En matière de responsabilité, qu'elle soit délictuelle ou contractuelle, la force majeure exonère le débiteur ou le gardien de la chose ayant concouru au dommage. Les critères de la force majeure sont classiquement au nombre de trois : l'événement doit être extérieur, imprévisible et irrésistible.
L'irréstibilité est l'impossibilité de faire face à un événement insurmontable quels que soient les moyens employés par le débiteur. En effet, s'il dispose de moyens pour les surmonter, il ne sera pas exonéré.
L'extériorité est un événement extérieur à la personne du débiteur, de son préposé ou de la chose dont il a la garde.
L'imprévisibilité suppose un événement qui est normalement imprévisible par le débiteur.
Cependant, l'évolution jurisprudentielle et les débats doctrinaux ont montré que les deux caractères d'imprévisibilité et d'irrésistibilité pouvaient être remis en cause.
Ainsi, les débats ouverts autour de la notion et des critères de la force majeure faisaient attendre une réponse de la Haute Juridiction.
L'intervention de la Cour de Cassation réunie en Assemblée Plénière était donc attendue : elle s'est réalisée le 14 avril 2006 alors que l'Assemblée Plénière a rendu deux arrêts dans lesquels elle énonce que les critères conservaient toute leur pertinence pour caractériser la force majeure exonératoire de responsabilité en matière contractuelle et en matière contractuelle.
Dans le premier arrêt, la responsabilité contractuelle d'un fabricant était discutée : en effet, alors que la commande d'une machine spécialement conçue pour les besoins d'une entreprise lui avait été faite, il n'avait pu la livrer en raison de son état de santé caractérisé par un cancer des suites duquel il est décédé.
L'auteur de la commande a alors assigné les héritiers du défunt en résolution du contrat et en paiement de dommages et intérêts.
Sa demande a alors été rejetée en première et en deuxième instance.
Il se pourvoit alors en cassation en soulevant deux moyens :
Tout d'abord, il énonce que le fabriquant, étant malade depuis plusieurs mois, sa maladie présentait le caractère prévisible au moment de la conclusion du contrat. Ainsi, la Cour d'Appel, en concluant au caractère imprévisible de la maladie aurait violé l'article 1148 du Code Civil.
Ensuite, dans son second moyen, il invoque le non-respect de l'article 1153 du Code Civil par la Cour d'Appel qui a omis, après avoir prononcé la résolution du contrat de condamner in solidum les héritiers à lui payer des intérêts à taux légal.
L'Assemblée Plénière rejette alors sa demande en énonçant tout d'abord que l'incapacité physique résultant de l'infection et de la maladie grave survenue après la conclusion du contrat présentait un caractère imprévisible lors de la conclusion du contrat et irrésistible lors de son exécution ce qui est constitutif d'un cas de force majeure de telle sorte que le fabriquant doit être exonéré de sa responsabilité.
Elle énonce ensuite que le second moyen est irrecevable dès lors que l'omission de statuer sur les intérêts au taux légal peut être réparée par l'article 463 du Nouveau Code de Procédure Civile qui permet à la juridiction de compléter son jugement.
Dans le second arrêt, la responsabilité délictuelle de la RATP avait été engagée par l'époux d'une victime qui s'était délibérément jetée contre une rame de métro. La Cour d'appel avait rejeté sa demande au motif que la chute de la victime présentait le caractère de la force majeure.
Le veuf avait alors formé un pourvoi en cassation en soulevant le moyen selon lequel, en vertu de l'article 1384 alinéa 1er du Code Civil, la faute de la victime ne peut exonérer totalement le gardien de sa responsabilité que si elle constitue un cas de force majeure. Il invoquait alors que l'état de détresse de femme aurait du alerter les agents de la RATP : de ce fait il ne s'agissait pas d'un événement revêtant les caractères de la force majeure.
Cependant, l'Assemblée plénière rejette alors son pourvoi en énonçant que la faute commise par la victime présentait lors de l'accident les caractères d'imprévisibilité et d'irrésistibilité de telle sorte que les préposés de la RATP ne pouvait deviner sa volonté de se précipiter contre la rame. La RATP a donc été exonérée de sa responsabilité.
Ainsi, par ses deux arrêts la Cour de Cassation réunie en Assemblée plénière devait apporter une réponse à une question de principe qui faisait débat : Quels sont les critères de la force majeure exonératoire de responsabilité et plus particulièrement, l'imprévisibilité est-elle une condition nécessaire de la force majeure ou peut-elle être écartée ?
[...] Aussi, les auteurs qui s'attachent aujourd'hui à doter la force majeure d'une définition se réfèrent au droit européen notamment. Celui ci est cependant divisé : si les droits italien ou espagnol admettent que l'irrésistibilité de l'empêchement suffit à libérer le défendeur ; d'autres droits tels que les droits allemand, belge ou suisse exigent que l'événement soit en outre imprévisible. D'autre part, des textes communautaires se référant à la force majeure en donne une définition incluant la nécessité de l'imprévisibilité de l'événement. [...]
[...] Ainsi, les deux arrêts qui retiennent l'existence de la force majeure se sont fondés sur le caractère à la fois irrésistible et imprévisible de l'évènement qui est dans un cas la maladie du débiteur et dans l'autre l'action volontaire de la victime. C'est pourquoi, la Cour de Cassation, après avoir relevé la présence de ces deux caractères a approuvé les positions des Cours d'Appel. Cette solution est tout à fait satisfaisante sur ce point puisqu'il paraît logique que l'événement auquel l'agent ne peut résister lorsqu'il se produit et qui ne pouvait par ailleurs être prévu entraîne l'exonération du défendeur puisque l'événement ne pouvait être évité. Le second enseignement de ces arrêts est l'affirmation par la Haute juridiction du rejet de l'extériorité. [...]
[...] Ensuite, dans son second moyen, il invoque le non-respect de l'article 1153 du Code Civil par la Cour d'Appel qui a omis, après avoir prononcé la résolution du contrat de condamner in solidum les héritiers à lui payer des intérêts à taux légal. L'Assemblée Plénière rejette alors sa demande en énonçant tout d'abord que l'incapacité physique résultant de l'infection et de la maladie grave survenue après la conclusion du contrat présentait un caractère imprévisible lors de la conclusion du contrat et irrésistible lors de son exécution ce qui est constitutif d'un cas de force majeure de telle sorte que le fabriquant doit être exonéré de sa responsabilité. [...]
[...] Cette distinction est en général justifiée par la nécessité de tenir compte des prévisions du débiteur qui ne doit s'engager que selon ses possibilités au moment de la formation du contrat : elle lui est donc favorable puisqu'elle facilite l'admission de l'imprévisibilité. Il pourra alors facilement prétendre l'imprévisibilité de l'événement au moment du contrat même si celui-ci est devenu prévisible par la suite. Quelques auteurs font cependant remarquer que cette protection du débiteur contractant peut le dispenser de certaines précautions lors de la formation du contrat. [...]
[...] Enfin, aujourd'hui, beaucoup d'auteurs voudraient substituer à la trilogie classique irrésistibilité, imprévisibilité, extériorité une nouvelle trilogie en vertu de laquelle l'événement doit être inévitable, irrésistible et insurmontable. Les termes d'inévitabilité et d'insurmontabilité sont parfois employés en jurisprudence et constituent les deux aspects de l'irrésistibilité qui doit en effet être double : l'événement doit être inévitable dans sa survenance et insurmontable dans ses effets. En matière contractuelle, certains préfèrent parler d'impossibilité d'exécuter le contrat. [...]
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