Par sa décision du 3 mai 2011, n° 320545 dite « Mme Ély », le Conseil d'État apporte un nouvel éclairage sur le régime d'autorisation des travaux réalisés sur un édifice implanté irrégulièrement.
En effet, depuis la fameuse décision dite « Thalamy » du 9 juillet 1986, les juges du Palais Royal, lorsqu'ils se prononcent sur un contentieux relatif à la réalisation de travaux sur une construction irrégulièrement implantée, apprécient de manière restrictive et mécanique, que ceux-ci doivent préalablement faire l'objet d'une demande de permis de construire portant sur la régularisation de l'ensemble de la construction.
In fine, cette solution, interdit au propriétaire actuel d'une construction irrégulièrement implantée, de réaliser ultérieurement sur celle-ci, tous travaux autres que ceux qui, en vertu des art. L. 422-1 et L. et R. 422-2 c. urba,
« […] en raison de leur faible importance sont exemptés du permis de construire, […] font l'objet d'une déclaration auprès du maire de la commune avant le commencement des travaux ».
[...] La décision analysée soulevait donc deux problèmes. D'abord, le caractère ancien d'une construction bâtie sans autorisation, peut-il légitimer le placement sous le régime de la déclaration, la réalisation de travaux ultérieurs sur son appui, ou, doit-on systématiquement recourir à la décision Thalamy ? Enfin, l'obligation posée par la solution Thalamy exigeant un permis de construire sur l'intégralité de la construction irrégulière est-elle conforme au respect du droit de propriété et au principe de sécurité juridique ? Dans sa décision du 3 mai 2011 dite Mme Ély le Conseil d'État choisit une voie médiane par laquelle, tout en réaffirmant sa jurisprudence Thalamy il en précise les fondements et dégage une nouvelle exception à ce régime pour l'adapter au cas spécifique des travaux sur des constructions anciennes édifiées sans autorisation. [...]
[...] Premièrement, du niveau du droit interne, l'obligation de demander une autorisation de travaux portant sur l'intégralité des éléments irréguliers et considérés indivisibles d'une construction édifiée en méconnaissance des règles d'urbanisme, n'ont pas pour ambition, d'altérer indéfiniment la substance du droit de jouissance afférant au titre de propriété. Dans la décision analysée, l'exclusion du bénéfice de la prescription instituée par l'art C.civ est la conséquence du principe d'indépendance des législations. Toutefois, le code de l'urbanisme prévoit lui-même des outils prescriptifs visant le bâti illégal, triennale en matière pénale (art. [...]
[...] 23529/94), ce qui permet de présupposer la conformité à la CEDH de la jurisprudence Thalamy. A cet égard, l'exemple du principe de non indemnisation des servitudes d'urbanismes (art. L. 160-5 c.urba) est particulièrement révélateur de la souplesse des rapports entre juges européen et administratif. Ici, la conformité à la CEDH de la disposition avait été reconnue, dés lors qu'il ne s'agissait pas d'un principe absolu et prévoyait deux exceptions, relative aux atteintes portées au droit de propriété et à la modification de l'état antérieur des lieux. [...]
[...] Bien sur, ce n'est là que pure supposition, il est pourtant intéressant de noter que cette nouvelle exception à la jurisprudence Thalamy a été décidée par le Conseil d'État statuant dans ses 9ème et 10ème sous-sections réunies alors que la première était une décision de Section, ce qui pourrait témoigner de la volonté du Conseil de ne pas conférer à cette exception une autorité trop importante, voir de la cantonner au rang de solution d'espèce, une décision d'opportunité. Jurisprudence Thalamy : rappel, précisions et tempérament. [...]
[...] 480-4 c.urba) et décennale en matière civile (art. 480-14 c.urba). Ces éléments font que la jurisprudence Thalamy ne porte pas d'atteinte excessive au droit de propriété et de facto ne méconnaît pas le principe de sécurité juridique tel qu'il résulte de la décision KMPG Ass mars 2006, Sté KPMG, req. 288460). Deuxièmement, il convient de rappeler que la CEDH reconnaît une marge de manœuvre aux autorités nationales dans les décisions prises en matière d'urbanisme (CEDH août 2001, Coopérative La Laurentina c. [...]
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