Commentaire d'arrêt de Droit de la Famille: l'annulation du mariage - civ. 1ère 23 octobre 1990 (3 pages)
Les conséquences de la rétroactivité de la nullité sont tellement graves qu'il y a été dérogé dans une situation particulière. La rétroactivité ne joue pas lorsque les époux ont, de bonne foi, cru qu'ils pouvaient valablement se marier : c'est le cas du mariage putatif. La situation peut alors s'apparenter à celle du divorce. Cet arrêt du 23 octobre 1990 opère davantage ce rapprochement avec le divorce.
En l'espèce, M.Y s'est marié, en la forme coranique, en 1963 en Algérie avec Mme Z. Cette union n'a pas été dissoute. Il s'est marié le 13 février 1971 avec Mme X devant un officier d'état civil français. En 1982, M. Y assigne Mme X en nullité du mariage pour cause de bigamie devant le Tribunal de grande instance. Le 11 mai 1984, le Tribunal prononce la nullité du mariage, admet la commune bonne foi des époux et condamne M. Y à verser à Mme X une rente mensuelle indexée à titre de prestation compensatoire. Mme X fait appel de cette décision. La cour d'appel énonce que Mme X ne peut prétendre à une indemnité compensatoire puisque M. Y était aussi de bonne foi. Mme X formule un pourvoi en cassation.
I) Le mariage putatif : exception à l'annulation rétroactive du mariage
II) Une assimilation contestable de l'annulation du mariage au divorce
[...] La réparation aurait pu trouver sa source dans l'article 1382 du code civil (dommages-intérêts), mais cela suppose l'existence d'une faute or ce n'était pas possible car M.Y et Mme X étaient de bonne foi. Il était donc logique de pallier le déséquilibre causé par l'annulation du mariage. La cour de cassation opère donc une véritable évolution en appliquant les dispositions de l'article 270 du code civil aux procédures de nullités de mariage, mais cette évolution ne va-t-elle pas trop loin? II/ Une assimilation contestable de l'annulation du mariage au divorce. [...]
[...] Le divorce est prévu pour ceux qui se sont mariés en étant convaincus de prendre une décision opportune, mais qui au fil du temps voient diminuer l'attachement l'un envers l'autre. C'est la solution de difficultés nouvelles apparues après le mariage. A l'inverse, la nullité est prévue pour ceux qui, si certains faits pré-existant avaient été portés à leur connaissance avant leur projet d'union, n'auraient pas décidé de se marier. C'est la solution de difficultés nées avant le mariage. Après un divorce, il subsiste encore une influence du mariage dissous dont les effets sont aménagés pour l'avenir, alors que l'union annulée est considérée comme n'ayant jamais existée. [...]
[...] En règle général, la nullité entraine la disparition rétroactive du mariage conformément aux principes généraux régissant les nullités. Mais ici, le mariage cesse alors de produire ses effets pour l'avenir, et les effets produits avant sont maintenus. Il n'y a pas de rétroactivité, comme pour la procédure de divorce. La bonne foi exigée s'entend d'une erreur de fait ou de droit. Lorsque les époux sont tous les deux de bonne foi, c'est le cas ne l'espèce, la nullité joue comme une dissolution. [...]
[...] En effet, les prestations compensatoires sont régies par des règles spécifiques propres au divorce et leur application aux nullité rapproche les deux actions. Certains auteurs souhaitent même aller plus loin dans l'analogie et appliquer les prestations compensatoires même quand il n'y a pas de mariage putatif car un époux est de mauvaise foi ou que les deux le sont. Mais cela est difficilement envisageable puisque si il n'y a pas de mariage putatif, la rétroactivité joue pleinement. Cette extension aura pour principal effet de relancer la voie de l'action en nullité, certains préférant cette voie au divorce pour des motifs religieux. [...]
[...] Lorsqu'un seul des époux est de bonne foi, le bénéfice du mariage putatif joue à son seul égard. Il peut obtenir de l'autre conjoint des dommages-intérêts ou le versement d'une pension alimentaire à titre de réparation de la perte du devoir de secours. Pourtant une différence essentielle avec le divorce subsiste : le mariage nul ne peut plus produire d'effet à compter du prononcé de la nullité. B. La disparition des devoirs de secours et d'assistance Contrairement à la nullité, les devoirs de secours et d'assistance peuvent subsister en cas de dissolution du lien matrimoniale par divorce. [...]
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