Il s'agit d'un arrêt rendu par la troisième chambre civile le 6 juin 2001, par lequel la Haute juridiction est venue préciser les conditions mais également les effets du pacte de préférence, qui peut se définir comme l'avant contrat par lequel une personne s'engage, envers une autre qui accepte ce pacte, à ne pas conclure avec un tiers un contrat déterminé avant de lui en avoir proposé la conclusion aux mêmes conditions.
Dans les faits, un président directeur général d'une société d'assurance a conclu à son profit, avec l'actionnaire majoritaire d'une société partenaire avec laquelle il a réalisé certaines opérations de co-courtage, une priorité de reprise des contrats que les deux sociétés assurées en commun, en cas de cessation d'activité par la société partenaire. Après avoir confirmé son accord sur ce pacte de préférence, l'actionnaire majoritaire de la société partenaire a cependant, neuf ans plus tard, cédé ses actions qu'il détenait dans la société à une tierce société de courtage, dont l'évaluation est établie en fonction du chiffre d'affaire réalisé au 31 décembre de l'année précédente. Le bénéficiaire du pacte de préférence a alors rappelé à la société partenaire l'existence de la priorité de reprise convenue entre elles et dont elle envisageait de se prévaloir. Malgré la formulation de quelques propositions, le droit de priorité n'a finalement pas été exercé et l'accord avec la société cessionnaire a été maintenu après un avenant qui a exclu de la base d'évaluation des actions cédées le chiffre d'affaires réalisé par la société partenaire avec la société d'assurance bénéficiaire de la priorité de reprise.
L'actionnaire majoritaire a alors assigné la société d'assurance en vue de faire annuler la clause de reprise stipulée, mais également pour faire reconnaitre le caractère fautif de l'opposition faite par cette société à la cession des contrats de courtage à la société cessionnaire et à la condamner au versement d'indemnités pour la réparation du préjudice causé du fait de la réduction du prix de la cession.
Par un arrêt du 10 juin 1998, la Cour d'appel de Paris a débouté le débiteur du pacte de l'ensemble de ses demandes. Ce dernier décide alors de se pourvoir en cassation en vue d'obtenir l'annulation de cette décision.
[...] Par cet arrêt rendu le 6 juin 2001, la première chambre civile de la Cour de cassation va confirmer l'arrêt rendu par les juges du fond en reprenant l'ensemble des solutions dégagées et en les validant les unes après les autres. Elle apporte donc peu de solutions nouvelles mais affirme néanmoins, en réponse à la demande de nullité de la clause de reprise fondée sur l'absence de prix, « qu'il n'est pas dans la nature du pacte de préférence de prédéterminer le prix du contrat envisagé et qui ne sera conclu, ultérieurement, que s'il advient que le promettant en décide ainsi ». [...]
[...] Il peut ainsi être déduit de cette affirmation que, dès l'origine, le pacte de préférence ne prévoyait aucun prix, or cette absence de détermination du prix ne faisait pas obstacle à la validité de la clause. En plus que d'approuver ce principe, la cour de cassation dans l'arrêt du 6 juin 2001 va réitérer cette règle par ses propres mots en affirmant qu'il « n'est pas dans la nature du pacte de préférence de prédéterminer le prix du contrat envisagé et qui ne sera conclu, ultérieurement, que s'il advient que le promettant en décide ainsi ». [...]
[...] En effet cette énonciation est justifiée puisque l'actionnaire débiteur, alors même qu'il avait « confirmé » son accord en faveur d'une clause de préférence au bénéficie de la société d'assurance, a malgré tout cédé ses actions au profit d'une tierce société non titulaire d'une clause de préférence. Cette faute révèle qu'il aurait paru plus logique que ce soit la société d'assurance qui assigne l'actionnaire majoritaire ainsi que la tierce société en annulation de la cession des contrats, contraire au pacte de préférence. [...]
[...] L'abus de droit permet ainsi aux juges du fond de sanctionner l'usage du droit d'appel, qui dépasse les bornes de l'usage raisonnable de ce droit puisque le demandeur n'a effectué aucune reformulation de ces moyens entre les deux instances. Ainsi cette reconnaissance de cet abus de droit d'appel remet en cause les moyens soulevés par le demandeur devant les juges du fond. Cependant la Cour de cassation ne remet pas en cause les solutions dégagés par ces moyens et confirme ainsi sa faveur en faveur du pacte de préférence. [...]
[...] Ainsi ce pacte a un caractère potestatif ce qui justifie ainsi le refus par la Cour de cassation de considérer la stipulation d'un délai comme une condition de validité du pacte puisqu'une telle stipulation enlèverait tout caractère potestatif de ce contrat. Cette solution souligne une fois de plus une certaine tendance des juges du fond mais surtout de la Cour de cassation à appliquer une certaine souplesse au pacte de préférence, en diminuant le nombre des conditions de sa validité. [...]
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