clause de réserve de propriété, garantie, protection du vendeur, protection contre l'insolvabilité, 1583, transfert de propriété
Selon Philippe MALAURIE, Laurent AYNES et Pierre-Yves GAUTIER, « il faut du temps afin que le vendeur soit désinvesti de sa propriété et que réciproquement l'acheteur en soit investi » . Si ces propos heurtent de plein fouet le principe du transfert solo consensu, c'est-à-dire le principe selon lequel le transfert de propriété est immédiat et ce, dés l'échange des consentements des parties contractantes ; il n'en demeure pas moins qu'effectivement les ventes, où le transfert de propriété est retardé, sont considérables.
Selon ces mêmes auteurs, le transfert de propriété n'est pas, au regard des dispositions du Code civil, une obligation pesant sur le vendeur, puisqu'il s'accomplit par le seul effet du contrat. En tout cas, si en vertu de l'article 1583 du Code civil, le principe de base est l'instantanéité du transfert de propriété, diverses clauses permettent de différer le transfert : tel est le cas de la vente à terme ainsi que de la clause de réserve de propriété. En effet, parce que la règle de l'immédiateté du transfert de propriété n'est pas d'ordre public, les parties peuvent donc y déroger. Si la clause de réserve de propriété est une clause par laquelle un vendeur stipule que la propriété de la chose ne sera acquise à l'acheteur que lorsque l'acheteur aura acquitté le prix en son entier, c'est la loi du 12 mai 1980 qui l'a rendu efficace en cas de procédure collective de l'acheteur. Cette loi a, en effet, permis, dans l'hypothèse où une clause de réserve de propriété avait été stipulée, que le vendeur en tant que propriétaire puisse revendiquer le meuble vendu dont il a conservé la propriété. Ainsi, le législateur à travers la loi du 10 juin 1994 a-t-il voulu améliorer le « sort des créanciers propriétaires » qui ont été considérés comme les « grands gagnants » de cette réforme.
Mais, les règles relatives à la clause de réserve de propriété sont si favorables aux vendeurs qu'en pratique ces derniers vont user, autant que possible, de la faculté de retarder le transfert de propriété dans les ventes qu'ils contractent. En somme, l'utilisation est si importante que certains se sont même interrogés sur l'éventuelle émergence d'un usage .
Or, l'utilisation massive de la clause de réserve de propriété au coeur de la pratique contractuelle ne serait elle pas un motif suffisant pour solliciter une réforme de l'article 1583 du Code civil voire pour évincer le principe même de l'immédiateté du transfert de propriété et ce, au profit de l'application, certes complexe, de la clause de réserve de propriété ?
L'intérêt de cette question est d'autant plus important que la question de la généralisation du transfert différé a déjà été proposée au début des années 1970 par MM Million et Couste, deux députés en vue de protéger les vendeurs. Mais, parce que la généralisation du transfert différé aurait entraîné des bouleversements relativement importants, les deux députés abandonnèrent ce projet qui ne donna, par ailleurs, même pas lieu à une discussion parlementaire .
Or, parce que la clause de réserve de propriété fait l'objet d'une utilisation massive et quasi systématique (I), il n'est pas improbable que la question de la généralisation ressurgisse. Il convient néanmoins de savoir si opérer une telle généralisation serait pertinente ou non (II).
[...] Pour l'acheteur, cela constitue un risque sur un bien dont il n'est pas encore nécessairement propriétaire. En différant simplement le transfert de propriété (mais sans l'annuler ; en effet, l'annulation du transfert rendrait le paiement du prix totalement dépourvu de cause), la clause de réserve de propriété solutionne les inconvénients liés à l'instantanéité du transfert de propriété Effets pratiques contre la défaillance du débiteur L'article 2371 du Code civil dispose qu'« à défaut de complet paiement à l'échéance, le créancier peut demander la restitution du bien afin de recouvrer le droit d'en disposer Ce qui signifie que la réserve de propriété pourra s'exercer sous la forme d'une dation en paiement, le créancier recevant alors non pas la propriété du bien, qu'il a déjà par définition, mais le droit de disposer de celui-ci, droit dont il s'était dépouillé en s'engageant à transférer la propriété du bien à son débiteur Cette solution a été consacrée par l'ordonnance du 23 mars 2006. [...]
[...] Parce que le vendeur conserve la chose tant que le prix n'est pas payé, les créanciers de l'acheteur ne peuvent nullement saisir le bien. Ainsi, pour tenter d'établir un équilibre entre les intérêts en présence, la loi du 25 janvier 1985 ouvre au vendeur la revendication mais dans des conditions étroites En outre, la clause de réserve de propriété n'est opposable aux créanciers de l'acheteur que si elle obéit à certaines conditions de forme et à condition d'être invoquée par une revendication suivant les formes de la procédure collective Dans le même sens, l'une des propositions de la Commission Grimaldi consistait à admettre effectivement l'opposabilité de la réserve de propriété, c'est-à-dire à soumettre la validité de la clause à une formalité de publicité obligatoire. [...]
[...] En effet, une très grande majorité des ventes, dont le transfert de propriété est différé, appliquent la clause de réserve de propriété en raison de particularismes. En conséquence, si l'application de la réserve de propriété est extrêmement importante en raison du caractère particulier de certaines ventes, une généralisation serait inopportune car ne permettrait en aucun cas de laisser le choix aux parties contractantes. L'avantage de notre système réside en ce qu'il est extrêmement souple et permet ainsi de laisser libre cours à la volonté des parties L'utilisation massive de la réserve de propriété du fait de la particularité de certaines ventes Ces particularismes peuvent être liés à l'objet vendu : tel est le cas pour les choses de genre ou les choses futures. [...]
[...] Or, parce que la clause de réserve de propriété fait l'objet d'une utilisation massive et quasi systématique il n'est pas improbable que la question de la généralisation ressurgisse. Il convient néanmoins de savoir si opérer une telle généralisation serait pertinente ou non (II). L'application quasi-systématique de la clause de réserve de propriété : témoignage de son utilité manifeste L'article 1583 du Code civil dispose que la vente est parfaite entre les parties et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dés qu'on est convenu de la chose et du prix, quoi que la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé Si cet article répond parfaitement au principe selon lequel le transfert de propriété est immédiat et instantané en droit français, la clause de réserve de propriété constitue en fait une atteinte principale à l'article 1583 du Code civil. [...]
[...] Mais, les règles relatives à la clause de réserve de propriété sont si favorables aux vendeurs qu'en pratique ces derniers vont user, autant que possible, de la faculté de retarder le transfert de propriété dans les ventes qu'ils contractent. En somme, l'utilisation est si importante que certains se sont même interrogés sur l'éventuelle émergence d'un usage[3]. Or, l'utilisation massive de la clause de réserve de propriété au cœur de la pratique contractuelle ne serait elle pas un motif suffisant pour solliciter une réforme de l'article 1583 du Code civil voire pour évincer le principe même de l'immédiateté du transfert de propriété et ce, au profit de l'application, certes complexe, de la clause de réserve de propriété ? [...]
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