Droit, civil, commentaire d'arrêt du 19 mai 1988, responsabilité, commettant
La question de l'abus de fonction du préposé est un bon exemple de la difficulté qu'a parfois la Haute juridiction à proposer un modèle unique en raison notamment de la multiplicité de ses chambres. En effet, quatre arrêts d'assemblée plénières ont pu être rendus sur cette question en moins de dix ans en 1977, 1983, 1985, 1988 et cinq en moins de trente ans si l'on compte l'arrêt des chambres réunies de 1960. Pourtant les dispositions du Code civil, l'article 1384, alinéa 5, ne sont pas obscures et les conditions de la responsabilité du commettant du fait de son préposé entendues strictement: « les maitres et commettant (sont responsables) du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés ». Mais l'ancienneté de la disposition et l'évolution des situations économiques et sociales ont forcé la jurisprudence à s'adapter et revoir notamment la délimitation des contours de l'abus de fonction. L'arrêt rendu par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation en date du 19 mai 1988 témoigne une nouvelle fois de la difficulté à trouver une solution qui règle définitivement le problème que posent les conditions d'exonération de la responsabilité du commettant.
[...] La deuxième condition est que l'activité hors fonction du préposé ne doit pas avoir été autorisée par le commettant: en effet, si l'acte dommageable du préposé a été accompli avec l'accord du commettant il n'apparait pas justifié d'écarter la responsabilité du commettant. La jurisprudence a tendance à présumer l'autorisation, c'est donc au commettant d'apporter la preuve contraire. Enfin, la troisième condition est que le préposé doit agir à des fins étrangères à ses attributions: la condition subjective suppose la recherche de l'intention du préposé. [...]
[...] L'arrêt du 19 mai 1988 répète, mais en précisant, les conditions dans lesquelles le commettant s'exonère de sa responsabilité. Il ne règle pas définitivement le problème mais a l'intérêt de consacrer une solution favorable aux victimes, marquant une orientation nouvelle de la jurisprudence par rapport aux solutions des chambres réunies en 1960 et de l'Assemblée plénière en et 1985. Il permet de répondre à la problématique qui est de savoir quelles sont les conditions dans lesquelles le commettant s'exonère de sa responsabilité et plus largement quels sont les critères définissant l'abus de fonction qui permet de s'exonérer de sa responsabilité en tant que commettant. [...]
[...] Toutefois, il faut tenir compte de la croyance légitime de la victime: en effet, la jurisprudence retient la responsabilité du commettant alors même que le préposé agissait dans le cadre de ses fonctions. A l'inverse, la victime ne peut pas agir contre le commettant lorsqu'elle n'a pas pu légitimement croire que le préposé agissait dans le cadre de ses fonctions. Il faudra donc vérifier si la situation a pu normalement induire en erreur la victime du dommage en lui faisant croire à tort que la personne à qui elle s'est adressée agissait en qualité de préposé du commettant. [...]
[...] De ce fait, si le préposé agit dans l'intérêt de son commettant, il est dans l'exercice de ses fonctions. S'il agit dans un but autre que ce intérêt, il y a abus de fonctions et l'acte est forcément accompli hors des fonctions. En l'absence d'autorisation et la finalité de l'acte étrangère aux fonctions, c'est-à- dire à l'intérêt du commettant, le fait que le préposé se soit placé hors de ses fonctions n'étant en réalité qu'une conséquence nécessaire de la seconde condition. [...]
[...] En revanche, si le dommage est résulté d'un acte objectivement étranger aux fonctions, le responsabilité du commettant se trouve écartée. Cette exonération suppose cependant qu'il soit en outre établi que le préposé a agi sans autorisation et qu'il a agi à des fins étrangères à ces attributions. La consécration de trois conditions cumulatives pour l'exonération de la responsabilité du commettant L'arrêt permet de mettre fin à la controverse après l'arrêt du 17 juin 1983 sur le fait de savoir s'il y a deux ou trois conditions à l'exonération du commettant. [...]
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