Conditions, constitutives, servitude, caractère, réel, cassation, 27 mai 2009, 13 mai 2009
Selon Domat, la servitude est « un droit qui assujettit un fonds à quelque service pour l'usage d'un autres fonds qui appartient à un autre maître ». Le Code civil français quant à lui, définit la servitude dans son article 637 comme « une charge imposée sur un héritage pour l'usage et l'utilité d'un héritage appartenant à un autre propriétaire ». L'Avant projet de réforme du droit des biens de l'Association Capitant modernise cette définition affirmant dans son article 612, que la servitude est « une charge réelle grevant un fonds pour l'usage et l'utilité d'un fonds appartenant à un autre propriétaire ». Toutes ces définitions présentent des similitudes. En effet, elle traite tous des éléments constitutifs de la servitude. On peut clairement distinguer que pour qu'il y ait une servitude il faut un fonds, plusieurs propriétaires et l'affectation d'un fonds à un autre. C'est justement de ces éléments constitutifs de la servitude que traite les deux arrêts de la troisième chambre civile en date du 27 mai 2009 et du 13 mai 2009.
Dans le premier arrêt en date du 27 mai 2009, nous somme face à trois propriétaires indivis se partageant un fonds, laissant en indivision la parcelle restante, sur laquelle ils ont chacun des droits de propriétaire indivis. La parcelle mise en indivision est grevée d'une servitude conventionnelle de forage par rapport à une tierce parcelle (B 1593). L'un des propriétaires indivis, M. Michel X, a vendu à un tiers, M. Jean-Pierre Y, la parcelle dont il avait l'entière propriété ainsi que les droits indivis qu'il avait sur la parcelle grevée de servitude.
Les deux autres propriétaires indivis de la parcelle, forment une demande en reconnaissance de l'aggravation de la servitude de puisage en première instance. Un appel est formé contre la décision de première instance. La Cour d'appel de Bastia, par une décision en date du 13 février 2008, les déboute de leur demande relative à l'aggravation de la servitude de puisage. Un pourvoi en cassation est alors formé contre cette décision.
Dans le second arrêt, du 13 mai 2009, un usage forestier consistant à l'attribution à des destinataires tirés au sort chaque année un lot de résineux, connu sous le nom de « droit au bois bourgeois », est reconnu par la Cour d'appel de Colmar, dans une décision du 7 février 1905. Des personnes habitant la commune d'Engenthal avaient assigné l'Office National des Forêts (ONF) en vue de se faire inscrire sur la liste des bénéficiaires au « droit au bois bourgeois ». L'ONF refuse d'accéder à leurs demandes.
Les consorts X, habitants de la commune d'Engenthal veulent faire valoir ce droit contre le refus de délivrer le bois de l'ONF, en première instance. L'affaire est portée devant la Cour d'appel de Colmar, qui par une décision en date du 10 janvier 2008, accueille leur demande. Un pourvoi en cassation de cette décision est formé par l'ONF.
La question qui est posée à la Cour de cassation, dans ces deux affaires, était de savoir si l'établissement d'une servitude peut elle avoir un caractère personnel ou est elle uniquement lié au respect des conditions constitutives d'une servitude, revêtant un aspect uniquement réel ?
Par ces deux décisions en date du 13 mai 2009 et du 27 mai 2009, la troisième chambre civile de la Cour de cassation affirme l'importance des éléments constitutifs de la servitude et de leur respect, elle affirme que le défaut d'une de ces conditions ne peut entrainer la qualification de servitude, ce qui fut le cas dans la première décision pour absence de fonds dominant et dans le second cas où il n'y avait pas de dualité des propriétaires des différents fonds. La Cour de cassation affirme aussi le caractère réel et non personnel de la servitude par ces deux décisions.
[...] Cette décision n'est que la confirmation de la jurisprudence antérieure de la troisième chambre civile de la Cour de cassation puisque cette dernière par une décision datant du 11 janvier 1989 avait déjà rendue une décision en se basant sur la même argumentation pour refuser de reconnaitre l'existence d'une servitude sur une partie commune d'une copropriété d'immeuble bâti. Il est maintenant évident que la Cour de cassation accorde beaucoup d'importance au respect des conditions constitutives de la servitude pour en reconnaitre l'existence. Mais n'est-il pas possible que la Cour de cassation prenne en compte le caractère personnel des titulaires de certains droits et obligations pour qualifier une situation de servitude ? C'est la question à laquelle nous répondrons dans notre seconde partie. [...]
[...] La Cour de cassation affirme aussi le caractère réel et non personnel de la servitude par ces deux décisions. Il est évident que dans ces arrêts la Cour de cassation exige l'accomplissement stricte de toute les conditions constitutives de la servitude pour que cette dernière soit établit mais par ces arrêts la Cour de cassation procède aussi à une affirmation du caractère réel de la servitude et à l'exclusion de l'aspect personnel de cette notion (II). La servitude, une exigence stricte de la réunion des éléments constitutifs : Pour qu'il y ait une servitude plusieurs conditions doivent être réunies, c'est d'ailleurs ce que l'on peut constater à la lecture de l'article 637 du Code civil, définissant la servitude. [...]
[...] Il est donc clair que dans ces deux décisions la Cour de cassation justifie aussi le fait qu'il n'y ait pas de servitude par le fait qu'il y'a un caractère personnel des charges auxquelles cette qualification devait être attribuée. Il ya une affirmation du caractère strictement réel des servitudes par ces deux décisions. La Cour de cassation confirme donc la décision de la troisième chambre civile de la Cour de cassation, en date du 5 décembre 1969, où il était affirmé que les servitudes constituent des droits réels qui restent attachés au deux fonds entre lesquels elles ont constituées. [...]
[...] Par conséquent, il y aurait une exclusion du caractère personnel des servitudes. En effet, l'article 686 du Code civil exclut qu'une servitude puisse être établie en faveur d'une personne. Dans les deux arrêts de la Cour de cassation que nous avons à observer ne pouvons-nous pas affirmer que c'est ce que la Cour de cassation fait ? Ou plutôt c'est la raison pour laquelle la Cour de cassation décide qu'il n'ya pas de servitude dans les deux cas qu'il nous est donné d'étudier ? [...]
[...] Ainsi, la servitude ne peut avoir qu'un caractère réel. C'est d'ailleurs ce qui peut ressortir des deux arrêts de la troisième chambre civile de la Cour de cassation, datant du 13 mai 2009 et du 27 mai 2009. En effet, dans le dernier arrêt de la Cour de cassation nous pouvons clairement voir que la Cour de cassation fait référence à la définition de l'article 647 du Code civil dans son attendu. Ce qui montre que par l'utilisation de cette définition même de la servitude, la Cour de cassation affirme le caractère réel de la charge du fonds servant au profit du fond dominant. [...]
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