Cour de Cassation, Assemblée Plénière, 9 mai 1984, arrêt Lemaire, nouvelle conception de la faute
L'arrêt étudié est un arrêt rejet rendu le 9 mai 1984 par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation. Ce même jour, la Cour rend cinq arrêts qui admettent la responsabilité civile d'un enfant, même en âge d'être privé de discernement.
Dans cette affaire, un ouvrier électricien, M. Lemaire, exécute des travaux dans l'étable d'une ferme. Quelques jours plus tard, le fils de 13 ans des propriétaires de la ferme est mortellement électrocuté en vissant une ampoule sur une douille.
Les parents décident de citer l'électricien Lemaire et son patron, M. Verhaeghe devant le tribunal correctionnel, qui rend un jugement frappé d'appel. La Cour d'appel déclare le 28 mai 1980 M. Lemaire coupable d'homicide involontaire et responsable, mais seulement pour moitié des conséquences de l'accident, l'autre moitié relevant de la responsabilité de l'adolescent victime. Les époux Declercq ainsi que M. Lemaire se pourvoient alors en cassation devant la Cour, les parents estimant que la Cour n'a pas recherché si le mineur avait les capacités de discernement lui permettant de comprendre les conséquences de son acte.
[...] Commentaire d'arrêt : Cour de Cassation mai 1984,Lemaire L'arrêt étudié est un arrêt rejet rendu le 9 mai 1984 par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation. Ce même jour, la Cour rend cinq arrêts qui admettent la responsabilité civile d'un enfant, même en âge d'être privé de discernement. Dans cette affaire, un ouvrier électricien, M. Lemaire, exécute des travaux dans l'étable d'une ferme. Quelques jours plus tard, le fils de 13 ans des propriétaires de la ferme est mortellement électrocuté en vissant une ampoule sur une douille. [...]
[...] La Cour de cassation introduit donc une nouvelle responsabilité, celle de l'enfant. Dans cet arrêt, l'enfant est en fait la victime du dommage. Et pourtant il en assume la moitié de la responsabilité. La Cour a voulu par là instaurer un partage, étendant la théorie générale que l'on applique aux adultes, à l'infans, traditionnellement dénué de discernement. Cette affirmation n'est d'ailleurs pas remise en cause : la Cour admet que l'infans ne puisse pas être conscient des conséquences de ses actes. [...]
[...] Cela était impossible et causait donc une injustice pour la victime. En admettant que l'infans puisse être responsable, la cour favorise donc la réparation de la victime, mais aussi équilibre une situation dans laquelle, comme dans notre arrêt, un individu cause un dommage à un enfant, dommage auquel la faute de ce dernier a participé. Alors que la responsabilité pesait auparavant uniquement sur l'auteur de la faute, elle est désormais partagée pour une meilleure équité. B. Une solution controversée Face à la sévérité de cette solution, on peut penser que la Cour aurait pu faire appel à d'autres raisonnements. [...]
[...] Et en cas de dommage causé à l'enfant mais auquel il aurait contribué, celui-ci par son inconscience n'aurait pu être rendu responsable ; mais on aurait pu imaginer une diminution de la responsabilité et de la réparation de la part de l'auteur du dommage. Le juriste Viney a aussi proposé de revenir à l'imputabilité des personnes dénuées de discernement par un système d'assurance obligatoires. Mais la Cour a affirmé sa solution et l'a maintenue, en la tempérant toute fois, écoutant par là les critiques que nous avons soulevées et se montrant plus indulgente en ce qui concerne l'appréciation de la faute de l'enfant victime. [...]
[...] La conception objective : partage de la responsabilité La Cour de cassation vient donc dans l'arrêt Lemaire affirmer très clairement que les juridictions ne sont plus tenues de prendre en compte l'âge et la capacité de discernement de l'auteur de la faute. Elle suit la solution de la Cour d'appel. On assiste donc au passage à une nouvelle conception de la faute, la conception objective. Désormais, seul compte l'acte commis : si celui-ci est déviant et ne correspond pas au comportement qu'aurait adopté un homme prudent, avisé, alors une faute est commise, entraînant par la une responsabilité de l'auteur de la faute. En abandonnant l'imputabilité, la cour suprême établit une sorte d'égalité de responsabilité. [...]
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