Commentaire de l'arrêt rendu par La première chambre civile de la Cour de cassation en date du 7 novembre 2000
La Cour de cassation a été conduite, dans le silence du législateur ne consacrant l'existence juridique de la clientèle qu'en matière commerciale, a modifier le statut de la ' patientèle ' des professions libérales au regard de son évolution et ainsi clore les controverses longuement entretenues à l'égard de la patrimonialité des activités libérales.
I - La cession de clientèle, objet de contrat, admise dans le cadre d'un fonds libéral
II - La licéité de la cession de clientèle civile soumise à la préservation de la liberté des patients : une décision ambiguë
[...] En outre, la cession de clientèle civile n'est admise qu'à l'occasion de la constitution ou de la cession d'un fonds libéral. Par ailleurs, dans la conception objective de la clientèle civile faîte par les juges de cassation, la clientèle s'attache nécessairement à un meuble incorporel comparable au fonds de commerce. Dès lors, elle n'est plus exclusivement attirée par la personne du praticien et à sa confiance mais aussi attachée à un ensemble d'éléments matériels tel que l'équipement du Cabinet ou du pouvoir attractif de l'achalandage, bref tout ce qui fait de l'organisation mise en place une originalité concurrentielle. [...]
[...] C'est pourquoi la décision de la Cour en se référant à cette condition de validité essentielle a annulé la convention considérée litigieuse formée entre les deux médecins et attentatoire à cette liberté. En effet, il est difficilement imaginable que les patients du chirurgien vendeur acceptent sans incitation importante de celui-ci de le quitter pour un nouveau praticien, sachant que le chirurgien reste en exercice. Le libre choix est ainsi atteint par des procédés maîtrisés par les médecins contractants tel que l'orientation des malades selon la disponibilité des deux médecins et non de leur choix ou encore par une proposition systématique faite aux patients de consulter le confrère cessionnaire. [...]
[...] Dès lors, la frontière entre la simple incitation de la clientèle à consulter le cessionnaire et la persuasion voire l'affectation des patients, qui contrevient à la liberté de choix est subtile. Enfin, le contrat reste aléatoire, la cession d'une clientèle civile ne garantit pas la fidélité des patients qui reporteront leur confiance en fonction des éléments objectifs de rattachement cédés. En conséquence, la Cour en admettant la cession de la clientèle considère que la vente doit entraîner un transfert de clientèle, ce qu'elle est impuissante à produire. [...]
[...] Cependant, M. Sigrand après avoir versé une partie du montant de l'indemnité a estimé ne pas avoir obtenu la clientèle pressentie et considéré que son confrère n'avait pas rempli ses engagements. Ainsi, M. Sigrand choisit d'assigner M. Woessner en annulation du contrat de cession. La Cour d'appel de Colmar en date du 2 avril 1998 a fait droit à la demande de M. [...]
[...] La position de la Cour aurait d'ailleurs pu se référer au code de déontologie médicale qui garantit expressément une telle liberté. Ainsi, la Cour reconnaît le principe selon lequel la cession de la clientèle est valable tout en considérant dans les faits qui lui sont proposés qu'elle est nulle comme portant atteinte à la liberté des patients. Autrement dit, la solution repose par le fait qu'elle ne considère toujours pas la patientèle comme une chose tout en affirmant qu'elle peut désormais constituer licitement l'objet d'un contrat de cession, ce qui n'est pas à l'abris de critique. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture