Commentaire d'arrêt de Droit des Sûretés: Cour de cassation, chambre commerciale, 21 février 2006 (5 pages)
Généralement, on ne peut pas mélanger les effets d'une sûreté personne avec ceux d'une sûreté réelle. En effet, chacune dépend de circonstances particulières, de même qu'elles ne vont pas être invoquées pour les mêmes raisons. Le cautionnement, invoqué à l'article 2288 du Code civil, est un contrat en vertu duquel une personne, se portant caution de l'obligation d'autrui, s'engage envers le créancier à payer la dette du débiteur, pour le cas où celui-ci n'y satisferait pas lui-même. Alors que l'hypothèque, invoquée à l'article 2393 du Code civil, est un droit réel sur un immeuble affecté à l'acquittement d'une obligation, plus précisément, une sûreté réelle immobilière constituée sans la dépossession du débiteur, par une convention, la loi ou une décision de justice, et en vertu de laquelle le créancier qui a procédé à l'inscription hypothécaire a la faculté de faire vendre l'immeuble grevé en quelques mains qu'il se trouve et d'être payé par préférence sur le prix. En tout état de cause, l'hypothèque et le cautionnement sont bien deux sûretés distinctes l'une de l'autre. D'un côté, un tiers intervient pour garantir la dette, de l'autre côté, c'est le débiteur qui met un de ses biens en garantie. Néanmoins, il existe des hypothèses où le juge judiciaire va mélanger ces deux sûretés pour en créer une. On parlera alors de cautionnement réel, ou de cautionnement hypothécaire, pour mettre en avant le caractère de l'objet de la garantie. Dans ce cas de figure, la dette sera bel et bien garantie par un bien, sauf que ce dernier appartiendra à un tiers. On retrouve donc l'intervention d'un tiers qui vient garantir la dette du débiteur. Evidement, il ne s'agit pas ici d'un bien fongible, comme le serait une somme d'argent. Il s'agit au contraire d'un bien immeuble. Le tiers en question va posséder un bien
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qui va pouvoir garantir la dette due par le débiteur. Il va alors agir comme une caution. Cependant, cette mixité entre deux sûretés qui n'ont rien à voir l'une avec l'autre, semble difficile dans son application. Lorsqu'un cautionnement classique intervient comme garantie d'une dette, ce dernier entre en jeu qu'à la condition que le débiteur soit qualifié de défaillant. De même que dans ce type de sûreté, le bien est garanti par un bien fongible. En matière d'hypothèque, il s'agit au contraire d'un bien immeuble. On peut alors se demander si le débiteur autant que la caution hypothécaire a engagé chacun de son côté un bien qui lui est propre. En effet, si l'on applique stricto sensus les règles du cautionnement, il deviendrait évident que le débiteur autant que la caution hypothécaire mette en garantie un bien de leurs patrimoines respectifs. Or, si l'on reprend les faits de l'arrêt de la chambre commerciale du 21 février 2006, on observe que seul M. X? a engagé un bien de son patrimoine, dans l'hypothèse où le cautionnement hypothécaire est adopté par le juge. Toutefois, le juge judiciaire rappelle, au sein de l'arrêt, la définition de l'hypothèque en cas d'intervention d'un tiers : « une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers n'implique aucun engagement personnel à satisfaire à l'obligation d'autrui et n'est pas dès lors un cautionnement, lequel ne se présume pas ». Dans le cadre de cette sûreté particulière, le tiers agit comme une caution. Cependant, le juge marque tout de même une frontière entre le cautionnement et l'hypothèque. Généralement, lorsqu'un tiers s'engage en tant que caution, il le fait de manière intéressé. C'est le cas par exemple d'un dirigeant qui va cautionner pour la dette que sa société aura contracté auprès d'un établissement bancaire. Il y a donc un caractère personnel qui entre en jeu. Dans le cas de figure où ce caractère personnel n'entre pas en jeu, malgré l'intervention d'un tiers pour la garantie de la dette, on parlera uniquement d'hypothèque. Très souvent, le juge va s'appuyer sur cette distinction pour qualifier la garantie de cautionnement ou d'hypothèque. De même que l'on observe au fil de la jurisprudence, que le juge balance plus souvent en faveur de l'hypothèque que du cautionnement. Cette balance se comprend très bien du fait de l'intervention du bien. Une sûreté personnelle repose uniquement sur l'intervention d'une tierce personne, ce que l'on ne retrouve pas en matière de sûreté réelle. Toutefois, il existe des hypothèses où le juge est obligé de qualifier la sûreté de cautionnement réel ou de cautionnement hypothécaire. C'est le cas d'espèce présenté dans l'arrêt du 21 février. En effet, le juge constate que « l'engagement de M? était constitutif d'un « cautionnement » réel, ce dont il résulte que ce dernier était tenu en vertu d'un engagement réel et non personnel ». Dans ce cas, on appliquera donc autant les règles du cautionnement par rapport au bien immeuble, mais également les droits attribués au créancier, tels que le droit de préférence ou le droit de suite.
