Depuis un siècle, la notion de contrat s‘est développée considérablement, ils sont à la base de l‘expansion de la société française, il est donc nécessaire que ceux-ci soient parfaitement règlementés dans la législation française. On distingue deux catégories de personnes dans les contrats : les vendeurs et les acquéreurs. Il a fallu imposer des obligations et des interdictions à chacun. Mais ces obligations ne sont pas réellement bien définies par le législateur, et certains principes restent souvent à l‘interprétation du juge. L‘arrêt du 3 mai 2000 rendue par la première chambre civile de la Cour de Cassation en constitue l‘application.
En 1986, Mme Boucher a vendu aux enchères publiques 50 photographies de Baldus au prix de 1000 francs chacune à M. Clin. En 1989, elle a retrouvé ce même l‘acquéreur, et lui a successivement vendu 35 photographies, puis 50 autres photographies de Baldus au même prix qu‘elle avait précédemment fixé.
Après avoir appris que Baldus était un photographe d‘une très grande notoriété, Mme Boucher porte plainte devant une juridiction pénale pour escroquerie contre son acquéreur et se constitue partie civile. Une ordonnance de non lieu ayant été rendue, Mme Boucher assigne alors M. Clin devant une juridiction civile en invoquant le dol dont elle s‘estime avoir été victime : elle demande la nullité du contrat pour dol en vertu de l‘article 1116 du Code civil. Pour elle, le défaut d‘information de M. Clin constitue une réticence dolosive.
La Cour d‘appel donne raison à Mme Boucher en condamnant son acquéreur à la restitution en valeur des photographies moins la somme préalablement versée pour l‘achat de celles-ci. La Cour d‘appel ayant relevé qu‘avant de conclure les ventes de 1989, M. Clin avait déjà vendu les photographies de Baldus qu‘il avait acheté aux enchères publiques à des prix sans rapport avec leur prix d‘achat, et qu‘il savait donc, en 1989 qu‘il contractait à un prix dérisoire, déclare qu‘il a manqué à l‘obligation de contracter de bonne foi qui pèse sur tout contractant. Ce dernier forme donc un pourvoi en cassation.
En matière contractuelle, le silence de l‘acheteur sur la valeur de l‘objet de la transaction est-il constitutif d‘une réticence dolosive pouvant entraîner la nullité du contrat ?
La Cour de Cassation énonce qu‘aucune obligation d‘information ne pesait sur M. Clin, l‘acheteur, la Cour d‘appel a donc violé le texte susvisé et par conséquent, elle casse et annule l‘arrêt dans toutes ses dispositions.
Le principe de l‘obligation d‘information reste très controversé dans la jurisprudence (I), la portée de l‘arrêt entraîne une redéfinition de la notion de réticence dolosive (II).
[...] Les juges n'ont pas motivé leur décision, ils se contentent de dire qu'aucune obligation d'informer ne reposait sur M. Clin. Cette jurisprudence va susciter de très nombreuses critiques dans la doctrine, si la mauvaise foi évidente de l'acheteur n'est plus sanctionnée, alors la sécurité du contrat n'est plus garantie par les juges judicaires. La Cour d'appel éloigne ici la notion de réticence dolosive de la conception classique du dol comme nous l'avons vu précédemment. La jurisprudence fait passer au second plan les manœuvres visées par l'article 1116 du Code civil et met plus particulièrement l'accent sur l'intention de tromper, comme c'est le cas dans l'arrêt du 15 novembre 2000. [...]
[...] Cet arrêt modifie donc singulièrement le lien existant entre réticence dolosive et obligation d'information. II) La portée de l'arrêt et ses conséquences sur le principe : sa redéfinition La portée de cet arrêt est multiple : remise en cause de la notion de réticence dolosive, fragilisation du principe d'obligation d'information entre les parties contractantes Quelles seront, à long terme, les conséquences de cette jurisprudence ? A. Un arrêt qui remet en cause la notion de réticence dolosive La réticence dolosive est traditionnellement définie par la jurisprudence comme le silence gardé par l'une des parties sur une information déterminante dans le consentement de l'autre partie. [...]
[...] La décision et les motifs de la Cour de Cassation dans cet arrêt du 3 mai 2000 ont pour le moins le mérite de se vouloir brefs. N'appuyant sa décision sur aucun autre motif que le fait de ne laisser peser sur l'acheteur aucune obligation d'information, cette jurisprudence est largement critiquable. L'arrêt n'étant pas réellement motivé, on peut émettre plusieurs hypothèses : si la Cour de Cassation défausse M. Clin de ses obligations précontractuelles d'obligations, c'est tout d'abord parce que chaque vendeur est sensé connaître sa propre prestation. [...]
[...] Finalement, Philippe Malaurie, dans sa controverse doctrinale à propos de l'arrêt du 27 février 1996 avec Jacques Ghestin, déclare qu'il n'y a pas d'obligation qui pèse sur un acquéreur d'informer le vendeur de la valeur de la chose vendue ou même des négociations que l'acquéreur mène parallèlement et confirme ainsi cette décision de la Cour de Cassation. Pour lui, le secret est une des règles essentielles à la vie des affaires. Tout n'a pas à être dit et il serait déraisonnable d'obliger tout contractant à une obligation illimitée d'informations. Le contrôle judiciaire doit rester mesuré, sous peine de ruiner la sécurité des contrats. Bien que le principe de loyauté lors de la conclusion du contrat, soit mis en avant par la Cour d'appel dans l'arrêt attaqué par M. [...]
[...] Chaque personne qui ferait une mauvaise affaire, pourrait, à tout bout de champ, invoquer les grands principes tels que le dol, l'obligation d'information, l'erreur Cet arrêt fragilise le lien entre réticence dolosive et obligation d'information, mais les interprétations de l'article 1116 du Code civil restent contradictoires comme le prouve ces deux décisions et la controverse doctrinale de J. Ghestin et P. Malaurie. Une modification législative semble rendue nécessaire. Les conséquences de l'arrêt Les conséquences de cette jurisprudence sont multiples : tout d'abord, cet arrêt est critiquable car il semble évident qu'en l'espèce, M. Clin, l'acheteur, était de mauvaise foi lors de la conclusion du contrat. [...]
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