Arrêt du Conseil d'Etat, Assemblée du 30 octobre 2009, Mme Perreux, arrêt Perreux, jurispreudence Cohn-Bendit, directives communautaires, juge national
Le Conseil d'Etat abandonne enfin « son appréhension hexagonale du traité de Rome ou profit d'une vision communautaire ». Il ne contemple plus le droit communautaire comme un ordre juridique étranger et concurrent, mais il le voit au contraire comme un ordre juridique « intégré à l'ordre juridique interne ». De là découlent la reconnaissance de la spécificité du droit de l'Union qui fonde l'acceptation de l'effet direct des directives et la volonté de la juridiction administrative suprême de jouer pleinement son rôle de juge communautaire de droit commun.
[...] Néanmoins, le Conseil d'État avait estimé que les directives ne pouvaient pas être invoquées par des requérants à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif individuel (CE Ass déc Ministre de l'intérieur c/Cohn-Bendit). Le litige en l'espèce entrait parfaitement dans le champ d'application de cette jurisprudence. La solution était dès lors prévisible . Pourtant, l'affaire PERREUX fut l'occasion pour le juge de revenir sur une jurisprudence controversée. B La question de l'applicabilité d'une directive non transposée dans les délais Nous venons de le voir, la définition retenue par les juges lie l'applicabilité de la directive à sa transposition. [...]
[...] Dès lors, comment le juge aurait-il pu statuer autrement sur l'affaire portée à sa connaissance en l'espèce ? Le respect de la Constitution en droit interne passe donc par l'acceptation des juges nationaux de l'ordre administratif de la reconnaissance d'une effectivité interne du droit de l'Union, effectivité rappelée ici en substance dans le considérant de principe et les développements ultérieurs. La solution mérite d'être saluée au moins sur ce point : le juge reconnaît à un particulier le droit de se prévaloir, en cas de violation par l'Etat de son obligation constitutionnelle de transposition, des dispositions précises et inconditionnelles d'une directive pour obtenir l'annulation d'un acte administratif non règlementaire. [...]
[...] La solution au litige soulevé par la requérante, elle, lui fut malheureusement défavorable. Mais il est important de souligner que le juge s'est prononcé en sa défaveur non pas sur le fondement de son incompétence à pouvoir vérifier la conformité de l'acte individuel litigieux à la directive, ni même parce que la directive n'avait pas été transposée dans les délais, ni même encore car elle ne produisait pas d'effet direct en droit français. Le juge administratif a aménagé un mécanisme d'administration de la preuve en matière de discriminations illicites sur le modèle de celui développé dans une affaire ancienne : l'arrêt BAREL rendu à propos de plusieurs requérants qui faisaient valoir qu'ils avaient été écartés du concours d'entrée à l'école nationale d'administration en raison de leurs opinions politiques. [...]
[...] Le Conseil d'Etat quant à lui, appliquait invariablement la jurisprudence COHN BENDIT. Dans cet arrêt, le juge administratif avait appuyé son raisonnement sur la nature même de la directive. L'article 189 CEE ne prévoyait que l'applicabilité directe des règlements et le juge administratif en avait déduit a contrario l'absence d'effet direct des directives ; la directive constituant un instrument de législation indirecte, elle appelait pour être normativement complète, des mesures étatiques de transposition. La difficulté juridique majeure dans le cas PERREUX était liée à l'appréciation de l'effet direct de la directive communautaire n°2000/78/CE, invoquée par la requérante à l'appui de son recours pour excès de pouvoir. [...]
[...] Les justiciables pénalisés avaient déjà, de ce fait, de nombreuses autres voies qui leur étaient ouvertes afin de leur permettre de se prévaloir au contentieux des directives, même privées d'effet direct. A ce titre, l'arrêt PERREUX peut être appréhendé comme un geste fort de politique jurisprudentielle Cet arrêt remet le droit communautaire à sa juste place dans la hiérarchie des normes A Une remise en cause simplement partielle de la jurisprudence COHN BENDIT : des effets directs sous conditions Parmi ces instruments, nous pouvons citer l' invocabilité d'exclusion qui permettait au requérant de pouvoir se prévaloir d'une directive après l'expiration du délai de transposition, pour demander l'annulation d'un acte réglementaire qu'il ait été pris pour sa transposition ou non, et même d'un acte administratif unilatéral lorsqu'est excipée l'illégalité de la mesure réglementaire de la loi ou de la jurisprudence, incompatible avec les objectifs poursuivis par la directive sur laquelle il s'est fondée (CE 10 janv France Nature Environnement). [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture