Commentaire d'arrêt, Troisième Chambre civile, Cour de cassation, 17 janvier 2007, obligation d'information
Georges Ripert, doyen de la Faculté de droit de Paris, a eu l'occasion de dire dans sa Règle morale dans les obligations civiles que « le droit doit réaliser la justice et l'idée du juste est une idée morale ». Ce juriste avait constaté que la morale avait profondément imprégné le droit, l'exemple du dol pouvant être une cause de nullité de certains contrats appuie ses propos.
L'application de la règle morale se heurte néanmoins souvent à la règle juridique, ce dont atteste cet arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation.
Il s'agissait d'une affaire où le bénéficiaire de la promesse de vente sur une maison, marchand de biens (M.X), a levé l'option dans le temps imparti avant d'assigner le promettant (M.Y), manoeuvre ignorant la valeur sur le marché du bien mis en vente, en réalisation de la vente.
En interjetant appel, le promettant souhaite voir prononcée la nullité des promesses de vente sur sa maison au motif d'une réticence dolosive au sens de l'article 1116 du Code civil puisque le bénéficiaire a manqué à son devoir de loyauté en dissimulant la valeur du marché du bien, information alors essentielle sur l'immeuble à vendre. Ce dernier soutient alors qu'il n'est pas tenu d'obligation d'information sur la valeur sur le marché du bien acquis.
[...] Mazeaud s'indigne de cette position en exclamant En contrat, trompe qui peut ! A ceux qui défendent l'idée selon laquelle le vendeur serait à l'origine de son propre dol du fait de son erreur sur la valeur, il répond que la mauvaise foi de l'autre partie ne lui permet pas de reprocher à la victime de ne pas s'être suffisamment informée Autrement dit, l'erreur est toujours excusable lorsqu'elle a été provoquée par la déloyauté de l'autre partie. Le silence ainsi gardé par l'acquéreur avait déterminé le vendeur à conclure le contrat dans des conditions qu'il n'aurait pas acceptées si il avait été loyalement informé. [...]
[...] On est alors amené à se prononcer sur l'opportunité de la décision de la Cour de cassation. Cette dernière a statué en droit strict, en effet, si la cour de cassation avait rendu une décision en faveur de la victime, on aurait sans doute imaginé qu'elle avait rendu une décision sur la base de l'équité et non pas du droit. L'exigence d'un consentement sain est prévue à l'article 1009 du Code civil. Afin qu'un consentement soit saint, il doit être libre et éclairé. [...]
[...] Le champ d'application de l'obligation de contracter de bonne foi en sort lui aussi réduit puisque la Cour de cassation considère que l'acquéreur qui se tait sciemment sur la valeur réelle de la chose vendue ne contracte pas de mauvaise foi. Si l'usage de l'imparfait dans l'attendu de principe de l'arrêt Baldus laissait imaginer que la solution ne s'applique qu'en cas de l'espèce, il n'y a plus de doute sur la question avec l'arrêt de janvier 2007 dont la solution semble assortie de la force d'un principe général : l'acquéreur, même professionnel, n'est pas tenu d'une obligation d'information au profit du vendeur sur la valeur du bien acquis, la cour d'appel a violé l'article 1116 du Code civil Par ailleurs, cet arrêt aura le mérite de préciser l'arrêt Baldus en excluant expressément l'obligation d'information de l'acheteur quand bien même serait-il professionnel. [...]
[...] Comme le souligne Stoffel-Munk, la troisième chambre civile avait pris l'habitude de se montrer plutôt compatissante en matière de dol, puisque c'est elle qui a énoncé que la réticence dolosive rend toujours excusable l'erreur provoquée là où la première chambre civile avait depuis l'affaire Baldus expressément dit que l'obligation d'information ne pesait pas sur l'acheteur. On peut ainsi se poser la question de l'influence d'une chambre sur une autre. Néanmoins, sur la forme, on peut se demander si en rendant un arrêt doté d'une telle force de principe général, la Cour de cassation ne viole pas l'article 5 qui dispose qu' est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises en rendant des arrêts de règlements qui ne portent pas leurs noms. [...]
[...] L'article 1116 du Code civil distingue les éléments constitutifs du dol et ses caractéristiques en disposant le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté Pour le caractériser, il faut prouver les manœuvres ; par lesquelles on entend le mensonge, les artifices, les mises en scène, le dol doit être l'œuvre d'un contractant et non d'un tiers, il doit également être déterminant c'est à dire qu'il doit avoir entraîné une erreur dans l'esprit du contractant. La question s'est posée de savoir si le simple silence pouvait être une manœuvre au sens de l'article 1116 du Code civil. On a assisté à une évolution de la jurisprudence sur ce point puisque d'abord, le silence ne pouvait être considéré comme une manœuvre au sens de l'article 1116. [...]
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