I) L'hypothèque, une sûreté réelle à part entière
II) La fusion possible entre une sûreté réelle et une sûreté personnelle
[...] En d'autres termes, le débiteur est propriétaire du bien hypothéqué. Généralement, les parties contractantes d'un contrat d'hypothèque sont le créancier et le débiteur. Dans le cadre de l'hypothèque, c'est au débiteur d'apporter sa propre garantie. C'est luimême qui va fournir au créancier une sûreté réelle de la dette. Dans cette hypothèse, on ne rencontre aucune difficulté apparente. Lors de la constitution de l'acte notarié, les parties contractantes, le créancier et le débiteur, vont indiquer clairement le montant de la dette, le bien hypothéqué avec sa nature et sa valeur. [...]
[...] Toutefois, il arrive que la frontière entre sûretés personnelles et sûretés réelles. Par acte notarié du 21 mai 1990, le Crédit foncier de France a consenti à la société Louis X une ouverture de crédit, garantie par le cautionnement solidaire et hypothécaire de M. X. Or la banque signifie à M.X un commandement aux fins de saisie immobilière du bien affecté en sûreté du remboursement du prêt. M. X assigne alors la banque en soutenant le fait qu'elle n'apporte pas la preuve de son engagement de caution hypothécaire ou personnel En l'espèce, le juge judiciaire doit se prononcer sur la nature de la sûreté apportée par M. [...]
[...] C'est dans ces situations que tout se complique. La qualification de la sûreté ne devient pas évidente. Certes, il existe bien un bien hypothéqué, mais en même temps, il y a l'intervention d'un tiers. Normalement, ce genre d'intervention d'un tiers n'est connu que pour des sûretés personnelles. C'est donc au juge de trancher En matière de sûreté, il arrive que le juge ne puisse pas faire autrement que de combiner deux sûretés. Le plus souvent, il s'agit du cautionnement, sûreté personnelle, et de l'hypothèque, sûreté réelle. [...]
[...] Dans l'arrêt de la chambre commerciale du 21 février, le juge judiciaire reprend une formulation consacrée antérieurement. En effet, plusieurs arrêts en font déjà mention, tel que l'arrêt de la première chambre civile du 7 février 2006, ou encore l'arrêt du 15 février 2006 rendu par la troisième chambre civile. Mais ce n'est pas la une jurisprudence isolée, car récemment, elle a été reprise par l'arrêt de la première chambre civile du 5 novembre 2009. Tous ces arrêts consacrent donc le fait qu' une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers n'implique aucun engagement personnel à satisfaire à l'obligation d'autrui et n'est pas dés lors un cautionnement, lequel ne se présume pas A contrario, tout engagement personnel d'un tiers entraine donc un cautionnement. [...]
[...] Ce dernier pourra donc être simple ou solidaire, civil ou commercial. En cas de cautionnement solidaire, la caution ne dispose pas des bénéfices de division et de discussion. M. X sera alors tenu de payer l'intégralité de la dette. Toutefois, il faut ajouter à ces règles celle de l'hypothèque. En effet, le tiers ne mettra pas en garantie un bien fongible, telle qu'une somme d'argent, mais un bien immeuble ou un droit réel immobilier en garantie. Il faut donc que ce bien remplisse les conditions citées précédemment. [...]
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