« Votre sexe n'est là que pour la dépendance, du côté de la barbe est la toute puissance » disait Molière dans « L'école des femmes » en 1663. Ces deux vers ont le mérite, en faisant couler un minimum d'encre, de décrire la position qu'occupait la femme dans la société et dans le ménage jusqu'à très récemment. Cela peut apparaitre étonnant, tant des siècles semblent nous séparer de cet auteur et de cette illustre citation, mais telle est la vérité, aussi embarrassante soit-elle.
L'évolution du statut de la femme dans le ménage s'est faite progressivement. D'une quête de respect, la femme est passée à un véritable appel au partage de l'autorité sur les destinées de la famille. Aujourd'hui, si l'égalité juridique entre l'homme et la femme est loin d'être encore totalement achevée, elle l'est en revanche en droit des régimes matrimoniaux, qui a participé considérablement à ce besoin d'émancipation de l'épouse sous la poussée de l'évolution des mœurs.
C'est en ce sens que la deuxième moitié du XXe siècle vit un vent de libéralisation et d'autonomie souffler sur les règles du régime primaire. Ce combat s'est avant tout traduit par la reconnaissance de la capacité juridique de la femme en 1938. Seulement, cet acquis restait vain tant que l'inégalité dans les pouvoirs persistait, ce tout particulièrement sous les régimes communautaires, puisqu'il demeurait un obstacle, non des moindres, à l'exercice des droits de l'épouse : celle du mari, gestionnaire unique de la communauté. Dès lors, c'est en 1942, 1965 et 1985, le législateur a, par touches successives, entendu amplifier ce mouvement d'autonomie et de liberté. Outre des obstacles juridiques tenant à la mauvaise rédaction des textes, des obstacles d'ordre sociologique, particulièrement marqués dans le monde bancaire et des changes essentiellement masculin, amenaient à faire intervenir en pratique le mari face à des épouses soucieuses de jouir des libertés de principe que leur reconnaissait la loi, par exemple celle d'ouvrir un compte en banque sur sa seule signature en son nom propre, notamment lorsqu'il s'agissait de le provisionner. Il était en effet difficile de distinguer les deniers propres ou personnels, communs, réservés ou pas.
[...] Cet acte apparait comme exceptionnel. Sont également exclus les meubles qui sont de nature à faire présumer par leur nature leur appartenance au conjoint conformément à l'article 1404 (lingerie personnelle, habits d'un époux vendu par l'autre de sexe différent), mais également les meubles corporels garnissant logement de famille, ou encore les biens meubles corporels soumis à immatriculation. Rappelons ici que la vente d'un véhicule à moteur terrestre relève du domaine de la présomption, dans la mesure où l'immatriculation ne présente qu'un caractère administratif. [...]
[...] Parallèlement, la question de l'applicabilité de la présomption de pouvoir tirer de l'article 222 aux relations entre époux a trouvé à se poser au lendemain de la réforme de 1965. Néanmoins, l'accès de la femme à la gestion concurrente de la communauté tirée de la loi du 13 juillet 1985, a tout comme en matière de bancaire, réduit l'ampleur du débat à peau de chagrin. L'intérêt de la présomption demeure dans le cas où un époux passe un acte ayant pour objet le bien propre à son conjoint. [...]
[...] Si celle-ci est prouvée, elle pourra déboucher sur l'engagement de sa responsabilité et à la nullité de l'acte, à condition d'exercer dans un délai de cinq ans à compter de l'acte. Là encore, une action intentée directement à l'encontre de l'époux qui a dépassé ses pouvoirs est envisageable. En conséquence de quoi, la présomption de l'article 222 apparait moins énergique que celle de l'article 221 compte tenu du fait qu'elle n'a vocation à jouer son rôle que si le tiers est de bonne foi. Reconnue par la loi du 22 septembre 1942, mais auparavant assise sur la capacité juridique de la femme. [...]
[...] Réciproquement, en cas d'époux séparés de biens, la présomption mobilière permet d'évincer la présomption d'indivision de l'article 1538 du Code civil. Ainsi, il convient à ce stade de se demander s'il est encore nécessaire de maintenir ces présomptions alors que chacun des époux dispose dorénavant d'un pouvoir autonome sur les meubles, des fonds, titres et un pouvoir exclusif sur les biens propres ? Répondre catégoriquement par la négative conduirait à brosser un portrait excessif de la situation. Preuve en est puisque ces présomptions ont conservé certains particularismes qui font d'elles des dispositions partiellement pertinentes. [...]
[...] Concernant la présomption de pouvoir en matière mobilière, l'approche est toute autre. L'efficacité de la présomption est en effet subordonnée de la bonne foi du tiers cocontractant au terme de l'article 222 du Code civil, notion totalement étrangère à la présomption bancaire. Il doit en ce sens avoir légitimement cru dans la réalité du pouvoir de l'époux qui se présente seul. Dans ce cadre, la bonne foi étant présumée, il incombe alors au conjoint de l'époux détenteur de rapporter la preuve de la mauvaise foi du tiers. [...]
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