Commentaire de l'arrêt de la première chambre civile de la Cour de Cassation en date du 17 mars 1992 traitant de la délégation
La délégation simple, opération par laquelle un délégant donne ordre à un délégué, de payer une troisième personne, le délégataire, est présentée soit comme un moyen de simplification des paiements, dans le cas où le délégué était débiteur du délégant, lui-même débiteur du délégataire, ou un instrument de garantie, auquel cas, il n'existait pas nécessairement de lien fondamental entre le délégant et le délégué.
I) Une remise en cause du principe de l'inopposabilité des exceptions
II) Le manque de cohérence d'une solution à clarifier
[...] Par définition, la novation emportant disparition de l'obligation ancienne ayant existé entre le délégant et le délégataire, la question de l'opposabilité par le délégué des exceptions tirées de ce rapport n'aurait pu se poser (il faut néanmoins réserver l'hypothèse de la nullité affectant le lien fondamental, mais là n'est pas l'objet de notre discussion). Et en effet, le délégué cherchait à se prévaloir de la prescription ayant affecté la créance du délégataire contre le déléguant, pour s'opposer à l'action en paiement intentée par le premier. La Cour d'appel, adoptant l'analyse classique, a fait application des principes ci-dessus énoncés. Ainsi, l'engagement de l'acquéreur de régler la dette du vendeur à l'égard d'un tiers, se superposait à l'obligation existant entre ces derniers. [...]
[...] Le délégué exerçait alors un pourvoi en cassation, accueilli par la Cour de cassation le 17 mars 1992, qui cassait et annulait l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris. La question qui se posait était la suivante : le délégué peut-il, et dans quelles conditions, se prévaloir à l'encontre du délégataire, de la prescription affectant l'obligation existant entre ce dernier et le délégant ? Plus généralement, il convenait de s'interroger sur le problème de l'opposabilité par le délégué des exceptions tirées des rapports entre le délégataire et le délégant. [...]
[...] Aynès, approuvaient la solution, niant purement et simplement l'existence d'un prétendu principe d'inopposabilité des exceptions Elle introduirait en effet au niveau des effets de la délégation, une distinction entre délégation incertaine et certaine, qui n'est pas prévue par les textes, pour écarter un principe, celui de l'inopposabilité des exceptions, qui est le trait majeur de cette opération. Cette solution irait donc à l'encontre de la nature même de la délégation. Néanmoins, il pouvait être affirmé, comme M. Christophe Lachièze, qu'en réalité, en raison de l'unicité de l'objet dans la délégation incertaine, l'engagement nouveau serait moulé sur l'ancien, et le délégué n'aurait en fait opposé que les exceptions inhérentes à sa propre dette. Si elle paraît séduisante, l'explication nous semble un peu artificielle, et surtout, tend à introduire un effet translatif que la délégation n'implique pas. [...]
[...] Néanmoins, pour qu'il y ait cession véritable, il faut que la dette originaire ait été transmise, et donc, que les vices affectant celle- ci l'aient également été. Or, la délégation, dans une conception traditionnelle, a pour effet de créer une obligation nouvelle, ce qui précisément exclut tout transfert de l'obligation originaire. D'un point de vue juridique, il ne pourrait, en principe, y avoir ainsi cession de dette, et donc, les vices affectant le lien fondamental ne sont pas transmis au délégué, qui ne peut s'en prévaloir. [...]
[...] Mestre soulignait d'ailleurs que c'était la première fois qu'une telle précision était rapportée. Soit l'on considère que cette décision constitue le droit positif, et que par conséquent le principe de l'inopposabilité est consacré, soit, il faut estimer qu'étant donné la contradiction avec la position de la première Chambre, la Chambre mixte ou l'Assemblée plénière devra être réunie, pour fixer l'état du droit quant à cette question particulière des effets de la délégation. Selon nous, cette unification jurisprudentielle devrait reprendre la position de la Chambre commerciale, qui seule reste fidèle aux traits caractéristiques de la délégation et préserve son intérêt et sa spécificité, notamment en tant que garantie. [...]
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