Commentaire de l'article 220 du code civil (solidarité pour dettes ménagères), en droit de la famille, droit des successions
L'article 220 vise la protection du conjoint non contractant en présence de deux types d'actes : les achats à tempérament, et les emprunts (sauf exception), actes dangereux par principe car leurs effets ne se font pas directement et immédiatement ressentir. L'article 220 alinéa 3 instaure ainsi une protection spéciale du conjoint en raison de l'objet, de la nature de l'acte, considéré par le législateur comme dangereux. Si la définition de l'emprunt ne pose pas de problème, celle de l'achat à tempérament est nettement plus problématique parce que non définie par le code civil et uniquement qualifiée par la doctrine. La question de la définition de l'achat à tempérament et plus généralement la question de la distinction entre cet acte et l'emprunt a été renouvelée récemment avec l'apparition et la généralisation des achats à crédit qui peuvent s'inscrire dans l'une ou l'autre des notions.
I - La distinction entre les achats à tempérament et les emprunts
II - La portée de la distinction entre les deux exceptions
[...] Pour autant la distinction conserve une portée importante sur le régime de l'emprunt, qui s'il constitue une exception se heurte lui même à certaine limite A - Régime commun : l'exclusion de la solidarité Le principal effet de l'alinéa 3 est d'être une exception à l'alinéa 1 auquel il est intrinsèquement rattaché puisque l'alinéa 3 commence par Elle n'a pas lieu (non plus) La troisième personne du singulier vise ici la solidarité (terme utilisé dans l'alinéa à laquelle sont tenus les conjoints pour toute dette contractée pour l'entretien du ménage ou l'éducation des enfants Au sein de ces dettes, lorsque la qualification de l'une des notions de l'alinéa 3 pourra être relevée (achat à tempérament / emprunt), les créanciers ne pourront poursuivre que l'époux contractant. Le principal effet de l'alinéa 3 est en effet de réduire le droit de gage des créanciers des époux. Le patrimoine propre ou personnel de l'époux non contractant ne pourra ainsi être atteint par les créanciers. Cependant celui ci conserve son droit de gage sur le patrimoine propre ou personnel du contractant et sur le patrimoine commun lorsque celui ci existe. [...]
[...] Dès lors que les deux époux ont consentis à l'acte, même si un seul s'engage dans celui ci, la solidarité est susceptible de s'appliquer. A ce titre les banques, vendeurs qui souhaiteraient pouvoir poursuivre chacun des époux pourront demander le consentement de l'autre époux, voir demander la signature des deux époux au même acte (auquel cas, le droit commun de la solidarité s'appliquera). Le corollaire de cette limitation du droit de gage des créanciers est la protection de l'époux non consentant face à des actes qui par nature sont dangereux. [...]
[...] On relève en effet que l'alinéa 3 a introduit une exception pour les ventes à tempéraments en 1965, sans qu'à cette époque il ne soit question des emprunts. Ce n'est qu'en 1985 que l'exception relative à l'emprunt fut introduite, suite à une jurisprudence de la cour de cassation consacrant la solidarité pour des emprunts modestes, jurisprudence contestée par certains qui considéraient que la finalité de l'emprunt (obtenir des fonds) n'était pas l'entretien du ménage. Pour trancher cette question, poser le principe de l'absence de solidarité en cas d'emprunt mais admettre l'exception posée par la jurisprudence, le législateur a modifié l'alinéa 3. [...]
[...] Une telle démarche, consumériste, s'oppose certes à la réalité théorique du mécanisme juridique, mais elle permet de contourner un maquillage grossièrement opéré au détriment de la protection des acquéreurs. La jurisprudence cependant n'est absolument pas tranchée sur cette question. Elle n'a jusqu'à présent pas eu à se prononcer directement sur la question, même si celle ci a pu donner lieu à quelques arrêts. Plus particulièrement deux arrêts méritent notre attention. Dans le premier, rendu par la première chambre civile le 12 juillet 1994 (n°252 ; d96p.118), la cour de cassation rejetait un pourvoi formé contre un jugement qualifiant un achat à crédit de vente à tempérament. [...]
[...] Plus qu'indolore, l'emprunt est satisfaisant A ce titre il faut en protéger les personnes qui pourrait y avoir trop recours. Si cette protection se fait dans le cadre du droit de la consommation, elle ne concerne pas, par hypothèse le conjoint non contractant. Il serait injuste qu'un tel acte puisse l'engager de manière aussi importante que le fait la solidarité, sans qu'il y ait consenti. L'achat à tempérament relève du même soucis de protection, qui a animé de manière considérable le législateur de 65, si critique à l'égard de l'achat à tempérament qu'il a voulu en soumettre la validité au double consentement des époux. [...]
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