Les articles 14 et 15 du Code civil instaurent un privilège de juridiction fondé sur la nationalité française du plaideur, indépendamment de sa position procédurale. En disposant que “L'étranger, même non-résident en France, pourra être cité devant les tribunaux français, pour l'exécution des obligations par lui contractées en France avec un Français ; il pourra être traduit devant les tribunaux de France, pour les obligations par lui contractées en pays étranger envers des Français”, l'article 14 du Code civil donne compétence aux tribunaux français lorsqu'un français est demandeur.
Par ailleurs, l'article 15 donne compétence aux Tribunaux français lorsqu'un français est défendeur en énonçant “qu'un Français pourra être traduit devant un tribunal de France, pour des obligations par lui contractées en pays étranger, même avec un étranger.” Par conséquent, demandeur ou défendeur, le ressortissant français peut réclamer le bénéfice d'un for français, même en l'absence de tout autre lien entre la situation litigieuse et la France qui aurait de nature à fonder sa compétence ordinaire.
[...] Ainsi, quelle est l'influence actuelle des articles 14 et 15 du Code civil relatif aux privilèges de juridiction dans l'instance directe ? Dans une première partie, il faudra analyser les articles 14 et 15 du Code civil comme des outils pertinents pour la résolution des conflits internationaux Puis dans une deuxième partie, il sera opportun d'envisager ces articles comme des notions décriées. Les articles 14 et 15 du Code civil : des outils pertinents pour la résolution des conflits internationaux D'une part, le champ d'application global des privilèges de juridiction sera énoncé D'autre part, nous verrons que la subsidiarité des articles 14 et 15 du Code civil tempère leur rigueur La portée générale des privilèges de juridiction - Après une longue évolution (voir intro), les articles 14 et 15 attribuent compétence aux Tribunaux français en raison de la seule qualité de Français du demandeur ou du défendeur et sans considération de la matière (arrêt Weiss). [...]
[...] Cet exercice de souveraineté n'est pas typiquement français. En effet, on retrouve les mêmes articles dans le Code civil luxembourgeois, belge ou encore dans le CPC algérien. Aujourd'hui la liste des fors exorbitants montre que les privilèges de juridiction existent dans de nombreux États. Les privilèges de juridiction ont toujours eu une place importante. Toutefois, la compétence la plus exorbitante est celle qui, dans la tradition de common law, se fonde sur la seule présence du défendeur sur le territoire du for. [...]
[...] Les textes existent donc toujours malgré des opinions dissidentes. - Effervescence actuelle autour de l'article 14. - Débats virulents concernant la conservation des articles 14 et 15 du Code civil : - Vision internationaliste du contentieux privé international : les règles de compétence auraient pour fonction de réguler les flux judiciaires selon des critères universellement admis ou critères objectifs et raisonnables. Volonté de régler les litiges dans le cadre du procès équitable et de la coopération judiciaire internationale. - Vision plus pragmatique : souhaite maintenir des techniques protectionnistes pour éviter un “désarmement unilatéral” des plaideurs français. [...]
[...] À défaut : application des articles 14 et 15 (de manière subsidiaire). - Les articles 14 et 15 du Code civil sont applicables que lorsqu'aucun critère ordinaire de compétence territoriale n'est réalisé en France. - Caractère supplétif : depuis un arrêt Civ mai 1999, les articles 14 et 15 ne sont pas d'ordre public et le juge n'est pas tenu de les appliquer d'office. Ils peuvent être écartés par les parties à travers la renonciation au privilège de juridiction. Cette renonciation doit être expresse. [...]
[...] - Les articles 14 et 15 au service des intérêts étatiques. - Certains auteurs parlent d'abrogation pure et simple de ces articles. Selon eux, il s'agit d'une inadmissible manifestation de nationalisme conduisant à systématiquement privilégier les Français. - Souveraineté justifiée ou non selon la matière : Lien entre nationalité et droit des personnes - la compétence française est justifiée en raison de la composante culturelle très forte dans cette matière. Comment condamner l'usage de la nationalité comme critère de compétence juridictionnelle en matière personnelle ou familiale, lorsque ce critère est consacré par l'UE ? [...]
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