Commentaire d'arrêt, troisième chambre civile, 7 janvier 2009, rupture des pourparlers, SCI, Manoukian
Par un arrêt en date du 7 janvier 2009, la troisième chambre civile de la Cour de Cassation a eu l'occasion de se prononcer sur les conséquences de la rupture des pourparlers.
En l'espèce, une société civile immobilière (SCI) conclut un bail commercial. Un tiers intervient afin de négocier la cession de ce bail à son profit. Les négociations n'ont pas abouti du fait de la résistance de la SCI. L'entreprise locataire et le tiers intéressé à la cession du bail assignent le bailleur en réparation du préjudice causé par la rupture des pourparlers. Le bailleur demande 250 000 euros de dommages-intérêts pour le défaut d'exploitation du local.
Le problème était de savoir si la victime d'une rupture des pourparlers peut-elle obtenir réparation du préjudice consistant dans la perte de chance de réaliser des gains ?
La Cour de Cassation casse l'arrêt rendu par la cour d'appel, considérant que la faute commise dans l'exercice du droit de rupture unilatérale des pourparlers précontractuels ne peut être la cause d'un préjudice consistant dans la perte de chance de réaliser des gains que permettait d'espérer la conclusion du contrat. L'attendu de principe de la Cour de cassation est conforme à une jurisprudence constante depuis l'affaire Manoukian.
Si la rupture des pourparlers peut dans certains cas être considérée comme abusive (I), elle n'est pas toujours non plus synonyme de dédommagement (II).
[...] La rupture des pourparlers : La liberté contractuelle : Le principe de la liberté contractuelle peut se résumer par le fait que ce qui n'est pas interdit est permis. En conséquence, la liberté contractuelle est la liberté pour les parties de contracter ou de ne pas contracter, de conclure un contrat librement sans condition de forme et d'en fixer le contenu. Ainsi, chacun doit pouvoir mettre fin librement aux pourparlers. La liberté contractuelle suppose que l'on puisse mener des pourparlers parallèles afin de comparer un certain nombre de propositions et finalement choisir la plus avantageuse. [...]
[...] Malgré cela, cet arrêt en date du 7 janvier 2009 marque ses distances avec cette analyse et refuse l'indemnisation d'un tel préjudice au motif que « la faute commise dans l'exercice du droit de rupture unilatérale des pourparlers précontractuels ne peut être la cause d'un préjudice consistant dans la perte de chance de réaliser des gains ». Cette solution retenue par la chambre civile n'est qu'une réaffirmation de la jurisprudence constante depuis l'arrêt Manoukian (26 novembre 2003). On effet depuis cette arrêt, la Cour de cassation a opéré un revirement jurisprudentiel puisqu'elle n'admet plus que la victime demande réparation de la perte de chance de réaliser des gains. [...]
[...] La question du tiers : Toute perte de chance n'est cependant pas exclue de la définition du préjudice réparable en cas de rupture abusive des pourparlers. En effet, la jurisprudence considère la perte de chance de conclure avec un tiers comme un dommage réparable. Si des pourparlers n'avaient pas été engagés avec celui qui les a rompu, il y a une part de chance pour que les discussions précontractuelles entreprises avec un autre partenaire aient abouti. Or cette chance a été perdue, et si elle n'est pas la cause de la rupture des pourparlers, son auteur a fait naître chez son partenaire la certitude que le contrat serait une réussite, ce dernier ne recherchant pas un autre contractant. [...]
[...] GOUTAUDIER Mickaël Groupe 06 Cour de Cassation Chambre civile janvier 2009 Par un arrêt en date du 7 janvier 2009, la troisième chambre civile de la Cour de Cassation a eu l'occasion de se prononcer sur les conséquences de la rupture des pourparlers. En l'espèce, une société civile immobilière (SCI) conclut un bail commercial. Un tiers intervient afin de négocier la cession de ce bail à son profit. Les négociations n'ont pas abouti du fait de la résistance de la SCI. [...]
[...] De la même sorte, l'auteur d'une rupture, qui peut être définie comme le fait de refuser d'exécuter un contrat déjà formé, engage sa responsabilité contractuelle. La rupture des pourparlers n'est pas un acte discrétionnaire. Celui qui participe à une négociation accepte les risques d'un éventuel échec, à la condition qu'elle ait été menée de façon loyale. Dans le cas contraire, on considèrera qu'il y a abus de la liberté de rompre. La question est donc de savoir dans quelles conditions l'exercice de cette liberté sera jugé abusif ? [...]
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