Commentaire civ 3, 16 décembre 1998 vileté du prix lésion aléa
Pas de prix pas de vente ! Voici le principe général en matière de vente. En effet la fixation du prix est un élément essentiel dans le contrat, bien sur il existe des exceptions, des contrats dans lesquels aucun prix n'est fixé comme par exemple l'échange ou la donation.
L'article 1591 du code civil dispose alors que « Le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties » sous peine de nullité. Le contrat est régie par le principe de liberté contractuelle, les parties sont donc libres dans la fixation du montant du prix. Cependant, l'article 1658 du code civil prévoit que « le contrat de vente peut être résolu par l'exercice de la faculté de rachat et par la vileté du prix ». En effet, dans les contrats de vente, deux actions principales peuvent être intentées en cas de prix dérisoire : l'action en nullité pour vileté du prix et la rescision pour lésion.
La première action est une action qui sanctionne un prix dérisoire. Cette action en vileté du prix entraine alors une nullité absolue qui peut être invoqué par tout cocontractant ou tout intéressé. La vileté du prix est alors apprécier souverainement par le juge. Cette action s'oppose alors à l'action en rescision pour lésion.
L'article 1118 du code civil prévoit que la lésion ne vicie les conventions que dans certains contrats ou à l'égard de certaines personnes. La lésion est définie comme le préjudice pécuniaire que subit une personne en raison d'un défaut d'équivalence entre avantage qu'elle obtient et le sacrifice qu'elle consent.
La jurisprudence a reconnu que l'action en nullité pour vileté du prix est fondée sur l'absence d'un élément essentiel du contrat (Cass. com. 23 octobre 2007), le caractère non sérieux du prix étant assimilé à un défaut de celui-ci. Et la rescision pour lésion est régie par les articles 1674 à 1685 du code civil qui permettent au vendeur d'immeuble de demander la rescision de la vente quand il a été lésé de plus des sept douzième. Cependant celle-ci est soumise à des conditions strictes et ne s'applique pas à tout le monde et dans tous les contrats. En effet la lésion est notamment soumis à un régime probatoire particulier régit par l'article 1677 du code civil qui dispose que « la preuve de la lésion ne pourra être admise que par jugement, et dans le cas seulement où les faits articulés seraient assez vraisemblables et assez graves pour faire présumer la lésion ».
La question s'est alors posée de savoir si l'action en nullité pour vileté du prix pouvait être régie par cet article 1677 dans un arrêt de la troisième chambre civile du 16 décembre 1998.
En effet, dans cette espèce le prix d'une vente d'immeuble avait été converti, pour les acquéreurs, en une obligation de nourrir, loger, vêtir et soigner la venderesse. Il s'agissait donc d'un contrat aléatoire. Et du fait de l'inexécution des acquéreurs, cette dernière intente une action en nullité pour inexécution de leurs obligations contractuelles et au décès de cette dernière, ses héritiers ont repris l'instance et conclus en appel à une action en nullité pour vileté du prix. La Cour d'appel de Fort-de -France le 8 mars 1996 écarte le moyen des héritiers au motif que les appelants se bornaient à une pétition de principe quant à la vileté du prix sans apporter aucun des éléments qui permettraient de considérer, en application de l'article 1677 du Code Civil, que « les faits articulés sont assez graves et vraisemblables pour faire présumer la lésion et autoriser la preuve de celle-ci ».
La question qui s'est posée à la Cour de Cassation de savoir si l'article 1677 du Code Civil était applicable à l'action en nullité pour vileté du prix.
La Cour de cassation casse alors l'arrêt de la Cour d'Appel en estimant que l'article 1677 du code civil n'est pas applicable à une action en nullité fondée sur la vileté du prix. Par cet arrêt la Cour de Cassation nous confirme l'adage selon lequel « l'aléa chasse la lésion » (I) et semble en dessiner un deuxième selon lequel « la vileté du prix chasserait l'aléa » (II).
[...] Lorsque le prix est seulement lésionnaire, il est inférieur à la valeur de la chose mais il ne peut pas être tenu pour dérisoire. Alors que la lésion ne peut être invoquée que dans des cas limités, le prix dérisoire est une cause de nullité dans toutes les ventes. Dans cet affaire, la Cour d'Appel nous disait qu'on pouvait appliquer l'article 1677 du code civil relatif à la rescision pour lésion et que le juge pouvait à se titre vérifier le caractère dérisoire du prix qui, s'il était présent, éliminerait le caractère aléatoire du contrat et pourrait donc donner suite à la requête des héritiers demandant l'annulation de la vente pour vileté du prix, qui était exclu en l'espèce pour un manque de preuves apportées par ceux-ci conformément à l'exigence de l'article 1677 du code civil. [...]
[...] L'aléa excluant la rescision pour lésion. Par principe, les ventes aléatoires ne sont pas rescindables pour cause de lésion, car l'aléa chasse la lésion (Civ mars 1987), autrement dit celui qui joue ne peut se plaindre de perdre puisqu'une prestation aléatoire ne peut être évaluée. Ainsi, les contrats aléatoires et, en particulier, la rente viagère et le bail à nourriture, ne peuvent faire l'objet d'une action en rescision pour lésion. En effet dans ce genre de contrat, il n'est pas possible de comparer la valeur des obligations réciproques des parties, or, cette comparaison est nécessaire pour établir le caractère lésionnaire ou dérisoire du prix. [...]
[...] Cette position consacre donc le principe selon lequel la vileté du prix est considérée comme le défaut d'un élément essentiel du contrat. En effet, en tant que prix non sérieux et donc non réel, le prix vil se rattache aux dispositions du prix de la vente énoncées par l'article 1591 du code civil selon lequel le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties Et c'est sur ce fondement que le contrat aléatoire doit être considéré comme nul lorsqu'on parle de prix dérisoire et non sur le fondement de la lésion comme l'a fait la Cour d'Appel puisque le prix dérisoire est différent du prix lésionnaire. [...]
[...] Les juges du fond apprécient alors souverainement cette vileté. Cet arrêt facilite donc la preuve des vendeurs concernant les contrats aléatoires qui se plaignent d'un prix dérisoire puisqu'ils n'auront plus à se fonder sur la lésion dont le régime probatoire est conditionné par l'article 1677 du code civil et donc à prouver que «les faits articulés sont assez graves et vraisemblables pour faire présumer la lésion et autoriser la preuve de celle-ci», mais ils pourront intenter une action en nullité fondée sur la vileté du prix qui repose sur le principe de la preuve libre. [...]
[...] Droit civil Les contrats spéciaux Thème : La chose et le prix dans la vente Commentaire de l'arrêt : Civ, 3ème du 16 décembre 1998 Pas de prix pas de vente ! Voici le principe général en matière de vente. En effet la fixation du prix est un élément essentiel dans le contrat, bien sur il existe des exceptions, des contrats dans lesquels aucun prix n'est fixé comme par exemple l'échange ou la donation. L'article 1591 du code civil dispose alors que Le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties sous peine de nullité. [...]
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