Discours préliminaire, Livre préliminaire
Le texte que nous avons à étudier est extrait du Discours préliminaire de Portalis, et porte sur l‘un des sujets sensibles du Code Civil, à savoir la place du juge par rapport à la loi, c'est-à-dire l‘interprétation de la loi par le juge. Le Discours préliminaire est, en quelque sorte, l'exposé des motifs du projet de Code civil rédigé par la commission gouvernementale de quatre membres entre août 1800 et janvier 1801.Ce texte reprend notamment une partie importante des anciens écrits de Portalis.
Le Discours préliminaire de Portalis est au départ un livre à part entière : le Livre préliminaire, seulement, en raison de sa longueur il disparait du Code Civil et ne devient « que » le discours préliminaire. Cependant ce discours demeure le plus grand chef-d‘œuvre de Portalis, au même niveau avec le Code Civil auquel il a participé. En effet, Portalis est l‘un des quatre rédacteurs choisis par Bonaparte pour rédiger le Code Civil. Jean Étienne Marie Portalis (1746 - 1807), homme du sud (spécialiste du droit romain), ancien avocat à Aix, député de la Seine et du Var, commissaire du gouvernement. Tenu pour royaliste en vertu de ses convictions (on le dit monarchiste constitutionnel modéré), il se tiendra à l‘écart des mouvements révolutionnaires, ce qui jouera notamment en sa faveur dans le choix de Napoléon des rédacteurs du Code Civil. Bonaparte qui le considère comme « l‘orateur le plus éloquent et le plus fleuri, s‘il savait s‘arrêter ». Portalis est donc l‘un des juristes les plus brillants de son époque, et est considéré par certains comme le « père du Code Civil ». Le discours est prononcé lors de la présentation du projet de la commission du gouvernement, le 1er pluviôse an IX (21 janvier 1801).
Dès sa promulgation le Code Civil était apparu comme une véritable réussite, et de l‘avis même de ses commentateurs, à peine fut-il terminé qu‘on eu l‘impression d‘avoir écrit un code pour toujours. Le Code, en effet, semblait porteur d‘une telle perfection qu‘on le croyait immuable. Cependant, les rédacteurs, plus à même que quiconque de connaitre la valeur de leur ouvrage, savent qu‘un risque très grand d‘immobilisme résulte de la codification du droit civil, de même qu‘ils sont conscients qu‘un code « ne peut tout prévoir ». C‘est pourquoi ils se sont efforcés de trouver une solution au risque de voir le Code se figer, et cette solution fut trouvée dans la possibilité pour les juges d‘interpréter la loi. Solution confiant aux juges le soin de veiller à ce que la loi ait toujours un sens.
L‘intérêt du texte semble donc clairement résider dans de le fait de comprendre quelles sont exactement les raisons selon les rédacteurs du Code Civil de confier aux juges le pouvoir d‘interpréter les lois, et dans quelle mesure cette interprétation est possible.
C‘est pourquoi nous verrons dans un premier temps l‘interprétation nécessaire et impérative par le juge d‘un code figé (I), puis dans un second temps que le rôle d‘interprétation pour le juge reste cependant encadré (II).
[...] L'interprétation du Code Civil par le juge est la résultante pour Portalis de deux éléments. Tout d'abord, parce que le rythme imposé par les hommes, qui entraine en permanence des changements, ne peut pas être suivi par le Code Ensuite, parce que le rôle et la relation de la loi et des juges ne sont pas incompatibles, au contraire A. Une rythme imposé par les hommes que le Code ne peut suivre. « Un code, quelque complet qu'il puisse paraitre, n'est pas plutôt achevé, que mille questions inattendues viennent s'offrir au magistrat ». [...]
[...] Or, si jamais aucun problème ne s'est porté sur ce sujet c'est que, selon Portalis, ce la relève du droit naturel. Le droit naturel étant un principe hérité de la Révolution, les révolutionnaires croyant profondément à un droit de la nature. Le juge ne doit jamais se trouver dans l'arbitraire, et le droit naturel est rattaché à l'homme indépendamment de l'époque, de la société. C'est un ensemble de principes qui seraient communs à tous les hommes, indépendamment de la législation sous laquelle ils vivent (distinction entre la législation naturelle et civile). [...]
[...] Rôle et relation de la loi et des juges. « L'office de la loi est de fixer, par de grandes vues, les maximes générales du droit ; d'établir des principes féconds en conséquences, et non de descendre dans le détail des questions sur chaque matière ». En 1804 le législateur refuse le recours à la casuistique, non parce qu'il n'en est pas capable mais parce que cela ne correspond pas à l'idée qu'il se fait de la loi. La première raison du refus de la casuistique est que ce n'est pas une méthode qui convient à la codification, méthode qui se serait intéressée à chaque cas particulier, ce qui aurait donné un code beaucoup trop long et inutilisable. [...]
[...] La loi est un acte de souveraineté, le jugement est un acte de juridiction, et en aucun cas on ne pourrait confondre interprétation et législation, car l'interprétation ne peut en aucune manière être considérée comme une interprétation du pouvoir législateur. Dans l'esprit des codificateurs les fonctions législative et judiciaire donc séparées mais complémentaires, il n'y a pas de confusion possible. [...]
[...] En effet, Portalis veut il dire que les codificateurs agissent pas dépit ? Serait-ce là un constat d'échec, d'impuissance face au rythme imposé par les hommes ? Peut-être nous faut-il nous replacer dans le contexte. Au moment de la présentation, et même une fois le Code publié, beaucoup le prendront comme un code parfait, où le juge n'aurait plus qu'à appliquer les textes contenus dans ce code, vision très proche de l'ultra légalisme révolutionnaire sur lequel nous reviendrons plus tard. [...]
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