Défaut, déclaration, remploi, parts sociales, apport, nature, bien, société, époux, apporteur
Le droit des régimes matrimoniaux est un droit d'équilibre. Le législateur, tout comme les prétoires, ont en effet comme souci permanent de concilier au mieux des intérêts souvent contradictoires. Le cas d'espèce en est une parfaite illustration.
Monsieur et Madame X se sont mariés sous le régime communautaire. Au cours du mariage, un immeuble a été donné à l'épouse X par ses parents, à charge pour elle de régler une dette des donateurs et de leur servir une rente viagère.
Par la suite, la donataire a fait apport de cet immeuble à une société civile immobilière (SCI).
Lors du décès de Monsieur X, les opérations de partage des communauté et succession ont entrainé un litige entre Madame X et l'un de ses enfants, Henri X.
D'abord, celui-ci fait valoir que la prétendue donation est en réalité une vente déguisée, la valeur de l'immeuble étant inférieure aux charges.
En outre, il prétend que les parts sociales obtenues en contrepartie de l'apport de l'immeuble à la SCI doivent être considérées comme communes.
Une décision est rendue par les juges du premier degré et un appel est interjeté. La Cour d'Appel de Paris est amenée à se prononcer sur le cas d'espèce en date du 15 avril 1976.
Par motifs propres et adoptés des premiers juges, la Cour d'Appel se prononce sur la qualification de l'opération juridique réalisée par les parents de l'épouse X. Comparant la valeur de l'immeuble à la dette mise à la charge de Madame X et les revenus de l'immeuble à la rente à servir aux donateurs, elle en conclut que les charges n'atteignent pas le bénéfice de l'opération. Par suite, elle rejette la qualification de vente, et retient la qualification de donation.
En outre, elle s'attèle à la qualification des parts sociales reçues en contrepartie de l'apport de l'immeuble à la SCI et retient qu'il s'agit de biens propres à l'époux apporteur.
Un pourvoi est formé contre cet arrêt par le demandeur, qui critique le raisonnement de la Cour d'Appel dans son intégralité. Il soulève d'abord un moyen purement procédural sur lequel nous ne nous attarderons pas.
Ensuite, le demandeur conteste les éléments pris en compte par la Cour d'Appel pour vérifier si la donation ne dissimulait pas en réalité une vente. Il est ainsi reproché aux juges de ne pas avoir tenu compte des dettes mises à la charge de la donataire mais d'avoir pris en considération un contrat de bail, pourtant non soumis au contradictoire.
Enfin, l'immeuble ayant été qualifié de bien propre, les dépenses d'amélioration faites sur ce bien posent le question du droit à récompense. Là encore, le demandeur critique les conditions posées par la Cour d'Appel pour l'ouverture de ce droit à récompense. Selon lui, les juges du second degré ne pouvaient valablement décider qu'il soit nécessaire de prouver l'enrichissement du donataire pour prétendre à une récompense de la communauté.
[...] Champenois), la Haute Cour a certainement assimilé les parts sociales à une créance dont bénéficie l'apporteur à l'encontre de la société. Toutefois, il ne nous semble pas que cette analyse soit évidente. Elle suppose en effet de fortement déformer les contours de la définition d'une créance pour y intégrer le cas des parts sociales. Enfin, reste à savoir si le cas d'espèce peut être assimilé à un échange, et donc bénéficier de l'effet de la subrogation réelle automatique au titre de l'article 1407 du Code civil. [...]
[...] A' – Une conséquence logique et opportune pour les époux Comme nous l'avons vu, pour contrebalancer l'effet de la présomption de communauté sur les masses propres, le législateur a instauré le mécanisme de subrogation réelle. Celle-ci peut opérer de plein droit lorsque, comme expliqué précédemment, un bien est directement substitué à un autre. Lorsque, cette fois, un recours à la monnaie intervient, il est nécessaire de mettre en œuvre une procédure spécifique. Ainsi, lorsqu'un époux fait usage de ses fonds propres pour acquérir un nouveau bien, celui-ci n'échappera à la présomption de communauté que si l'époux prend soin de procéder à une déclaration de remploi telle que prévu à l'article 1434 du Code civil. [...]
[...] Par suite, il semble difficile d'admettre que le cas d'espèce entre clairement dans l'une des hypothèses visées aux articles 1406 et 1407. La Cour de cassation semble donc procéder à une extension du champ d'application de la subrogation réelle. La solution est donc contra legem. Cependant, la solution de la Cour de Cassation, même si elle ne respecte pas la lettre de la loi, peut trouver une justification dans l'esprit de la loi. B – Une solution conforme à l'esprit de la loi On peut ainsi se demander si les articles 1406 et 1407 du Code civil ont vraiment pour objectif de dresser une liste limitative des cas dans lesquels la subrogation réelle de plein droit va s'appliquer et faire obstacle à la présomption de communauté de l'article 1402. [...]
[...] Ainsi, quand bien même les parts sociales sont considérées comme propres à l'époux apporteur, en vertu de l'article 1401 du Code civil, la communauté peut prétendre aux fruits et revenus de ce bien propre. En l'espèce, les dividendes qui ont pu être dégagées par la société civile immobilière ont ainsi profité à la communauté, en entrant non pas dans la masse propre de l'apporteur, mais dans la masse commune, et ce, dès la perception des revenus (1ère civ Authier). Par conséquent, cette solution a le mérite de concilier deux objectifs à première vue antagonistes. [...]
[...] On ne peut qu'approuver l'extension du champ de la subrogation de plein droit, en ce qu'elle réduit ipso facto celui de la déclaration de remploi. En effet, il s'agit là d'un mécanisme mal connu qu'on peut considérer comme étant source d'une certaine insécurité. Dans le cas d'espèce, si l'épouse avait reçu en donation non pas un immeuble, mais une somme d'argent, et qu'elle l'utilise ensuite pour faire acquisition d'un immeuble à apporter en société, celui-ci serait tombé sous le coup de la présomption de communauté. Certes, dans l'hypothèse d'un apport immobilier à une société, un passage devant notaire est nécessaire. [...]
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