C'est seulement depuis l'ordonnance du 23 mars 2006 que le droit de rétention a été introduit de manière générale dans le code civil. Il ne faisait en effet avant cette date que l'objet de dispositions spécifiques éparses. Mais c'est avec la loi du 4 août 2008 qu'il a été étendu de manière importante en ce qu'il a été conféré à « celui qui bénéficie d'un gage sans dépossession ». Le paradoxe saute aux yeux ; comment concevoir un droit de rétention en l'absence de dépossession ?
En effet, le droit de rétention se définit comme la faculté accordée à un créancier qui détient régulièrement une chose d'autrui, de la « retenir » c'est-à-dire de la bloquer tant que sa créance n'a pas été acquittée. Ce droit permet d'exercer sur le débiteur un moyen de pression considéré comme efficace. A titre d'exemple on peut citer un arrêt 1ère civ., 17 juin 1969 selon lequel « le créancier rétenteur a le droit, sauf disposition législative contraire, de refuser de se dessaisir des objets ou documents légitimement détenus jusqu'à complet paiement du prix ».
[...] Toutefois, lorsqu'on se trouve en présence d'un droit de rétention en l'absence de dépossession, c'est la publicité qui en est faite qui le rend opposable aux tiers. Ce mécanisme est redoutable puisque pour pallier l'absence de détention physique par le créancier de la chose d'autrui, on utilise les règles de publicité. On a donc là un principe d'opposabilité à tous du droit de rétention. La jurisprudence est d'ailleurs une fois encore très favorable au créancier puisqu'elle a par exemple admis dans un arrêt 1ère civ septembre 2009 qu'un créancier oppose son droit de rétention à des sous-acquéreurs en vue d'inciter le vendeur à lui rembourser sa créance. [...]
[...] On parle alors de détention fictive du créancier. Dès lors, l'article 2286Cciv induit que le créancier bénéficiaire du gage peut exercer son droit de rétention bien qu'il ne possède pas à proprement parlé la chose grevée. Cette possibilité est prévue notamment par des textes spéciaux instituant des droits de rétention particuliers. Tel est le cas pour le créancier titulaire d'un gage automobile (article 2351Cciv) ou celui titulaire d'un nantissement de comptes titres (article L211-20 CMF). Tout l'intérêt du texte est de généraliser la possibilité d'exercer un droit de rétention, dès lors que l'on est titulaire d'un gage sans dépossession. [...]
[...] On l'a dit, le droit de rétention faisait, initialement l'objet de dispositions éparses dans le Code civil. Il était en effet envisagé dans des cas bien particuliers par exemple en matière de contrat de dépôt (article 1948Cciv) ; si le dépositaire est amené à effectuer des dépenses nécessaires à la conservation de la chose déposée, le dépositaire pourra retenir la chose tant que le déposant ne l'aura pas payé. Le droit de rétention se retrouve également lorsqu'il est associé à une sûreté réelle comme le gage ou le nantissement. [...]
[...] Le texte énonce en effet à l'article L622-7 Ccom : Le juge commissaire peut aussi l'autoriser [le débiteur] à payer des créances antérieures au jugement, pour retirer le gage ou une chose légitimement retenue [ lorsque ce retrait est justifié par la poursuite de l'activité Cette possibilité introduite par le législateur paraît logique en ce sens qu'en bloquant la chose, le rétenteur peut faire échec à la poursuite de l'activité, nécessaire au rétablissement du débiteur. Mais, en cas d'absence de dépossession, on pourrait relativiser la gêne occasionnée par le créancier. Certes le débiteur ne peut pas disposer de la chose comme il l'entend, mais il pourra toujours l'utiliser. Face à cette limite à la gêne occasionnée par le créancier, entraînant une baisse corrélative de la pression exercée sur le débiteur, le législateur a souhaité logiquement faire bénéficier le rétenteur du régime favorable des procédures collectives. [...]
[...] Par conséquent, l'objet retenu devait nécessairement être corporel. Néanmoins, depuis la loi LME (loi sur la modernisation de l'économie) du 4 août 2008, le législateur a introduit un alinéa 4 à l'article 2286Cciv, créant ainsi le principe du droit de rétention fictif appartenant à tout titulaire d'un gage sans dépossession. La dépossession est comprise comme l'action visant à ôter une chose des mains de son propriétaire. Au contraire, l'absence de dépossession signifie qu'on permet au propriétaire d'une chose de la conserver, de la garder entre ses mains. [...]
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