Article 218 du Code civil, mandat apparent, représentation, mandat tacite, régime matrimonial, époux, mandat entre époux, article 1984 du Code civil, intérêt de la famille
INTRODUCTION
Selon une formule de Ph. Rémy, le mandat entre époux est « un instrument d'adaptation de leur régime à leurs besoins et à leurs humeurs du moment ». A ce titre, la représentation entre époux a connu très tôt un régime de faveur en ce qu'elle « constitue une nécessité fonctionnelle du régime matrimonial » (M. Fréjaville) : les pouvoirs respectifs des époux doivent pouvoir être adaptés aux circonstances conjugales. C'est donc par cette technique empruntée au droit commun, que le droit des régimes matrimoniaux utilise entre autres, la représentation entre époux par le biais du mandat. Le mariage, qui est une union reposant sur la confiance et l'intimité conjugale, est un terrain privilégié pour le mandat.
Le mandat se définit selon l'article 1984 comme un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour elle ou en son nom. Cette définition du mandat de droit commun est celle du mandat entre époux prévu par l'article 218 du Code civil, qui dispose qu' « un des époux peut donner mandat à l'autre de le représenter dans l'exercice des pouvoirs que le régime matrimonial lui attribue ». Conformément au droit commun, ce mandat pourra être général pour les actes d'administration, mais devra être spécial pour les actes de disposition (article 1988 du Code civil).
Cette permanence du mandat conventionnel au régime primaire impératif tient à ce que, tout en oeuvrant à l'égalité et à l'autonomie des époux, le législateur entend ménager une indispensable flexibilité des règles du régime matrimonial.
Cette faveur de la loi explique l'utilisation croissante du mandat entre époux, lequel revêt diverses formes : du mandat tacite au mandat présumé, mais aussi la reconnaissance d'un mandat apparent, ou de la gestion d'affaires. Le mandat entre époux est un contrat qui obéit en principe au droit commun du mandat, toutefois la loi lui confère évidemment un certain particularisme en matière conjugale, en vue de s'adapter au cadre du mariage.
La mise en place d'un mandat entre époux vise à préserver l'intérêt de la famille en présence de situations particulières de crises conjugales notamment (mésentente entre époux, l'absence du conjoint, l'incapacité, l'impossibilité de manifester son consentement ou encore un manquement d'un époux qui peut mettre en péril la situation de la famille).
Cela justifie ainsi d'avoir recours aux diverses techniques de représentation, comme celle du mandat entre époux, qu'il soit tacite ou apparent, la représentation judiciaire par laquelle le juge va donner pouvoir à un époux de représenter l'autre quand ce dernier est hors d'état de manifester sa volonté, ou encore celle de la gestion d'affaires.
Le mandat est certainement l'outil révélant le mieux la volonté des époux de recourir à la représentation, et ce, dans un esprit de confiance réciproque. Il relève, a priori, de l'organisation par les époux de la représentation.
Tout l'intérêt ici est que si le mandat exprès est peu utilisé par les époux afin d'organiser leur représentation, ces derniers ou leurs créanciers cherchent fréquemment à le voir reconnaître afin de régulariser les actes passés en l'absence de pouvoir.
Le mariage suppose une communauté d'intérêts sur laquelle les époux doivent avoir les moyens d'agir, c'est pour cela que le législateur a voulu adapter le droit commun du mandat à la situation des époux.
Comment le droit des régimes matrimoniaux a-t-il adapté le droit commun du mandat au mandat entre époux ? En d'autres termes, dans quelle mesure le mandat entre époux déroge t-il au mandat de droit commun?
Comme tout contrat, la validité du mandat est soumise au respect de conditions de forme et de fond, et produit des effets juridiques à l'égard des parties. Si le mandat entre époux obéit bien en majorité au droit commun du mandat des articles 1984 et suivants du Code civil (I), toutefois sa particularité liée au milieu conjugal dans lequel il s'exerce amène des dérogations au régime de droit commun (II).
