Sûretés immobilières-hypothèque de biens futurs-promesses d'hypothèque
En matière d'hypothèque, le constituant ne doit pas « manger son blé en herbe ». Cette célèbre formule justifie que, jusqu'à la réforme opérée par l'ordonnance du 23 mars 2006, seuls les hypothèques sur des immeubles présents étaient autorisées par la loi (ancien article 2130 du code civil, actuel article 2419). En pratique, il était fréquent que cela pose quelques difficultés.
En l'espèce, des époux ont souhaité se constituer caution hypothécaire d'une société débitrice au profit d'un créancier par affectation d'immeuble dont ils n'étaient pas encore propriétaires. Par la suite, le débiteur se révélant défaillant, le créancier assigna les cautions hypothécaires en paiement de sa créance. Ces dernières contestèrent la validité des hypothèques. La cour d'appel jugea que l'acte constituait non une hypothèque, mais une promesse de constituer hypothèque par les époux. Ils formèrent alors un pourvoi en cassation, soutenant d'une part que, eu égard aux termes de l'acte, il était clair qu'ils avaient voulu concéder un droit réel d'hypothèque et non une simple obligation de faire, caractéristique de la promesse d'hypothèque, et d'autre part qu'une promesse d'hypothèque ne pouvait être valable dès lors qu'elle ne comportait pas les précisions relatives à l'immeuble requises par l'article 2129 du code civil.
Les juges du fond peuvent-il requalifier une hypothèque de biens futurs en promesse d'hypothèque ?
Dans son arrêt du 7 janvier 1987, la troisième chambre civile de la Cour de cassation juge qu'une hypothèque de biens futurs doit être requalifiée en promesse d'hypothèque (I), ce mécanisme étant rendu possible par la modicité des effets d'une telle promesse (II).
[...] L'ancien article 2129 du C. civ., aujourd'hui repris à l'article 2418, pose un principe de spécialité quant au bien en imposant la désignation propre de l'immeuble hypothéqué. Cette règle a pour but de protéger le constituant et ses ayants causes en cantonnant la charge hypothécaire. Dans le même esprit, on trouvait l'article 2130 qui disposait que « les biens à venir ne pouvaient être hypothéqués ». L'idée était que, l'hypothèque étant un acte grave, le constituant ne devait pas « manger son blé en herbe ». [...]
[...] La nature de l'acte écarte par elle-même les dangers. Mais encore faut-il, pour que le promettant soit réellement à l'abri, que la sanction en cas de violation de la promesse d'hypothèque n'aboutisse pas à des effets similaires à ceux existants en matière d'hypothèque. Dans le cas inverse, il serait choquant que le promettant soit privé de la protection qu'offre le caractère solennel de l'hypothèque. Une sanction modeste en cas d'inexécution de la promesse d'hypothèque. L'intervention du notaire étant une condition de validité de la convention d'hypothèque, l'inexécution de la promesse n'est susceptible d'être sanctionnée que par l'allocation de dommages-intérêts. [...]
[...] Ainsi, la Chambre des requêtes avait déjà consacré la validité des promesses de constitutions d'hypothèques sous seing privé (Req nov. 1860). Cette solution se comprend aisément. Contrairement aux contrats consensuels comme la vente, la seule volonté des parties ne suffit pas à former le contrat. Mais en l'espèce, la Cour de cassation poursuit le raisonnement encore plus loin en jugeant qu'en dépit de la volonté initiale des parties, l'acte, qui ne pouvait constituer une hypothèque en raison du défaut de respect de l'ancien article 2129 du C. [...]
[...] Aussi, la seule sanction envisageable en cas de violation de la promesse d'hypothèque est l'octroi de dommages-intérêts. Cela fut par la suite confirmé par la Cour de cassation (Civ 3ème avril 1993). On peut alors se demander si l'octroi de dommages-intérêts ne reviendrait pas, in fine, à rejoindre les effets de l'hypothèque conventionnelle. Si tel était le cas, la promesse d'hypothèque constituerait un acte d'une gravité notable. Par conséquent, l'absence de la protection de l'ancien article 2129 du C. civ. [...]
[...] Par sa solution, la cour d'appel aurait mis à mal la volonté des parties. La Cour de cassation confirme pourtant le raisonnement de cette dernière. Elle compte ainsi sans doute faire obstacle à la mauvaise foi du promettant. Elle poursuit un raisonnement a fortiori : si la volonté de ce dernier était de concéder un droit réel d'hypothèque, il ne peut valablement soutenir qu'une promesse d'hypothèque y est contraire, celle-ci ayant, à l'égard du promettant, des effets beaucoup plus favorables. Cette solution se justifie par des motifs d'opportunité. [...]
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