Commentaire de l'arrêt : Cassation Ass. 7 mai 2004 - le droit à l'image d'un bien : 5 pages
Le propriétaire d'une chose ne dispose pas d'un droit exclusif sur l'image de celle-ci;il peut toutefois s'opposer à l'utilisation de cette image par un tiers lorsqu'elle lui cause un trouble anormal, ce que nous rappelle la cour de cassation dans cet arrêt rendu le 7 mai 2004. Pour promouvoir la construction d'un immeuble, la société SCIR Normandie a lancé un projet publicitaire. Ce dernier comprend en plus des informations particulièrement élogieuses sur le projet immobilier, la reproduction de la façade d'un immeuble Rouannais classé monument historique, l'hôtel de Girancourt. Or, la société SCP hôtel de Girancourt, propriétaire de cet immeuble, s'estime lésée faute d'avoir donné l'autorisation de la publication de l'image. Ainsi, la société intente une action en justice afin d'obtenir réparation du préjudice qu'elle prétend avoir subi suite à l'utilisation de l'image litigieuse.
I ? la consécration d'un revirement jurisprudentiel : la remise en cause du caractère exclusif du droit de propriété
II ? Un revirement jurisprudentiel troublant : la caractérisation d'un «trouble anormal » comme protection du propriétaire
[...] Il convient ici de mettre en évidence que le trouble n'est pas un préjudice, ne faisant que l'engendrer. Dès lors, libéré du fondement de l'article 544 du Code civil, la Haute juridiction évoque une sorte de responsabilité objective ou quasi responsabilité dont la finalité serait de réparer les dommages excessifs causés au propriétaire. Néanmoins, il s'agit d'un obstacle important dans le sens où c'est le standard juridique de l'anormalité qui guidera le succès ou l'échec de son action. Or dans la présente espèce, l'Assemblée plénière a considéré qu'il ne résultait pas des énonciations de la décision rendue par la Cour d'appel de Rouen qu'un trouble anormal aurait été causé par la reproduction de la façade de l'hôtel de Girancourt alors même que les juges du fonds avaient admis que l'exploitation de cette image avait été réalisée avec des visées lucratives C'est pourquoi, cette décision témoigne de la difficulté pour les particuliers de savoir s'ils obtiendront l'aval de la cassation pour leur requête ou pas à cause de la notion de trouble anormal qui n'est pas caractérisé en cas de concurrence sur l'image de son propre bien par les tiers. [...]
[...] La Cour de cassation, réunie en Assemblée plénière, a rendu un arrêt de principe le 7 mai 2004 sur le fondement de l'article 544 du Code civil. Les juges de la Haute juridiction confirment les motifs de la Cour d'appel venant par là même les approfondir en énonçant que le propriétaire d'une chose ne dispose pas d'un droit exclusif sur l'image de celle-ci tout en précisant que celui-ci peut toutefois s'opposer à l'utilisation de cette image par un tiers lorsqu'elle lui cause un trouble anormal Les juges de cassation ajoutent, de plus que, le trouble anormal n'est pas établi et rejettent ainsi expressément le pourvoi. [...]
[...] En effet, les juges de la Haute juridiction considèrent que le propriétaire n'a plus un droit exclusif sur l'image de son bien. Autrement dit, il ne dispose plus de ce monopole qui lui permettait de contrôler toute utilisation de l'image de son bien et par conséquent, s'il peut l'exploiter, il n'est pas le seul à pouvoir le faire. En outre, l'image devient un bien collectif dès lors qu'elle est accessible à la vue de tous, un tiers pouvant utiliser librement cette image en l'absence d'un trouble anormal. [...]
[...] Le monde de l'illustration s'était alors ému de cette décision excessive au périmètre mal défini, contestation quelque peu calmée par la jurisprudence postérieure. En effet, depuis cet arrêt majeur, les juges de la haute juridiction n'ont eu de cesse d'exercer un recul par rapport à la protection du droit de propriété. Ainsi, la première chambre civile dans un arrêt du 2 mai 2001 a remis en cause partiellement sa jurisprudence antérieure en précisant que si l'exploitation de l'image d'un bien est susceptible de porter atteinte au droit d'usage ou de jouissance du propriétaire c'est à la condition qu'un trouble certain soit caractérisé. [...]
[...] II Un revirement jurisprudentiel troublant : la caractérisation d'un «trouble anormal comme protection du propriétaire Alors même qu'il est censé ne plus être investi de pouvoir à l'égard d'une partie de son bien qu'est l'image de celui-ci, le propriétaire d'une chose corporelle se voit doté de la possibilité de s'opposer aux utilisations de cette image qui lui causeraient un trouble anormal Bien que cet ajout jurisprudentiel soit lui-même troublant, cette interprétation audacieuse de l'article 544 du Code civil par la Cour de cassation n'en demeure pas moins un exemple dans le domaine de justice et d'équité Le début d'une quasi responsabilité de l'image d'un bien pour trouble anormal Si le propriétaire d'un bien ne peut plus s'opposer à l'utilisation de son image par les tiers, la Cour ne le laisse pas pour autant démuni contre les atteintes qui seraient de nature à lui causer un préjudice en tant qu'il conserve la possibilité de s'y opposer dans certains cas. Effectivement, selon la décision tempérée de l'Assemblée plénière, si le propriétaire parvient à prouver que cette utilisation lui cause un trouble anormal il pourra demander à interdire l'utilisation de l'image de son bien par le tiers. [...]
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