Renonciation aux poursuites Remise de dettes
« Remise des poursuites n'égale pas remise de dette. Voilà l'audacieuse équation posée par la Cour de Cassation le 22 mai 2007 » d'après le professeur Olivier Deshayes.
En l'espèce, une société a vendu à deux sociétés des immeubles pour y exploiter un hôtel. Les deux sociétés ont consenti un contrat de crédit-bail à une société d'exploitation. A la suite de la défaillance du crédit-preneur, un protocole d'accord est intervenu selon lequel les parties renoncent à intenter quelque action en justice contre l'autre partie, sans renoncer aux actions contre l'autre partie sans renoncer aux actions contre les cautions solidaires délivrées dans le cadre du crédit-bail. Les crédits bailleurs, du fait de la liquidation judiciaire ont agi contre une caution. La Cour d'Appel de Paris rejeta leur action. Selon elle la renonciation aux poursuites contre le débiteur principal qui est contenue dans la transaction doit être assimilée vis-à-vis de la caution à une remise de la dette garantie, car elle produit les mêmes effets ; concrètement, elle libère le débiteur et, par la suite, prive la caution de tout recours contre lui ; or le caractère accessoire du cautionnement interdit que la caution soit tenue plus sévèrement que le débiteur, par conséquence la remise peut être opposée par la caution qui se trouve elle aussi libérée.
La Cour de Cassation devait répondre à la question suivante : Lorsqu'un crédit-bailleur renonce à agir en paiement contre son crédit-preneur « sans pour autant renoncer aux actions à l'encontre des actions solidaires délivrées dans le cadre du contrat de bail » (selon le protocole d'accord), la caution peut-elle néanmoins opposer à ce créancier qui lui demande paiement le fait qu'il ait ainsi accepté de décharger le débiteur principal ?
La chambre commerciale de la Cour de Cassation censure l'arrêt rendu par la Cour d'Appel de Paris. La renonciation à agir contre le débiteur n'emporte pas renonciation à la créance et la caution ne perd pas son recours contre le débiteur.
La Cour de Cassation pose de façon claire le principe selon lequel la renonciation aux poursuites (accordée au débiteur en l'espèce) n'est pas une remise de dette (I), ce qui a pour effet que celle-ci ne libère pas la caution (II)
[...] Selon la Cour de Cassation dans un arrêt rendu par la chambre commerciale le 29 octobre 2003 une renonciation ne s'analyse pas en une remise de dette. Ce qui lui permet de déduire dans cet arrêt du 22 mai 2007 La renonciation par le créancier au droit d'agir en paiement contre le débiteur principal n'emporte pas extinction de l'obligation principale ni du recours de la caution contre ce débiteur Cette distinction opérée par la Cour de Cassation permet de respecter scrupuleusement les termes du contrat Une différenciation respectant les termes du contrat La chambre commerciale fait en l'espèce une application littérale de la volonté du créancier sans s'interroger sur ses conséquences ni sur sa licéité : en présence de deux droits de créance dont l'un est quand même l'accessoire de l'autre, ce qui affecte l'un le principal n'affecte pas l'autre. [...]
[...] L'engagement de la caution n'est pas subsidiaire. Ainsi, de plus en plus souvent aujourd'hui les créanciers ne poursuivent pas le débiteur principal en premier mais s'adressent directement à la caution. En effet, le créancier se trouve en présence de deux engagements qui se trouvent sur un même niveau. Il n'est pas obligé de poursuivre l'un avant l'autre. Dans le cas du cautionnement simple : La caution n'est engagée qu'après recherches infructueuses du débiteur principal. Mais dans le cas du cautionnement solidaire, comme c'est le cas en l'espèce, le créancier peut choisir au moment de l'exigibilité de la dette, de s'adresser directement à la caution. [...]
[...] La renonciation aux poursuites consentie au débiteur principal ne libère pas la caution La distinction entre le debitum et l'obligatio La cour de cassation souligne la nécessaire distinction entre le débitum et l'obligatio qui met en exergue le caractère indépendant des droits de poursuites finalement la renonciation au droit de poursuite envers le débiteur paraît superflue voir même hypocrite 1. L'indépendance des droits de poursuites Il faut distinguer dans l'obligation, la dette (debitum) et le pouvoir de contrainte (obligatio). Bien qu'elle n'ait jamais eu en France la même audience qu'outre Rhin (Schuld et Haftung) cette distinction permet d'expliquer cet arrêt. [...]
[...] Néanmoins si on considère que la renonciation aux poursuites est une exception purement personne à son bénéficiaire, cette solution peut être rapproché à la solution rendue quelques jours plus tard le 8 juin 2007 en chambre mixte (la caution ne peut opposer au créancier le dol dont a été victime le débiteur) qui a montré que la distinction entre les exceptions inhérentes à la dette et les exceptions purement personnelles est quelque peu approximative et boiteuse. Mais une autre justification peut être trouvée dans la finalité du cautionnement La justification au regard de la finalité du cautionnement Selon Aynès les cautions se sèment dans la joie et ses récolent dans les larmes Ainsi, la caution doit respecter son engagement au moment de l'insolvabilité du débiteur. Cette dernière traduit la réalisation du risque contre lequel le créancier entend se prémunir par le cautionnement. [...]
[...] Ainsi, on pouvait légitimement penser que la Cour de Cassation ne distinguerait pas la remise de dette et la renonciation aux poursuites. Il n'en est rien. En effet, à l'opposé de la Cour d'Appel la Cour de Cassation opère une distinction nette entre la remise de dette et la renonciation aux poursuites. Une distinction entre la remise de dette et la renonciation aux poursuites prônée par la Cour de Cassation. Le point décisif de la solution de la Cour de Cassation qui casse l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris est le désaccord quant à l'étendue des effets produits par la convention de renonciation aux poursuites. [...]
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