Logique, spécificités, contentieux, urbanisme
Directement lié aux lois de décentralisation, le contentieux de l'urbanisme a explosé dans les années 80, face à la multiplicité des acteurs, des documents de planification, et de la complexité des procédures, et ce d'autant plus que d'un contentieux de voisinage il devenait un contentieux économique pleinement inséré dans les problématiques modernes d'environnement, d'organisation de l'espace et de l'habitat, de politique,…
De 3700 recours en 1986, on était arrivé à 10 500 en 1992.
Un rapport du Conseil d'état de 1992, placé sous la présidence du conseiller Labetoulle, intitulé « l'urbanisme pour un droit efficace », pointait du doigt les difficultés de la juridiction administrative à répondre aux attentes des justiciables. L'urbanisme était devenu la première source de contentieux administratif.
Convaincu par ce rapport le gouvernement a déposé un projet de loi, largement inspiré par ce dernier, qui deviendra la loi du 9 février 1994 portant réforme du contentieux de l'urbanisme. Mais l'alternance politique, puis la dissolution de l'Assemblée vont empêcher que soit opérée une réforme en profondeur jusqu'en 2004 où la Garde des Sceaux et le ministre de l'équipement décident de créer un nouveau groupe de travail présidé par Maître Philippe Pelletier.
C'est à l'élément pathologique du droit, lieu de toutes les tensions et crispations que ce sont attachées les deux réformes, en refondant le contentieux de l'urbanisme.
Prônant des objectifs de simplification des règles du recours et de sécurisation des droits acquis, elles touchent en profondeur la matière. On peut s'étonner des remèdes qui comme on le verra tout au long du développement ont un caractère dérogatoire affirmé.
En cela les auteurs n'ont fait qu'accentuer une particularité du droit de l'urbanisme qui avait déjà pris des distances certaines avec les règles du droit administratif général.
On citera pour preuve de ces particularismes le fait qu'il soit confié pour partie au juge judiciaire, notamment en ce qui concerne les questions de propriété, d'évaluation des biens lors d'une procédure de préemption,… mais confié aussi parfois à un juge unique dans les litiges relatifs aux déclarations de travaux exemptés de permis de construire par exemple.
Ces dérogations successives apportées à un droit déjà dit exorbitant du droit commun, n'ont pas reçu l'approbation de tous et sont encore aujourd'hui contestées par la doctrine, ainsi le professeur Billet a pu parler de dispositions scélérates au sujet de certains articles du texte de 2004.
En effet ces réformes ont une logique propre visant, comme en atteste les travaux préparatoires à désengorger le contentieux et à favoriser les droits acquis créateurs d'une importante manne économique pour le bénéficiaire.
A l'heure où le droit administratif se réforme en profondeur, en atteste par exemple la célèbre loi DCRA de 2000, pour permettre une plus grande transparence et une meilleure compréhension de l'administration, on ne peut être qu'étonné des choix opérés par le législateur.
[...] Prônant des objectifs de simplification des règles du recours et de sécurisation des droits acquis, elles touchent en profondeur la matière. On peut s'étonner des remèdes qui comme on le verra tout au long du développement ont un caractère dérogatoire affirmé. En cela les auteurs n'ont fait qu'accentuer une particularité du droit de l'urbanisme qui avait déjà pris des distances certaines avec les règles du droit administratif général. On citera pour preuve de ces particularismes le fait qu'il soit confié pour partie au juge judiciaire, notamment en ce qui concerne les questions de propriété, d'évaluation des biens lors d'une procédure de préemption, mais confié aussi parfois à un juge unique dans les litiges relatifs aux déclarations de travaux exemptés de permis de construire par exemple. [...]
[...] Des procédures encore trop longues. Le droit de l'urbanisme a pour spécificité d'être un droit où d'importantes sommes d'argent et d'affects sont en jeu. Ces réformes avaient pour objet d'éviter les recours dilatoires, quitte on l'a vu à restreindre les droits de certains, pourtant elles allongent sensiblement la procédure contentieuse et maintiennent dans le doute les bénéficiaires des autorisations et ceux qui les ont octroyés. Ceci est particulièrement préjudiciable lorsque l'on sait que la plus part des actions engagées à l'encontre de permis de construire illicites se concluent par des non lieu, une fois la construction achevée. [...]
[...] Des actions contentieuses enfermées dans des délais stricts pour renforcer les droits acquis. Le législateur a entendu enfermer les actions contentieuses en matière d'urbanisme dans des délais strictement établis par la loi et dérogatoires de ceux connus du droit administratif général, en ce qui concerne les autorisations individuelles ou l'exception d'illégalités Le délai de droit commun La réforme de 2004 clarifie le point de départ de la prescription qui court à partir de l'affichage sur le terrain. Il s'agit là d'une légère spécificité en comparaison du droit administratif général, puisque le point de départ à l'encontre des actes individuels court à partir de leur notification. [...]
[...] En matière administrative la règle diffère. Selon l'article L600-1 du code de l'urbanisme « L'illégalité pour vice de forme ou de procédure d'un schéma directeur, d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan d'occupation des sols, d'un plan local d'urbanisme, d'une carte communale ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu ne peut être invoquée par voie d'exception, après l'expiration d'un délai de six mois à compter de la prise d'effet du document en cause. Les dispositions de l'alinéa précédent sont également applicables à l'acte prescrivant l'élaboration ou la révision d'un document d'urbanisme ou créant une zone d'aménagement concerté ». [...]
[...] Ils ajoutent à ce premier argument, que ce dispositif pervertit l'office du juge administratif et l'éloigne de ses fonctions premières. Il devient en quelque sorte le conseil de la partie qui a pris l'acte, un « censeur des actes administratifs illégaux » écrit le commissaire du gouvernement J-H Stahl. En allant plus loin on peut se demander où se trouve l'égalité devant la loi, norme constitutionnellement garantie, à cet instant du procès. Un juge hésitera à deux fois avant de censurer un acte qui est déjà passé entre les mains d'uns de ses collègues. [...]
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