Commentaire d'arrêt, Troisième Chambre civile, Cour de cassation, 26 juin 1991, nature mobilière ou immobilière d'un bien
« Le pouvoir de tout modifier est dans notre volonté » s'exprimait l'auteur britannique William Shakespeare dans son œuvre Othello, I, 3 (1604). Cette affirmation semble contredite dans l'arrêt qui nous est donné à commenter et qui a trait à l'incidence de cette volonté sur la nature mobilière ou immobilière d'un bien.
En l'espèce, des époux ont conclu avec la société Union pour le financement des équipements techniques et thermiques (UFITH) un contrat de location-vente. Ce contrat s'accompagnant d'un prêt permettant le financement par les époux la construction de vérandas sur leur immeuble. En contrepartie, les emprunteurs devaient verser une redevance mensuelle.
Toutefois, des difficultés surviennent et conduisent le couple à demander l'annulation du contrat de location-vente en justice. De même, ils demandent la restitution des sommes versées mensuellement en vertu de celui-ci. Une juridiction inconnue est saisie en première instance. La teneur de la décision qu'elle a rendue est également inconnue. Un appel est ensuite interjeté devant la Cour d'appel de Nîmes. Cette dernière sera plutôt attentive envers la prétention de la société et accédera à sa demande le 8 juin 1989.
[...] Dans ces cas, un bien objectivement considéré comme meuble devient immeuble par la seule force de la volonté. Il est donc possible d'évoquer utilement qu'il y a eu une admission antérieure de la volonté dans la détermination de la nature mobilière ou immobilière d'un meuble et plus largement de la nature du meuble en lui-même. C'est donc à juste titre que la société requérante et la Cour d'appel ont mis en avant la clause de réserve de propriété qui n'est rien d'autre que la manifestation de la volonté des parties. [...]
[...] Une analyse critiquable Le raisonnement mené par la troisième chambre civile peut paraître critiquable et fait apparaître quelques failles lorsqu'on s'attarde à l'analyser. D'abord, la solution apportée peut s'avérer être une menace quand à l'efficacité même de la clause de réserve de propriété.En effet, cette clause est avant tout une sûreté,une garantie pour la créance du vendeur. Or le fait d'ôter à la volonté des parties,c'est à dire à un contrat et avec lui la clause qu'il contient revient à priver d'effet la sûreté dans ce domaine précis. [...]
[...] La volonté des parties peut- elle avoir une incidence sur la nature mobilière ou immobilière d'un bien ? A cette interrogation,la réponse de la haute juridiction est ferme.Réunie en sa troisième chambre civile le 26 juin 1991, elle décide que la nature, immobilière ou mobilière, d'un bien est définie par la loi, et que la convention des parties ne peut avoir d'incidence à cet égard . Elle casse alors l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Nîmes et renvoie la question devant la Cour d'appel de Lyon. [...]
[...] Le professeur en Droit des affaires à l'Université Toulouse 1 Capitole, Jean François Barbièri exposait à ce point sa crainte quant à l'application de cette jurisprudence par la chambre commerciale de la Cour de cassation.En effet, une telle application porterait atteinte à la sécurité du vendeur de matériels et de gros outillages avec réserve de propriété. Ensuite, on peut reprocher à l'arrêt le caractère trop général de la solution. En effet, il fait un rappel solennel d'un principe,sans nuance . [...]
[...] Il instaure par là une distinction primaire,une summa divisio, une classification suprême entre les biens dans la mesure où ils ne peuvent appartenir qu'à ces deux catégories. Cette classification émane de la loi et dans cet arrêt, la Cour de cassation affirme que la volonté des parties n'a pas de rôle à jouer quant à la qualification de meuble ou d'immeuble. En d'autres termes,elle nie la place de la volonté individuelle dans la qualification d'un bien. Pourtant,telle n'a pas toujours été sa position. En effet, une jurisprudence ancienne conférait à la volonté la faculté d'influer sur la nature mobilière ou immobilière d'un bien. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture