Rôle, juge, interprétation, contrats
Léviathan ou social, le contrat apparaît comme l'un des éléments les plus fondamentaux du droit, en ce sens que le terme de contrat, alors extrait du domaine juridique, recouvre ce qui fonde pour la plupart des philosophes politiques les sociétés humaines. Selon Anne Laude « un contrat est ce quelque chose qui modifie des relations juridiques et crée au moins une obligation. C'est l'accord de deux ou plusieurs volontés, qui a pour objet la création ou l'extinction d'une obligation. Le contrat est donc le consentement ou la volonté des parties exprimées dans un accord. ».
Plus pragmatiquement, le Code Civil définit de la sorte le contrat à son article 1134.
Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi. (art. 1134 CC).
La spécificité du contrat est de mettre face à face les parties contractantes, créditeur et débiteur d'une prestation par exemple, dans une relation de réciprocité obligeante, dite synallagmatique. Tenant lieu de loi aux dites parties, le contrat s'impose théoriquement au juge comme le montre le fameux arrêt Canal de Craponne du 8 mars 1876 :
« Il n'appartient pas aux tribunaux, quelque équitable que puisse leur paraître leur décision, de prendre en considération le temps et les circonstances pour modifier les conventions des parties et substituer des clauses nouvelles à celles qu'elles ont librement acceptées. »
Le contrat met face à face des parties libres de leur engagement, supposées en pleine possession de leurs moyens, jugeant leur propre intérêt de la meilleure façon qui soit, faisant du contrat la meilleure façon d'arbitrer les intérêts des parties. Mais pour pieuse que soit cette conception, ses limites apparaissent d'elles-mêmes, en ce que toute société porte en elle des rapports inégalitaires : le riche et le pauvre, le savant et l'ignorant : dès lors le contrat peut produire des effets pervers de légalisation de ces inégalités.
Si, le juge doit donc être le gardien de la volonté des parties et de leurs intérêts, dans le respect de l'ordre publique, pouvant interpréter le contrat ou modifier le fond ainsi que la forme du contrat, il a acquis à travers ce rôle des compétences de facto bien plus significatives, à savoir normatives.
[...] Le juge garant et interprète du contrat et de la volonté des parties contractantes. Le juge est garant de la légalité du contrat. Le contrat repose sur la volonté librement exprimée des parties. Les parties contractantes doivent être capables. Le contrat ne peut avoir de légitimité que si les parties contractantes jouissent pleinement de leurs moyens, et ce librement. Le législateur a donc établit un certain nombre de clauses sine qua non pour être en mesure d'établir un contrat. Ainsi le Code Civil s'attache à s'assurer de la capacité du contractant d'établir le contrat, en interdisant la formation du contrat si la personne est déclarée incapable par la loi (art. [...]
[...] Le juge peut modifier ou annuler le contrat. Du travail d'interprétation du contrat par le juge découle son pouvoir de modifier les obligations créées par le contrat. Les contrats qui sont concernés au premier chef par la modification sont les contrats dont les effets se déroulent dans la durée. En cas de lésion de contrat, le juge peut réduire le montant d'une clause pénale et de la rémunération des mandataires ou accorder un délai de paiement. Le principal enjeu de la modification du contrat concerne la notion d'imprévision. [...]
[...] Le Code Civil régit là aussi les conditions de rédaction du contrat. Il existe trois causes pouvant empêcher la formation du contrat contenues dans les articles 1109 et suivants du Code Civil : Il n'y a point de consentement valable, si le consentement n'a été donné que par erreur, ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol - L'erreur (art CC) constitue une cause de nullité si elle concerne la substance même de l'objet du contrat, la partie n'aurait pas contractée si elle avait su, son consentement a été dénaturé. [...]
[...] Ainsi le juge s'installe là où la loi est limitée par le principe de liberté contractuelle, c'est-à-dire dans l'élaboration même des règles du contrat synallagmatique. II) Développement de la fonction normative du juge dans les relations contractuelles. L'évolution du droit et de ses pratiques amène de plus en plus le juge et la jurisprudence contractuelle à dessiner une refonte normative du contrat notamment dans un but de protection des contractants les plus faibles. L'intervention du juge débouche ainsi selon certains auteurs sur son installation dans le processus de création du contrat. Le juge est le vecteur de la socialisation des rapports contractuels. [...]
[...] La loi du 10 janvier 1978 sur la protection et l'information des consommateurs des produits et des services ont introduit cette notion en droit français. Il relève ainsi du pouvoir du juge d'annuler les clauses abusives d'un contrat : celles-ci désavantageant souvent le consommateur face au producteur, plus au fait du droit, afin d'empêcher la transformation de la pratique contractuelle en une adhésion à un document préparé unilatéralement. La jurisprudence n'a pas pris en compte cette loi pendant une décennie entière, avant que la cour de cassation ne force son champ d'application par des interprétations extensives, en supprimant la nécessité d'un décret pour déclarer une clause abusive. [...]
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