Cour de cassation, deuxième chambre civile, 28 mars 2002, acceptation, risques, garde en commun
En l'espèce, une mineure participant à un jeu collectif improvisé est blessée par une balle projetée par un participant au moyen d'une raquette.
L'administrateur légal des biens de la mineure interjette appel. La Cour d'appel rejette l'action en réparation, retenant, d'une part, que l'usage commun de la balle de tennis, considérée comme l'instrument du dommage, n'autorisait pas à réclamer réparation sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1er du Code civil et, d'autre part, que par sa participation, la mineure avait accepté les risques inhérents au jeu et que ce comportement excluait l'application à son profit de cet article.
Un pourvoi en cassation est formé.
[...] On peut alors s'interroger sur le point de savoir si la Cour de cassation n'opère pas un rapprochement vers la responsabilité du fait personnel, en considérant comme objet du dommage la chose actionnée par l'homme et non celle entrée en contact avec la victime. La conséquence logique : l'identification de l'auteur unique du dommage Le détenteur de la raquette en était bien le seul gardien, contrairement à la balle pour laquelle la Cour d'appel retient justement que l'usage était commun. La Cour de cassation retient que celui-ci en avait « l'usage, la direction et le contrôle », critères retenus depuis l'arrêt Franck de 1941. La Cour de cassation fait donc intervenir une chose individuellement gardée. [...]
[...] Or en requalifiant la nature de l'instrument du dommage, la raquette, elle écarte la garde en commun puisque son détenteur en avait l'usage, la direction et le contrôle, contrairement à la balle sur laquelle l'ensemble des joueurs exerçaient des pouvoirs identiques. Il n'était pas possible de retenir la responsabilité d'un des participants en prenant pour instrument du dommage la balle, car la garde est alternative et non cumulative. La Haute juridiction opère ainsi une restriction de l'application de la notion de garde en commun. [...]
[...] En excluant l'acceptation des risques car l'activité prenait place hors compétition, la Cour de cassation renoue avec une position antérieure, qui s'était vue tempérée par un arrêt de la deuxième chambre civile en date du 13 novembre 1981 où la Cour de cassation avait opposé l'acceptation des risques à des mineurs victimes d'un accident de luge en dehors de toute compétition. La théorie de l'acceptation des risques est cependant loin d'emporter la conviction de la doctrine, comme M. le Professeur F. Chabas qui voit dans le renoncement à l'application de 1384, alinéa 1er par l'acceptation des risques un dangereux rapprochement avec l'accréditation d'une « convention d'irresponsabilité ». [...]
[...] Le fait actif est ainsi présumé à une double condition : il faut que la chose ait été en mouvement et qu'elle soit entrée en contact avec le siège du dommage Dans le cas où la chose est en mouvement mais n'est pas entrés en contact avec le siège du dommage, la présomption de joue plus et le demandeur devra prouver en plus le fait actif de la chose. L'absence de contact ne fait pas en soi obstacle à la mise en évidence d'un rôle causal de la raquette, en revanche la présomption du fait actif ne joue plus. Or la Cour de cassation ne fait aucune référence à cette exigence de preuve d'un fait actif. [...]
[...] Cette condition semble contestable car qu'elle que soit la pratique du sport, la compétition ou le loisir, le sportif est confronté à des risques similaires et le désir de gagner existe même en dehors de la compétition sportive. On peut donc s'interroger sur la pertinence de la distinction entre les sports exercés en compétition et les autres hypothèses d'exercice de ce sport. Le risque est de réduire la notion d'acceptation des risques à une casuistique difficilement prévisible. L'existence de règles sportives permet toutefois de mesurer la normalité du risque pris, le risque étant considéré comme normal s'il se situe dans les règles du jeu. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture