cette date Petit commentaire de texte : Il appartient en principe au juge d'appliquer les règles définies ci- dessus : clair, sans excès, dans un sens ou dans l'autre, le schéma de base est rappelé. [...]
[...] Ainsi, ces derniers se voient cantonnés à leur rôle pédagogique quand les arrêts servent à annoncer des jurisprudences à venir : la logique n'imposerait-elle pas le schéma inverse ? III. Conseil d'Etat et conférence de presse Dans les efforts faits pour garantir la meilleure compréhension possible de ses décisions, le Conseil d'Etat est arrivé à un haut niveau de qualité. Récemment, la Haute juridiction a ajouté encore à ce souci de transparence, afin d'éviter que ses décisions les plus importantes ne soient mal interprétées, et notamment mal annoncées par la presse généraliste : l'arrêt Arcelor du 8 février 2007 a ainsi été présenté et discuté avec les journalistes et membres de la doctrine lors d'une conférence de presse. [...]
[...] 2006), la présente décision s'inscrivant dans la droite ligne de ces précédentes manifestations. A même de balayer à elle seule le jeu normal du pouvoir jurisprudentiel, l'efficacité redoutable de la sécurité juridique peut nourrir de grandes tentations et donc quelques inquiétudes. Ainsi, elle est ici présentée sous l'auspice de la sécurité des relations contractuelles, sans que soit précisé plus avant le danger menaçant ces relations : pourtant, le revirement n'a pas pour effet de rendre nulles des stipulations auparavant valables mais ouvre, et dans des conditions fortement limitées, un nouveau recours. [...]
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