Depuis l'affirmation de la théorie du droit à l'image, la première chambre civile de la Cour de cassation n'a jamais expressément énoncé que le propriétaire d'une chose disposerait d'un droit exclusif sur l'image de cette chose. Dès lors, ayant décidé de mettre fin à la jurisprudence Gondrée, l'Assemblée plénière a considéré qu'elle ne pouvait faire autrement que d'affirmer l'inexistence d'un pouvoir exclusif du propriétaire sur l'image de son bien (I). Ce revirement jurisprudentiel est néanmoins troublant en tant que les juges de la Haute juridiction assortissent la fin de la reconnaissance du droit à l'image du bien par son propriétaire d'une réserve qui autorise ce dernier à s'opposer aux utilisations de la dite image en cas de « trouble anormal » (II).
[...] C'est ainsi que l'article 544 du code civil définit la propriété. Cela laisse donc à penser que nul ne saurait utiliser le bien d'autrui pour en tirer un quelconque bénéfice sans que le propriétaire du bien n'ait son mot à dire. Or, par cet arrêt de rejet du 7 mai 2004, l'Assemblée plénière de la Cour de Cassation sonne l'aboutissement d'une évolution jurisprudentielle en remettant en cause le caractère exclusif du droit de propriété. En effet, les juges de la Haute juridiction considèrent que le propriétaire n'a plus un droit exclusif sur l'image de son bien. [...]
[...] La Cour d'appel de Rouen a débouté la société de sa demande en date du 31 octobre 2001 en précisant que le droit de propriété n'était ni absolu ni illimité et ne comportait pas un droit exclusif pour le propriétaire sur l'image de son bien Sur ces bases, la Cour fait état de la nécessité, pour la société, de démontrer l'existence d'un préjudice en indiquant que ce dernier ne saurait résulter de la seule reproduction de l'image du bien sans l'accord du propriétaire. De plus, les juges du fond concluent à l'absence d'une telle démonstration en se fondant sur le caractère accessoire de la reproduction de l'image litigieuse au regard de l'objet du document publicitaire. Ainsi, la Cour considère qu'à elle seule la reproduction de l'immeuble sans l'autorisation, ne suffit pas à caractériser le préjudice de celui-ci. Le demandeur a alors formé un pourvoi en cassation. [...]
[...] Néanmoins, il s'agit d'un obstacle important dans le sens où c'est le standard juridique de l'anormalité qui guidera le succès ou l'échec de son action. Or dans la présente espèce, l'Assemblée plénière a considéré qu'il ne résultait pas des énonciations de la décision rendue par la Cour d'appel de Rouen qu'un trouble anormal aurait été causé par la reproduction de la façade de l'Hôtel de Girancourt alors même que les juges du fonds avaient admis que l'exploitation de cette image avait été réalisée avec des visées lucratives C'est pourquoi, cette décision témoigne de la difficulté pour les particuliers de savoir s'ils obtiendront l'aval de la cassation pour leur requête ou pas à cause de la notion de trouble anormal qui n'est pas caractérisé en cas de concurrence sur l'image de son propre bien par les tiers. [...]
[...] La société immobilière considère ensuite que le fait pour les intimés d'acheter une photographie prouve bien la valeur commerciale de la façade restaurée et par conséquent du préjudice subi en l'intégrant dans un prospectus publicitaire. Les demandeurs arguent de ce fait le droit de jouir pleinement des fruits susceptibles d'en découler ou à défaut, de percevoir une juste rémunération de ceux-ci. Enfin, dans la dernière branche de son moyen, le demandeur fait valoir que les cartes postales comportent au dos des mentions qui témoignent de la volonté pour le propriétaire de conserver à son usage exclusif le droit de reproduire la façade du monument historique. [...]
[...] C'est sur cette question que la Cour de cassation a dû statuer en séance Plénière le 7 mai 2004, mettant ainsi un terme à moult tergiversations jurisprudentielles et doctrinales. En l'espèce, pour promouvoir la construction d'un immeuble, la société SCIR Normandie a lancé un projet publicitaire. Ce dernier comprend en sus d'informations particulièrement élogieuses sur le projet immobilier, la reproduction de la façade d'un immeuble rouannais classé monument historique, l'hôtel de Girancourt. Or, la société SCP hôtel de Girancourt, propriétaire du dit immeuble, s'estime lésée faute d'avoir donné l'autorisation de la publication de l'image. [...]
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