[...] De plus, le mandataire tacite est redevable des fruits qu'il aurait omis de percevoir et de ceux frauduleusement consommés dans la limite de cinq ans. L'exonération n'est plus que partielle. Cette différence de traitement poursuit celle faite entre le mandat exprès et celui tacite. Le premier reflète l'organisation par les époux de leur représentation. Ils sont censés avoir apprécié l'étendue des pouvoirs qu'ils entendent se conférer et donc de la confiance qu'ils s'accordent. Les articles 1431 et 1539 offrent aux époux cette liberté d'organisation. [...]
[...] Pour finir, il convient de rappeler que les références faites dans certaines décisions au mandat apparent suivent le mouvement du droit commun, mais conduisent à dissiper les efforts du législateur pour distinguer les domaines des différents mandats, car ceci a conduit à ce que, le mandat tacite fut parfois reconnu à l'égard des actes de disposition. Le mandat apparent a été consacré par la jurisprudence dans un arrêt d'Assemblée plénière en date du 13 décembre 1962 : le mandant peut être engagé sur le fondement du mandat apparent même en l'absence de faute susceptible de lui être reproché si la croyance du tiers dans l'étendue des pouvoirs est légitime, et que les circonstances autorisaient celui-ci à ne pas vérifier la limite exacte des pouvoirs. [...]
[...] A ce titre, dans un arrêt rendu par la Première Chambre civile en date du 17 mai 1993, la haute juridiction a estimé que la conclusion d'un bail commercial par un époux sur un bien propre de sa conjointe était un acte de disposition excédant les pouvoirs qu'il tenait du mandat tacite de son épouse, et estimé que la Cour d'appel avait déduit à bon droit, compte tenu des circonstances et du silence gardé par l'épouse pendant plus de deux ans qu'elle avait entendu ratifier la location litigieuse Le fait pour le propriétaire en propre d'un bien sur lequel a été passé un acte par son conjoint, excédant les pouvoirs issus d'un mandat tacite, de garder le silence peut valoir ratification de l'acte excessif selon la jurisprudence (Req juin 1872 ; Civ 1e mars 1984) C'est donc en utilisant le droit commun du mandat que l'on a pu détourner la rigueur d'une règle du régime primaire impératif, sans quoi la nullité de l'acte litigieux était encourue. Il apparaît donc que, tant pour le mandat entre époux, que pour le mandat de droit commun, la reconnaissance de son existence relève d'une appréciation manifestement casuistique des circonstances des faits de l'espèce. [...]
[...] La prise en compte du droit commun du mandat pour régir les actes passés entre époux Les règles générales du mandat s'appliquent aux époux Plus précisément, en fonction de la nature de l'acte passé par un époux, ledit acte sera rattaché à l'application des différents mandats dégagés le droit commun ( B). A. L'utilisation des règles du droit commun du mandat entre époux La doctrine considère que pour l'essentiel, les règles de droit commun du mandat s'appliquent aux époux. En effet, l'article 218 du Code civil étant muet quant aux formes et à la preuve du mandat donné par un époux à un autre, il est nécessaire de se référer aux dispositions de droit commun sur le mandat figurant aux articles 1984 et suivants du Code civil. [...]
[...] Il peut aussi être donné verbalement et la preuve du mandat doit être rapportée selon les modes de preuves admis en matière de contrats et d'obligations conventionnelles (articles 1341 et suivants du Code civil). Basé sur l'idée de confiance, la loi favorise le mandat entre époux en ce qu'il permet d'assouplir les relations conjugales. Par ailleurs, quel meilleur cadre de confiance que celui du mariage ? Le mandat entre époux reprend donc en grande partie les dispositions de droit commun sur mandat, à savoir les articles 1984 et suivants du Code civil. Le mandataire doit exécuter sa mission, et ce, de bonne foi. [...]
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