Primauté, normes, communautaires, normes, nationales, cassation, 24, mai 1975
La Société Cafés Jacques Vabre importait depuis 1964 du café soluble du Pays-Bas dédouanée par la Société Weigel. La Société Weigel versait à chacune de ces importations à l'Administration des Douanes la taxe intérieure de consommation prévue par l'article 265 du Code des Douanes. En 1968, les Sociétés Jacques Vabre et Weigel assignent l'Administration des Douanes pour obtenir la restitution des sommes versés par la Société Weigel ainsi que pour la réparation du préjudice subi du fait de la privation des fonds correspondants.
Cette action fut accueillie par le tribunal d'Instance du 1er Arrondissement de Paris, le 8 janvier 1971, qui donne gain de cause aux sociétés demanderesses. L'Administration des Douanes fait alors appel auprès de la Cour d'appel de Paris. Par un jugement du 7 juillet 1973, la Cour d'appel de Paris confirme le jugement prononcé par le tribunal d'Instance du 1er arrondissement de Paris. L'Administration estimant les juges mal fondés, se pourvoit en cassation contre ce jugement.
Elle prétend en effet, que la Cour d'appel ne pouvait pas déclarer illégale la taxe intérieure de consommation prévue par l'article 265 du code des douanes en raison de son incompatibilité avec les dispositions de l'article 95 du Traité du 25 mars 1957 puisque ce Traité est antérieure à la loi, et qu'il ne relevait pas de la compétence de la Cour d'appel de contrôler la conformité d'une loi avec un Traité.
[...] L'article 26 concentre son intérêt sur les lois antérieures au Traité alors que l'article 28 à l'inverse, se focalise sur les lois postérieures au Traité. Finalement la Constitution de 1946, et plus précisément ces articles 26 et 28 font l'effort de distinguer les lois antérieures des lois postérieures, distinction qui fait justement défaut à l'article 55 de la Constitution. Cependant cela n'empêche pas les juges du fond d'abord de reconnaître la primauté d'un Traité sur une loi postérieure, en se fondant justement sur cet article 55. [...]
[...] Ce n'est qu'en 1989 que le Conseil d'Etat abandonnera enfin cette jurisprudence et décidera d'imiter la position de la Cour de cassation dans l'affaire Jaques Vabre. Et c'est seulement à partir de l'arrêt Nicolo du 20 octobre 1989 (C.E., Ass oct 1989, Leb. p. 190) que cette jurisprudence sera par la suite reprise par les juridictions administratives. L'arrêt Nicolo n'est purement et simplement que le prolongement de l'arrêt Jaques Vabre dans les juridictions administratives. Il est l'illustration même d'un bouleversement profond et vaste opéré par cet arret du 24 mai 1975. [...]
[...] Plusieurs questions se sont posées au travers de l'affaire Jacques Vabre. La première étant la plus élémentaire était de savoir si le juge judiciaire était compétent quant au contrôle de la conventionalité des lois. Il faut savoir que depuis 1790, on considère la loi comme une norme suprême pa rapport à toute norme communautaire ou internationale. Une affirmation qui repose sur le principe de Rousseau selon lequel la loi est l'expression de la volonté générale La loi était donc jusqu'à l'arrêt Jacques Vabre du 24 mai 1975 considérée comme une norme fondamentale ainsi qu'une source indéniable de la protection des libertés politiques et des droits de l'homme. [...]
[...] Cette démarche est donc très ambiguë car il est établit que la Constitution (et donc l'article 55) est la norme suprême dans le système juridique français. Le fait de mettre l'accent sur la responsabilité de l'état face aux conventions européennes revient à remettre en cause quelque part la supériorité de la Constitution et sa place au sein de la hiérarchie des normes. La démarche de la Cour de cassation revient à remettre en question le titre de norme suprême qui y est attaché à cette Constitution. [...]
[...] C'est dans ce contexte critiquable que le Conseil Constitutionnel est intervenu par une décision I.V.G de 1975. Le Conseil Constitutionnel tranche la question qui se posait nécessairement, à savoir quelle juridiction devait se charger du contrôle de la conformité des lois aux Traités. Il tranche la question de façon ambiguë puisqu'il ne reconnaît effectivement pas sa compétence dans le contrôle de la conformité des lois aux Traités mais ne dit pas clairement que cette compétence appartient au juge judiciaire. Le Conseil Constitutionnel admet qu'il est compétent dans le cadre du contrôle de la conformité d'une loi à la Constitution ou alors dans le cadre du conformité du Traité à la Constitution mais qu'en aucun cas, il n'a compétence pour contrôler la compatibilité de la loi au Traité dans la mesure où la supériorité des Traités sur les lois posés par l'article 55 de la Constitution présente un caractère à la fois relatif et contingent contrairement à la Constitution qui est absolue et permanente La Cour de cassation en tire toutes les implications qu'entraîne une telle décision et finit par reconnaître le contrôle aux juges du fond de la conformité de la loi postérieure ( article 265 du Code des Douanes) au Traité instituant la Communauté Européenne (article 95). [...]
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