Expropriation foncière, perte, outil de travail, cedh, 22 avril 2002
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi. » Article 1er du 1er protocole additionnel de la Convention Européenne des Droits de l'Homme.
Ces principes européens sont en tout et pour tout au nombre de deux. Ils concernent les conditions mêmes du recours à l'expropriation, ainsi que le déroulement de la procédure susceptible d'être appliquée à cette dernière.
L'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention dispose en effet : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ».
Quant à l'article 6 § 1 de la Convention elle-même, il précise : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial ».
M. Lallement, agriculteur, propriétaire de 13 hectares et demi situés à proximité immédiate de sa ferme et affectés à l'élevage d'un trentaine de vaches laitières, ainsi que de 12 hectares de prés, situés à une dizaine de kilomètres de celle-ci et affectés au pâturage de jeunes bêtes destinées à la vente, a fait l'objet en 1994 d'une procédure d'expropriation en vue de la réalisation d'un aménagement routier. Par une ordonnance en date du 23 mars 1995, le juge de l'expropriation des Ardennes a procédé à l'expropriation de 81 803 m2 des 135 528 m2 (soit environ 60 %) des terrains jouxtant la ferme appartenant à ce dernier. Par un jugement en date du 11 juillet 1995, partiellement réformé par un arrêt de la cour d'appel de Reims du 7 mars 1997, a été allouée à M. Lallement la somme de 550 107,34 francs (83 863,32 euros) correspondant à l'indemnité principale de dépossession et à des indemnités accessoires de remploi, pour éviction agricole et pour « défiguration de parcelle ».
L'essentiel du litige tient au fait que M. Lallement, tout en se refusant, pour des raisons « personnelles, familiales et sentimentales », à solliciter l'emprise totale de sa propriété, entend faire valoir que l'expropriation des terres qu'il possédait à proximité immédiate de sa ferme et qui étaient affectées à la production laitière fait obstacle à ce qu'il soit en mesure de poursuivre l'activité qui était la sienne, qu'elle entraîne un grave déséquilibre pour son exploitation au point qu'« il perdrait par là même les moyens de sa subsistance et ceux de sa famille » et qu'elle génère de ce fait un préjudice particulier, distinct du préjudice foncier, tenant à la perte de son « outil de travail ». Cet argumentaire n'a toutefois été retenu ni en première instance (TGI Charleville-Mézières 11 juillet 1995) ni en appel (CA Reims 7 mars 1997). Par un arrêt en date du 30 juin 1998, la 3e chambre civile de la Cour de cassation a confirmé la validité de l'analyse des juridictions inférieures :
Quoi qu'il en soit, il ressort de cet arrêt que ce droit potentiel ne saurait, en toute hypothèse, priver l'exproprié de celui de se voir indemnisé de la perte de son « outil de travail », car, ainsi que le note la Cour, « on ne saurait reprocher à l'agriculteur de ne pas avoir demandé l'emprise totale alors qu'il n'était pas avéré que cela lui eût permis de poursuivre ailleurs son activité dans des conditions acceptables, compte tenu des restrictions en matière d'acquisitions foncières et du fait que, par ailleurs, en matière agricole, la connaissance du terroir est souvent primordiale ».
[...] Commentaire d'arrêt : CEDH 22 avril 2002 « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi. » Article 1er du 1er protocole additionnel de la Convention Européenne des Droits de l'Homme. Ces principes européens sont en tout et pour tout au nombre de deux. Ils concernent les conditions mêmes du recours à l'expropriation, ainsi que le déroulement de la procédure susceptible d'être appliquée à cette dernière. [...]
[...] Pragmatique, elle considère enfin que l'occupation durable de terrains, au cas même où celle-ci ne se traduirait pas par une expropriation formelle, peut être qualifiée d'expropriation « de fait » et, à ce titre, jugée incompatible avec le droit au respect des biens posé par l'article 1er du protocole additionnel n° 1. Cette décision de la Cour européenne des droits de l'homme constitue, on l'a vu, une première. Tout laisse à penser, toutefois, qu'elle pourrait être suivie de bien d'autres dans la mesure où nombreuses sont les dispositions du Code de l'expropriation « à la française » qui mériteraient, semble-t-il, d'être « revisitées » à la lumière de la Convention. [...]
[...] L'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention dispose en effet : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ». Quant à l'article 6 § 1 de la Convention elle-même, il précise : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial ». [...]
[...] L'essentiel du litige tient au fait que M. Lallement, tout en se refusant, pour des raisons « personnelles, familiales et sentimentales », à solliciter l'emprise totale de sa propriété, entend faire valoir que l'expropriation des terres qu'il possédait à proximité immédiate de sa ferme et qui étaient affectées à la production laitière fait obstacle à ce qu'il soit en mesure de poursuivre l'activité qui était la sienne, qu'elle entraîne un grave déséquilibre pour son exploitation au point qu'« il perdrait par là même les moyens de sa subsistance et ceux de sa famille » et qu'elle génère de ce fait un préjudice particulier, distinct du préjudice foncier, tenant à la perte de son « outil de travail ». [...]
[...] L'indemnité pour dépréciation du surplus conduit, en cas d'expropriation partielle, à prendre en considération, à condition qu'elle soit la conséquence directe de l'expropriation, la perte de valeur affectant la partie non touchée par l'emprise au cas où, par exemple, s'agissant de terres agricoles, la configuration du restant est moins favorable pour l'exploitation. On l'aura bien compris, et cette suggestion formulée in fine en est la manifestation la plus éclatante, les principes qui sont ici mis en œuvre par la Cour européenne se situent bien au-delà du Code de l'expropriation qui, en cas d'expropriation partielle, se limite, mis à part les perspectives de remembrement (art. [...]
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