Cour de Cassation, 1ère Chambre Civile, 13 décembre 2005, obligation de résultats, responsabilité
Depuis l'ouverture de la première agence de voyage en 1885, elles n'ont cessé de se multiplier. C'en est presque à croire que les clients oublient les risques inhérents aux voyages. Mais s'il est une chose qu'ils n'oublient pas, c'est de demander réparation à leur agence de voyage en cas d'accident.
En l'espèce, M. Jobard s'était inscrit auprès de la société Allibert, agence de voyage, à un stage de randonné à ski, effectué sous la direction de M. Brouta, guide de haute montagne. Au cours de ce stage, M. Jobard a tardé à suivre l'instruction de M. Brouta ordonnant aux skieurs de contourner une zone dangereuse; il fait une chute mortelle suite à la rupture d'un pont de neige surplombant une crevasse.
La veuve et la fille de M. Jobard ont engagé une action en responsabilité contre la société Allibert, soutenant qu'il était de sa responsabilité d'indemniser la famille de la victime quand bien même aucune faute n'était démontrée à son encontre.
La cour d'appel les a déboutés de leur demande, estimant que la responsabilité de plein droit à l'encontre de l'agent de voyage, devait s'apprécier selon la nature et l'étendue des obligations des différents prestataires et qu'en l'occurrence, aucun d'eux n'avait commis de faute.
Il s'agit donc de savoir si la responsabilité de l'agent de voyage instaurée par la loi du 13 juillet 1992 est en fait une responsabilité de plein droit concernant une obligation de résultats, indépendamment des obligations des prestataires.
[...] Or, un guide de haute montagne est bien tenu à une obligation de sécurité. Mais il ne s'agit que d'une obligation de moyen. En effet, compte tenu du contexte d'exercice de son activité, une obligation de résultats paraitrait inappropriée, d'autant plus que les clients du guide sont avertis des risques qu'ils encourent. Quoi qu'il en soit, l'agent de voyage ne devrait donc, en toute logique, être tenu que d'une obligation de moyen, sa responsabilité étant en quelque sorte une garantie supplémentaire, surtout dans les cas où les prestataires se situeraient dans des pays étrangers. [...]
[...] En revanche, lorsque le prestataire à une obligation de moyen, qu'il remplit, mais que l'agent a une obligation de résultat (non remplie, car sinon il n'y aurait pas de préjudice), la machine semble se gripper. En effet, l'agent de voyage qui n'a pas commis de faute, bien au contraire (pour preuve; il a confié ses clients au soin d'un prestataire de services manifestement compétent puisque ce dernier à correctement rempli son obligation de moyen), va se retrouver obliger de réparer un préjudice auquel il n'est pour rien et qu'il avait même pris soin d'éviter. [...]
[...] Nous avons vu précédemment que la jurisprudence antérieure considérait que la responsabilité de l'agent de voyage était fonction de la nature et de l'étendue de l'obligation du prestataire. Ces considérations ne sont pas sans fondement : en effet, cette jurisprudence découle de l'analyse de l'agent de voyage en mandataire gérant. L'agent de voyage serait donc en fait le mandataire garant du prestataire de service : il s'occupe de créer et d'entretenir une clientèle et la lui adresse. Dès lors, c'est la responsabilité générale dans le cadre du mandat qui s'appliquera. [...]
[...] Commentaire d'arrêt : Cour de Cassation, 1ère Chambre Civile décembre 2005 Depuis l'ouverture de la première agence de voyage en 1885, elles n'ont cessé de se multiplier. C'en est presque à croire que les clients oublient les risques inhérents aux voyages. Mais s'il est une chose qu'ils n'oublient pas, c'est de demander réparation à leur agence de voyage en cas d'accident. En l'espèce, M. Jobard s'était inscrit auprès de la société Allibert, agence de voyage, à un stage de randonné à ski, effectué sous la direction de M. [...]
[...] Il apparaît donc que dès que l'accident se produit pendant le séjour et est en rapport avec les services souscrits (en effet, demander réparation pour une intoxication alimentaire alors que le voyage choisi n'incluait aucun repas ne serait pas recevable), l'agent de voyage est tenu d'une obligation de résultat. C'est donc une responsabilité très protectrice du consommateur qui a été mise en place. Mais une telle interprétation de la loi est-elle cohérente avec le régime de responsabilité auquel sont soumis les prestataires de services ? [...]
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